Les Toulousains connaissent bien les manifestations conviviales autour de Johann Sebastian Bach (Jean-Sébastien pour les Français) que l’ Ensemble Baroque de Toulouse organise dans la ville rose. L’artisan passionné de ces événements, le flûtiste et chef d’orchestre Michel Brun, vient de participer à la publication d’un court ouvrage qui analyse avec enthousiasme et humour cette admiration pour un compositeur d’exception et ses conséquences sur la manière d’en détecter les géniales particularités.
Rédigé sous la forme d’une série d’entretiens de Michel Brun avec l’écrivain et poète Yves Le Pestipon qui traque le musicien au plus profond de ses questionnements, cet ouvrage éclaire le grand public sur l’inventeur génial d’un langage musical qui influencera tous les compositeurs qui le suivront. Rappelons que Michel Brun a fondé l’Ensemble Baroque de Toulouse en 1998, une formation instrumentale et vocale qui se consacre à l’exécution « historiquement informée » (comme l’on dit maintenant) du répertoire des musiques dites « baroques » ou « anciennes ». Au sein de ce répertoire trône en majesté l’œuvre de Jean-Sébastien Bach.
Tout au long de cet entretien transparaît une admiration, une affection même, à l’égard d’un créateur dont les processus de composition se trouvent analysés, scrutés, détaillés avec une minutie qui fuit tout dogmatisme et toute théorisation pour s’intéresser à l’essentiel : la transmission de la beauté et de la sensibilité.
Parmi les sujets abordés, les deux interlocuteurs complices sont appelés à évoquer les événements originaux imaginés par Michel Brun autour de Jean-Sébastien Bach.
Il est ainsi question de la création du projet insensé des Cantates sans filet, cette entreprise utopique, mais si logique au fond, d’exécuter l’ensemble des quelques deux-cents Cantates connues du Cantor de Leipzig, à raison d’une par mois.
L’originalité consiste ici à mettre au point chaque exécution dans les conditions de leur création, c’est-à-dire avec une seule répétition avant l’interprétation finale, les deux phases étant offertes gratuitement au public appelé en outre à participer de la voix au choral final !
L’autre événement, le festival Passe ton Bach d’abord, crée, le temps d’un week-end de juin, l’effervescence dans la ville de Toulouse. Une centaine de mini-concerts autour de Bach anime les lieux les plus divers de la cité. Toute musique de Bach ou inspirée par lui y rencontre un public aussi curieux qu’insatiable dans une atmosphère de convivialité unique. Du hip-hop au flamenco, de la danse au jazz ou à l’exécution orthodoxe (pardon, luthérienne !) des œuvres de Bach, toute tendance est légitimée.
Et puis, il est un sujet qui irrigue tout l’ouvrage à la manière d’un chemin de Damas pour Michel Brun. Il s’agit de la découverte, à l’occasion de l’interprétation à la Halle aux Grains, en juin 2017 par l’Ensemble Baroque de Toulouse, de la Passion selon Saint-Matthieu, du processus d’écriture imaginé par le compositeur afin d’éclairer la relation quasiment magique entre le texte et la musique. Je vous laisse découvrir cette passionnante révélation qui fut pour Michel Brun « une illumination pour sa vie entière »…
Voici quelques 136 pages de passion qui font du bien en ces temps perturbés !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Michel Brun © Monique Boutolleau