L’Orchestre national du Capitole avait l’espoir de retrouver son public à partir du 18 décembre. Les mesures sanitaires ont entraîné le prolongement de la diffusion des concerts exclusivement en live sur les réseaux sociaux, à l’image de ceux déjà réalisés dans ces conditions et qui restent d’ailleurs accessibles gratuitement à tous et disponible jusqu’au 18 janvier sur les réseaux sociaux. Les 18 et 31 décembre à 20 h deux nouveaux concerts live ont été diffusés et sont en streaming gratuit pour tous. Ces deux concerts festifs, dirigés par Tugan Sokhiev, ont prolongé et adouci cette période frustrante.
Tugan Sokhiev et l’Orchestre national du Capitole lors du concert « cinéma »- Photo YouTube ONCT –
Musiques et images
Le 18 décembre à 20 h la magie du cinéma, à laquelle Tugan Sokhiev est particulièrement sensible, rencontrait celle de l’orchestre. Le programme de la soirée conviait ainsi le public à un voyage à travers quelques-unes des musiques les plus populaires du septième art. Cette rencontre entre deux arts complémentaires a revêtu cette année une couleur particulière que révèle le programme. Cette fois, Tugan Sokhiev « fait son cinéma » dans un répertoire qui offre la part belle aux productions françaises. Certes quelques musiques signées John Williams ou Ennio Morricone restent des incontournables. Mais une grande partie du programme visite des partitions de Georges Delerue, Vladimir Cosma, Joseph Kosma, Michel Legrand ou Maurice Jarre. De La Nuit américaine à Rabbi Jacob en passant par Les Parapluies de Cherbourg ou Lawrence d’Arabie, ce beau panorama, toujours visible et audible sur les réseaux sociaux reste disponible gratuitement jusqu’au 31 janvier sur YouTube.
N’hésitez pas à vous connecter et à apprécier cette succession de partitions imagées et fortes. S’ouvrant sur la musique composée par Ludovic Bource pour le film The Artist, le programme met en évidence les couleurs d’un orchestre rompu à cet exercice. Constatons avec plaisir le bonheur de jouer qui émane du chef comme de ses musiciens, malgré les masques qui couvrent les visages des pupitres de cordes et de percussions, masques sous lesquels se devinent les sourires. Tugan Sokhiev lui-même s’investit physiquement dans les intriques évoquées. Remarquez notamment le regard inquiétant du chef lors de la suite de Jaws, autrement dit Les Dents de la mer, signée John Williams…
L’homme à l’harmonica de Il était une fois dans l’Ouest, n’est autre que Sébastien Gisbert, musicien caméléon. Quant à Inessa Lacourt, qui joue l’ensemble des claviers, elle arbore une belle peluche de chouette lors de l’évocation de l’oiseau fétiche de Harry Potter…
Le concert de Nouvel An
Les trois concerts traditionnels de fin d’année ont été réduits à un seul, le 31 décembre à 20 h. Un seul concert, mais avec la possibilité de le voir et de l’entendre autant de fois que l’envie s’en fait sentir grâce aux technologies d’Internet…
De Leonard Bernstein à Jacques Offenbach, en passant par Gioacchino Rossini, Johann Strauss, Antonín Dvořák, Dmitri Chostakovitch, Piotr Illich Tchaïkovski, ou Georges Bizet, la palette de ce programme s’est avérée particulièrement large et diverse. D’où le titre donné à cet événement musical : Un Nouvel An aux couleurs du monde. Sous la direction dynamique et souriante de Tugan Sokhiev, les musiciens jouent le jeu de l’optimisme. Visiblement heureux de se retrouver, ils remplacent par leurs applaudissements ceux par lesquels le public, absent ce soir-là, n’aurait pas manqué de saluer chaque escale d’un voyage musical haut en couleurs.
C’est avec l’ouverture pétillante de l’opéra Candide de Leonard Bernstein que démarre cette soirée hors norme. Suivent alors une série de pièces intimement liées à cette célébration, puisqu’elles sont signées de Johann Strauss Jr. Le tonitruant Unter Donner und Blitz (Sous le tonnerre et les éclairs) est suivi de l’indispensable Beau Danube bleu, pris dans un tempo retenu d’une belle élégance. La célèbre Trish-Trash Polka complète ce triptyque viennois.
L’ Orchestre national du Capitole et Tugan Sokhiev lors du concert du Nouvel An – Photo YouTube ONCT –
La fameuse Sérénade – Valse de la Suite de Jazz n° 2 de Dmitri Chostakovitch, avec son touchant solo de saxophone, ouvre le détour slave du voyage. L’évocation de la Bohème s’incarne dans la très entraînante Danse slave opus 46 n° 1 d’Antonín Dvořák.
L’Italie est représentée par la géniale mécanique rossinienne de l’Ouverture du Barbier de Séville, habilement colorée par les pupitres virtuoses de l’orchestre dont le hautbois solo, particulièrement sollicité.
Une incursion vers la Russie natale de Tugan Sokhiev s’effectue grâce à deux pièces chorégraphiques signées de Piotr Illich Tchaïkovski extraites du ballet Casse-Noisette : la fameuse Valse des Fleurs, puis le grand Pas de deux. Le lyrisme absolu !
La France, qui a évidemment son mot à dire, est représentée tout d’abord par la vivifiante Farandole de la Suite n° 2 de L’Arlésienne de Georges Bizet prise dans un tempo jubilatoire parfaitement assumé et soutenu par le très virtuose pupitre de flûte. La douceur nostalgique de la Barcarolle des Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach ménage un contraste apaisant avant un final plein de verve.
Un petit retour vers Leonard Bernstein, donne la parole, ou plutôt la voix, aux musiciens. Dans le fameux Mambo, extrait de West Side Story, les rythmes latins sont interrompus à deux reprises par un retentissant « mam-bo ! » déclamé par les instrumentistes.
Après une intervention de Tugan Sokhiev qui souhaite à tous les publics éloignés une sonore et chaleureuse « Bonne Année », entonnée également par tous les musiciens, la soirée s’achève sur l’ouverture de Carmen, de Georges Bizet.
L’émotion et les sourires sous les masques marquent cette fin d’année étrange et qu’on laisse volontiers derrière soi…
Rappelons encore que cette soirée exceptionnelle reste disponible sur YouTube ONCT.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse