L’Ombre de Staline, un film de Agnieszka Holland
En plus de souligner, voire révéler au plus grand nombre, l’innommable et programmé massacre de plus de 7 millions de Russes par Staline, ce film est aussi le portrait d’un jeune journaliste qui fit de son métier un point d’honneur.
En 1933, le jeune journaliste gallois Gareth Jones, à peine âgé de 28 ans, décroche le premier entretien qu’Hitler accorde à un étranger. Fort de ce coup d’éclat, Gareth obtient une mission en Russie, à Moscou précisément. Ses contacts sur place, avant de disparaître, lui glissent à l’oreille d’aller voir en Ukraine ce qui se passe. Gareth réussit à s’embarquer clandestinement dans un train qui va l’amener au cœur du grenier à blé de l’URSS. Ce qu’il va découvrir répond à sa question principale : comment Staline finance l’industrialisation effrénée de son pays ? Simple mais dramatique, l’URSS exporte des céréales en quantités colossales et réduit à la famine des pans entiers de la population. Le nombre de victimes est aujourd’hui évalué à 7 millions ! C’est bien sûr un secret d’Etat et gare à ceux qui s’en approchent de trop près. Il en est ainsi du contact de Gareth, le journaliste Paul Kleb que l’on retrouvera, victime d’un cambriolage dans son hôtel, avec quatre balles dans la peau… Cela ne dissuade en rien notre chevalier de l’investigation. Dans la neige et dans le froid, il parcourt cette Ukraine martyrisée où les cadavres sont recouverts par la neige, où les bébés pleurent dans les bras de leur mère morte et finissent vivants dans le tombereau qui amène la pauvre femme vers une fosse commune, il va découvrir avec horreur des scènes de cannibalisme (attention aux âmes sensibles) inimaginables. Il finira par se sortir de cet enfer et publiera un article incendiaire, non sans avoir affronté Walter Duranty, correspondant du New York Times à Moscou, aux ordres éditoriaux du Kremlin, Prix Pulitzer au passage, prix prestigieux qui ne lui fut jamais enlevé malgré la révélation des monceaux de fake news qu’il avait écrits sur le miracle russe.
Nous savons cette réalisatrice polonaise très attachée à l’Histoire, ce drame ukrainien, l’Holodomor, un véritable génocide d’Etat, la hantait depuis longtemps. Elle nous le livre dans toute sa cruauté, sans filtre aucun. Elle a trouvé en James Norton un Gareth Jones tout en volonté, en naïveté, en courage, pétri de pugnacité, assoiffé de vérité. Le véritable héros d’un certain métier que notre temps voue aux gémonies. Pour sa part, il fut assassiné en Mongolie, lors d’un reportage, la veille de ses 30 ans, en 1935. Le héros est devenu un martyr. A jamais.
James Norton – Enfin un premier plan !
Ce fils de professeurs londoniens voit le jour au bord de la Tamise il y a tout juste 35 ans. Devant son appétit pour le théâtre, ses parents lui laissent intégrer la Royal Academy of Dramatic Art. Il y restera 3 ans. Des planches aux studios il n’y a qu’un pas que le jeune James va franchir allègrement. Longs métrages et séries vont se succéder à une cadence infernale, révélant petit à petit un authentique comédien. Avec le présent opus, James Norton déploie, enfin, tout son talent.