Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait, un film d’Emmanuel Mouret
Le réalisateur nous immerge au cœur d’un labyrinthe sentimental dans lequel il confronte ses personnages à leurs paroles et à leurs actes. Un prodige d’émotion !
Mademoiselle de Joncquières (2018), le précédent long de ce cinéaste, nous avait déjà largement comblé. Celui qu’il nous présente aujourd’hui confirme la patte originale d’un réalisateur qui imprègne son cinéma de beautés devenues rares dans le 7è art : direction d’acteurs au millimètre, lumières précieuses, costumes d’une rare justesse de ton, sans oublier des dialogues ciselés dignes des plus grands orfèvres en la matière, ainsi qu’un scénario (signé Emmanuel Mouret ici) dont l’apparente légèreté ne peut longtemps cacher la profondeur. Les choses que l’on dit, les choses que l’on fait réunit tout cela…à la fois !
C’est l’histoire d’une rencontre, celle de Maxime et de Daphné, la compagne de Gaspard, cousin de Maxime. Ce dernier a été invité chez ce couple qui attend un heureux évènement, mais le travail de Gaspard retarde son arrivée de quelques jours. Voilà donc Maxime et Daphné, qui ne se connaissaient pas, livrés à eux-mêmes dans cette magnifique demeure de campagne. Comment passer le temps ? Très vite les deux quadras devinent qu’ils peuvent se confier mutuellement leurs cheminements sentimentaux. Avec une habileté diabolique, le réalisateur nous expose ainsi par une suite de séquences intemporelles les errances du cœur de ces deux jeunes adultes. Nous faisons alors connaissance avec tout un environnement qu’anime un chassé-croisé amoureux qui, pour aussi complexe qu’il puisse paraître, est, par la grâce d’une mise en scène et d’un montage stupéfiants d’efficacité, d’une fluidité absolue. Tous ces personnages que nous croisons luttent contre eux-mêmes et contre leurs désirs. Nous sommes là au cœur de la thématique de ce film et rarement il nous fut donné de voir un thème aussi difficile exposé avec autant de sincérité, de naturel, de franchise, de limpidité. Pour cela, Emmanuel Mouret devait réunir une distribution de luxe, luxe n’étant en rien synonyme ici de « papier glacé ». Non, il fallait non pas des acteurs, mais des artistes, des vrais, de ceux qui savent bouger, regarder, se taire parfois mais aussi et surtout dire des mots, des phrases avec dans leur musicalité la traduction de sentiments intimes. Ils sont rares. Pourtant, le réalisateur a réuni un casting parfait. Au premier rang certainement Vincent Macaigne, cet immense artiste trop peu connu du public malgré une gigantesque carrière tant au théâtre qu’au cinéma.
Il est difficile dans le panorama hexagonal actuel de trouver pareil comédien dont les regards et la douceur de la voix, les gestes simplement amorcés, les silences assourdissants, en font un interprète d’une sensibilité de tout premier plan. A son égal ici nous croisons Camélia Jordana, Niels Schneider, Emilie Dequenne, Jenna Thiam, Guillaume Gouix. Ces artistes ne vampirisent pas les plateaux comme tant d’autres, mais leurs prestations laissent toujours des souvenirs durables, enchantés et remplis d’émotion. Et tout cela bercé par des musiques signées Vivaldi, Mozart, Chopin, Puccini, Debussy. Le bonheur absolu !
En sélection à Cannes cette année, il y a fort à parier, du moins faut-il l’espérer, que ce film reviendra avec un prix.
Vincent Macaigne – Un artiste magique !
Sensibilisé tout jeune au monde théâtral par une maman iranienne artiste peintre, Vincent intègre rapidement le Conservatoire national supérieur d’Art dramatique de Paris en 1999. Il a 21 ans ! Très vite ses multiples talents boucleront son calendrier. Sauf que l’un de ses amis le harcèle littéralement pour l‘intégrer dans le casting de son moyen-métrage. Une sorte de pied à l’étrier. Réalisateur, metteur en scène de théâtre, acteur, scénariste, Vincent Macaigne est un mystère en cela qu’il réussit au plus haut niveau tout ce qu’il entreprend et n’en demeure pas moins un parfait inconnu pour le grand public. Tout à l’inverse de nombre de ses confrères…
Où déjeuner / dîner avant ou après votre séance de cinéma ?