Le 40e Festival international Piano aux Jacobins n’y dérogera pas. Avec son identité aux fondations inébranlables, ce rendez-vous incontournable s’envole une fois de plus pour jouer les ambassadeurs des deux maîtres mots : passion et fidélité. C’est du 5 au 30 septembre 2019.
Quatre dizaines ininterrompues de concerts, c’est bien plus qu’une simple performance artistique. Persévérance et volonté farouche de réussite, mais aussi intuition, esprit d’entreprise ont été nécessaires pour que le vaisseau amiral vogue, inébranlable. L’affiche est bien celle d’un anniversaire sûrement inenvisageable à sa création. D’un seul lieu au début, l’irrésistible beauté du fameux Cloître des Jacobins, le Festival a essaimé aux alentours comme l’Auditorium de Saint-Pierre des Cuisines et autres, mais bien plus loin puisque le Japon, la Chine ont été conquis. Le XVè Festival en Asie a eu lieu courant mai dernier.
La programmation se révèle un atout de choix par son parfait équilibre entre les piliers que représentent certains compositeurs incontournables, et des moins connus du public. Et cela va jusqu’au choix des œuvres, certaines se devant d’être régulièrement au rendez-vous et d’autres étant livrées à l’esprit de découverte de l’auditoire. C’est ainsi que l’on retrouve la Sonate “Waldstein“ sous les doigts d’un nouveau qui fait déjà beaucoup de bruit dans le vaste Landerneau des pianistes, un certain Pavel Kolesnikov, russe de Sibérie, dont les premiers enregistrements passionnent. Mais il était déjà à Piano en 2015 !! Ou les Variations Goldberg sous les doigts d’Anne-Marie MC Dermott qui ne quittera pas J.-S. Bach puisque ce sera pour suivre la Chaconne en ré mineur dans la transcription de Busoni. Une pianiste à l’immense répertoire dans tous les domaines.
Cela se complique si l’on envisage l’équilibre entre ceux que l’on qualifie de légendes vivantes du piano et celles en devenir avec les talents à découvrir à qui le Festival donne toutes leurs chances de par sa propre renommée. Même s’il s’y refuse, Adam Laloum fait bien partie intégrante, maintenant, de la cour des grands et vous l’écouterez le 19 dans un monument, La Grande Humoresque en si bémol majeur de Robert Schumann, suivi d’un deuxième, la D 959 de Franz Schubert. Vous ne pourrez ignorer le Chopin et le Liszt d’un abonné au Festival, un chouchou du public, le pianiste argentin Nelson Goerner. C’est pour le 11. Ses talents pianistiques ne sont plus à démontrer mais je me permets de rajouter, son extrême affabilité. Ces points soulevés peuvent d’ailleurs s’adresser aussi bien à une autre figure du Festival dont l’assiduité le rendait indispensable à un tel anniversaire. Nicholas Angelich, c’est pour le 17. Ces multiples apparitions ici ou à la Halle font qu’on ne présente plus le pianiste franco-américain qui a décidé de vous passionner avec Prokofiev et Brahms.
Un pianiste du Festival, si l’on peut dire, se devait d’ouvrir ce Quarantième, Christian Zacharias. Pianiste et chef d’orchestre, mais ici, uniquement pianiste, son programme est axé sur des œuvres de deux grands clavecinistes et pianofortistes Jean-Sébastien Bach et Joseph Haydn, dans lesquelles il se livre à un travail d’orfèvre sur chaque note pour en faire jaillir tout l’intérêt. Du grand art.
Pour suivre, le 6, c’est bien la révélation de l’année puisque le pianiste programmé Alexandre Kantorow, venu pour la précédente édition et réinvité aussitôt, vient d’obtenir le Premier Prix du fameux Concours Tchaïkovski à Moscou, jamais gagné jusqu’alors par un français : cocorico !! Il arrive donc tout auréolé de cette magnifique récompense si convoitée. Il vous convaincra par son programme allant de Bach à une transcription de la Danse macabre de Saint-Saëns par le virtuose Horowitz.
