La flûte de Pahud irradie dans le soir.
Le quatuor pour flûte en ré majeur de Mozart a une forme de perfection oscillant entre Sturm und Drang avec élégance. Le bouillonnant premier mouvement, le délicat Adagio qui déploie sa mélancolie sur un tapis de pizzicati et le final virevoltant sont la musique du bonheur et de la liberté gagnée par le jeune Mozart. Emmanuel Pahud dans un son concentré, un souffle immense et des couleurs chaudes a phrasé sa partie avec le grand art que nous lui connaissons. D’humeur mutine le grand flûtiste n’a pas caché son immense joie. Ses compères un peu moins libres, très concentrés ont été aux petits soins n’atteignant pas la facilité déconcertante et si charmante d’Emmanuel Pahud.
Plus tard dans la soirée avec le jeune pianiste Florian Noack il a offert une interprétation parfaite du concertino de Cécile Chaminade. La question de l’effroyable virtuosité de cette oeuvre ne semble même pas se poser, tout est musique, charme ravageur avec Emmanuel Pahud et la longueur du souffle permet des phrasés semblant infinis. Voilà le grand art de la flûte française à son sommet, dans une composition très aboutie de Cécile Chaminade. Dans le réduction au piano de la partie d’orchestre le jeune pianiste Florian Noack a semblé respectueux de son ainé et prudent, ne jouant pas à faire sonner l’orchestre assez fermement. Pourtant les moyens pianistiques sont la, un peu plus d’audace aurait mieux équilibré musicalement le duo qui là était plus un accompagnement de super soliste.
C’est dans le final du concert, l’Octuor de Carl Reinecke, que l’équilibre a été atteint avec un Emmanuel Pahud à égalité avec ses compagnons des vents. Le dialogue avec le hautbois de Gabriel Pidoux a été savoureux, la présence des bassons a été incroyablement vive, les cors nobles ou taquins ont été magnifiques et les clarinettes très en verve. Cet Octuor s’apparente à celui plus connu de Mozart ou encore Beethoven, mais ne leur cède en rien sur le plan du charme ou de l’invention. Ainsi l’association des timbres est plus riche avec une flûte au lieu de deux hautbois. Le sextuor de Beethoven, après celui de Mozart la veille, retrouvait la complicité, la fusion et l’humour des six musiciens, avec le plaisir de voir le jeune clarinettiste Carlos Ferreira prendre ses marques et sembler trouver sa place dans ce beau monde sous les yeux bienveillants de ses ainés.
Mais je ne voudrais pas oublier le moment de surprise incroyable de la soirée avec le contrebassiste de charme tout à fait inoubliable : Olivier Thiery. Ce musicien est extraordinairement touchant, capable de faire chanter avec son court archet sa contrebasse comme on ne le croyait pas possible. Le duo concertant avec la clarinette de Giovanni Bottesini le met en valeur car ce que fait la clarinette, malgré la virtuosité de Paul Meyer, semble trop facile ! Le soutient de Florian Noack est précis mais trop modeste. C’est vraiment la contrebasse qui sera inoubliable grâce à l’art tout à fait subtil d’ Olivier Thiery que nous nous réjouissons de retrouver dans la Truite de Schubert bientôt.
La musique de Giovanni Bottesini est très belle, admirablement équilibrée entre virtuosité et émotion. Et quelle habileté à mettre en valeur la contrebasse ! La courte rêverie a été un moment quasi surnaturel tant le chant de la contrebasse était beau et émouvant en profondeur. Plus que le concerto de Cécile Chaminade, qui a une belle notoriété chez les flûtistes, c’est la découverte de la musique de Giovanni Bottesini et son amour pour la contrebasse qui nous a étonné ce soir. Un grand merci aux directeurs artistiques, Emmanuel Pahud, Paul Meyer et Eric Le Sage, pour ce programme très original offrant une beauté constamment. renouvelée.
COMPTE-RENDU, concert. Salon de Provence, Château de l’Empéri , le 31 Juillet 2019.; Wolfgang Amadeus Mozart ( 1756-1791) : Quatuor pour flûte en ré majeur K.285 ; Giovanni Bottesini (1821-1889) : Rêverie ; Grand duo concertant. Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Sextuor pour vents en mi bémol majeur Op.71. Cécile Chaminade (1857-1944) : Concertino en ré majeur Op.107. Carl Reinecke (1824-1910) : Octuor pour vents Op.216. Emmanuel Pahud, flûte ; Maja Avramovic, violon ; Joaquin Riquelme Garcia, alto ; Aurelien Pascal, violoncelle ; Olivier Thiery, contrebasse; Gabriel Pidoux, hautbois ; Paul Meyer, Carlos Ferreira, clarinettes ; Gilbert Audin, Marie Boicharde, bassons ; David Guerrier, Benoit de Barsony, cors ; Florian Noack, piano.