Certains soirs, les programmes relèveront d’une grande diversité comme celui de Martin James Bartlett, pianiste ayant remporté en 2014 le prix du “jeune musicien de la BBC de l’année“, à découvrir, ou encore, à l’Auditorium, les douze œuvres de douze compositeurs différents par Matan Porat, pianiste et compositeur, passionné de musique de chambre et aussi par les arts de la scène.
Sans oublier, à L’Envol des pionniers, Wilhem Latchoumia, pianiste captivant et singulier dont l’intérêt se partage entre la création contemporaine et le grand répertoire. Il aime concevoir des programmes sortant des sentiers battus et c’est ainsi qu’alterneront des pièces de Cowell, Debussy, De Falla et Monpou. On ne fera pas l’impasse non plus sur le concert de Jeremy Denk qui nous promènera entre Bach et Ligeti en passant par Liszt, Schumann et Berg. Ce pianiste américain reconnu comme l’un des plus talentueux de son pays collectionne les Prix et les Récompenses pour tous ses enregistrements. Mais il est aussi, blogueur ! essayiste et conférencier sur la musique classique. Ça s ‘appelle un emploi du temps chargé.
«Une œuvre vit par son détail, mais aussi par son souffle» nous dit Marie-Ange Nguci, la jeune et brillante pianiste polyglotte, qui a aussi étudié la direction d’orchestre et joue de l’orgue ou des ondes Martenot. Une véritable touche-à-tout dans le domaine musical. Invitée l’an passé et très vite ré-invitée, elle se produit le samedi 21 à l’Escale à Tournefeuille dans un programme captivant, riche de diversités.
Foin de la parité ici. De justes équilibres ne nécessitent pas ce type d’arguments. Seul compte ce qui est traduit par les doigts sur les touches blanches et noires. Ce Festival, en cette date, ne pouvait pas ne pas accueillir celle dont les récitals et concerts sont souvent complets au Cloître comme à la Halle, j’ai nommé Élizabeth Leonskaja dans une soirée tout Beethoven. Comme l’artiste ne fait pas les choses à moitié, ce seront les trois dernières sonates, op. 109, 110 et 111. Ce sera le 25. Elle sera précédée par Philippe Bianconi, le 24, qui consacre toutes ses qualités de poète hypersensible du clavier, à Brahms, Debussy et Schumann. Inutile d’énumérer le palmarès de ces deux artistes qui vont occuper la Salle capitulaire du Cloître.
Et pas davantage pour les deux qui l’auront occupée le 13 puis le 18, à savoir Piotr Anderszewski et en suivant, David Fray. Le caractère vital et intense du jeu du premier fera plaisir aux oreilles de ses admirateurs qui attendaient avec impatience son retour au Cloître. Ce sera dans Bach et la Sonate110 de Beethoven.
Le samedi 21 septembre est consacré à la Nuit du Piano romantique français avec trois concerts successifs au Cloître, donc que des œuvres de compositeurs français, sous les doigts tout d’abord de Schaghajegh Nosrati, puis Ismaëm Margain, et le dernier Alessandro Deljavan, les trois ayant déjà une carrière particulièrement fournie. Une façon assurée de découvrir des œuvres originales qui ne font pas partie obligatoirement des “tubes“ du répertoire pianistique. Ils sont placés sous l’égide du Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française qui a pour vocation la redécouverte et le rayonnement international du patrimoine musical français.
On ira jusqu’à l’Altigone de Saint-Orens écouter mais sûrement découvrir pour certains d’entre nous, une jeune pousse française qualifiée de prometteuse, Théo Fouchenneret. On évoque la sensibilité et la poésie de son toucher mais aussi la maturité de ses interprétations. Premier prix au Concours de Genève 2018, il nous amène vers Fauré, Liszt et la Mort d’Isolde, Chopin et Beethoven et la Sonate n°29, ce monstre dite la “Hammerklavier“.
Et bien sûr, Boris Berezovsky ne pouvait être absent pour cette date anniversaire. Sa célébrité ne peut se contenter du Cloître et le voilà devant une assistance plus nombreuse à la Halle pour clore ce Festival, le 30. Le pianiste moscovite a toujours drainé les foules ici-même, et sa stature devant le clavier impressionné le public, un peu comme l’ogre devant le Petit Poucet. Il n’aura plus qu’à nous emporter dans un flot de Transcriptions de Rachmaninov qu’il affectionne, un génie selon lui. « Il se situe pour moi largement au-dessus des autres, parce qu’il a réussi à être à la fois populaire et raffiné, deux choses qui ne vont pas toujours ensemble. On le juge parfois trop sentimental ou trop virtuose. Or, certaines de ses compositions ont quelque chose de mystérieux, de religieux, et ses transcriptions sont bourrées d’humour. C’était, de plus, un pianiste phénoménal. » Puis, de nous asséner quelques Scriabine et nous faire chavirer par du Chopin, oui mais, revu par un certain Godowsky. Ceux qui connaissent le CD savent ce qui nous attend !!
Ce festival ne peut se construire sans des pianistes de jazz et donc des “Carte Blanche“ afin de satisfaire un très nombreux public. Paul Lay et Jacky Terrasson sont présents ainsi que Rolando Luna dans un jazz à orientation musique cubaine. Ce dernier a remplacé il y a peu Ruben Gonzales dans le fameux groupe Buena Vista Social Club. Les trois joueront normalement au Cloître. À vérifier. C’est une ouverture maintenant incontournable de ce festival dit de musique classique pour piano.
Retour, mais à la Halle, de l’atypique Chilly Gonzales, pianiste et entertainer canadien, qui se joue de son instrument, touches et pédales comprises. Cela ne peut être là-aussi qu’une Carte blanche, l’artiste pouvant entrer dans une forme de délire musical que seul lui-même peut connaître une minute auparavant. On ne peut donc vous raconter ce qui vous attend !! Sera-t-il seul, ou bien avec quelques acolytes ? des hits, des créations ? le mieux, c’est d’y être.
Comme à l’accoutumée, le festival choisit un artiste qui travaille sur la présentation artistique du programme. Cette année, le choix s’est porté sur Aurélien Bory, artiste aux multiples casquettes, qui a finalisé un projet un peu fou que vous découvrirez au Réfectoire des Jacobins et qui s’intitule Piano Piano. Il s’appuie sur une œuvre pour deux pianos, Piano Phase, créée par Steve Reich. Œuvre tant visuelle qu’acoustique de 22 minutes qui vous attend en marge des concerts donnés au Cloître, et à partir du 26 juin. On vous souhaite un très beau Festival 2019.
Billetterie en Ligne de Piano aux Jacobins
Piano aux Jacobins
40ème Festival International • Toulouse
du 05 aux 30 septembre 2019
Crédits Photos
Pavel Kolesnikov © Eva Vermandel • Nelson Goerner © Marco Borggreve • Nicholas Angelich © Jean-François Leclercq • Adam Laloum © Harald Hoffmann • Alexandre Kantorow © Jean-Baptiste Millot • Christian Zacharias © Constance Zacharias • Martin James Bartlett © Paul Marc Mitchell • Matan Porat © Peter Hönnemann • Wilhem Latchoumia © Anthony Arquier • Jeremy Denk © Michael Wilson • Marie-Ange Nguci © Natacha Colmez • Philippe Bianconi © William Beaucardet • Elisabeth Leonskaja © Marco Borggreve • Piotr Anderszewski © Simon Fowler • David Fray © Paolo Roversi • Schaghajegh Nosrati © Reinicke Artists • Ismaël Margain © Stephane Delavoye • Alessandro Deljavan © Luca Centola • Théo Fouchenneret Lyodoh Kaneko • Paul Lay © Jean-Baptiste Millot • Chilly Gonzales © Alexandre Isard • Jacky Terrasson © Jean-Baptiste Millot • Vidéo Piano Piano © Michel Grialou