Le 20 mars, c’était le Printemps !
Et désormais depuis 19 ans, celui des Poètes (1), avec cette année l’anniversaire de Jacques Prévert (1900-1977), et la réédition de son livre « Grand Bal de Printemps », né de sa collaboration avec le photographe Izis, aux Editions du Cherche-Midi (2)
Grand bal du Printemps
Printemps
Toutes ses promesses sont des fêtes
la nuit la belle étoile
pour lui et ceux qui couchent dehors
se fait plus belle encore
Et ce n’est pas sa faute
si les ponts sont trop chers
la vie toujours plus dure
le bonheur plus précaire
Toutes ses promesses sont des fêtes
Il n’est pas responsable du reste.
Je vous offre un bouquet de mes coups de cœur poétiques :
– Avec Je vous fleure (3), Anick Roschi nous offre une composition florale des quatre saisons, un bouquet poétique aux parfums chargés d’histoire et brillamment illustré par les tonalités sensuelles de Maruša Nemelka, pastelliste, à qui il dédie ce nouveau recueil.
En voici un extrait : Mauve bignone
Brigands
D’une insulaire nuit
De frêles sphinx colibris
S’épuisent au suc,
Ailes babillardes
Au vent d’est
Pour une élégie,
Langues filiformes
Fléchies
D’encre violette violée volée
À l’écrit
D’une fin d’été.
©Anick Roschi
Et ce poème extrait du recueil “ Nuits de carton “ :
Hommage à Nelson Mandela :
Partition
Portée
Blanche
Pour deux
Noires
Croches
Rouge sang
Aux larmes
Syncopées
Sur les touches
Nos doigts
Sont de couleur.
©Anick Roschi
– Dino Campana (4) Chants orphiques (Points bilingue 11€)
I miei versi sono meravigliosi: a qualcuno
I miei versi sono meravigliosi: a qualcuno
Potrà sembrare tutta robetta da fiera
È una grande illusione; sono fatti
Di tutto quello che vi piacerà
Un buon figliolo poi non è obbligato
A farsi dei vestiti tutti i giorni
Lui ci ha un modello, vi mostra il suo corpo
Ed arrangiatevelo a volontà
Non lo sapete fare? Voi volete
Un piatto di già bell’e scodellato?
Se ci pensate vi vergognerete
Per la vostra e la nostra dignità
Effe Ti Marinetti a un certo punto
Dice: la sarta mi ha fatto un vestito
Apposta per la guerra, quella sarta
Che specializza la specialità
Lo porto sempre e si sarà stracciato
Ma non per questo cessa d’esser bello
E dove manca vengono in aiuto
Fumo ed amore per la libertà.
Io così nel mio piccolo ho vestito
Quel che ho potuto e che mi conveniva
Son mancante, stracciato, ebben guardate
S’è brutto quello che trasparirà
Il cuore dei poeti è ben talvolta
Bello già da sé stesso e voi potreste
Ben saperlo se solo voi credeste
O aveste un pochettin di umanità.
I miei versi sono meravigliosi: a qualcuno
Potrà sembrare tutta robetta da fiera
È una grande illusione; sono fatti
Di tutto quello che vi piacerà.
Mes vers sont merveilleux : à certains
Cela semblera être tout un fourbi de foire
C’est une grande illusion ; ils sont faits
De tout ce qui vous plaira.
Un bon fils d’ailleurs n’est pas obligé
De se faire des costumes tous les jours
Il a déjà un modèle, il vous montre son corps
Et arrangez-vous avec à volonté
Vous ne savez pas faire ? Vous voulez
Un plat déjà beau et bien présenté ?
Si vous y pensiez vous auriez honte
Pour votre dignité et pour la nôtre
Èf Toi Marinetti à un certain moment
Dit : la couturière m’a fait un costume
Exprès pour la guerre, cette couturière
Qui spécialise la spécialité
Je le porte tout le temps et il se sera déchiré
Mais ce n’est pas pour autant qu’il cesse d’être beau
Et là où il fait défaut viennent pour l’aider
De la fumée et l’amour de la liberté.
C’est pareil pour moi dans le mien tout petit, j’ai revêtu
Celui que j’ai pu et qui me convenait
Je suis défait, déchiré, et bien regardez
Si ce qui transparaîtra est laid
Le cœur des poètes est bien parfois
Beau déjà en lui-même et vous pourriez
Bien le savoir si vous croyiez
Ou aviez un petit peu d’humanité.
Mes vers sont merveilleux : à certains
Cela semblera être tout un fourbi de foire
C’est une grande illusion ; ils sont faits
De tout ce qui vous plaira.
poème extrait du Quaderno, traduit par Irène Gayraud.
LA NOTTE (§ 1-3)
Ricordo una vecchia città, rossa di mura e turrita, arsa su la pianura sterminata nell’Agosto torrido, con il lontano refrigerio di colline verdi e molli sullo sfondo. Archi enormemente vuoti di ponti sul fiume impaludato in magre stagnazioni plumbee: sagome nere di zingari mobili e silenziose sulla riva: tra il barbaglio lontano di un canneto lontane forme ignude di adolescenti e il profilo e la barba giudaica di un vecchio: e a un tratto dal mezzo dell’acqua morta le zingare e un canto, da la palude afona una nenia primordiale monotona e irritante: e del tempo fu sospeso il corso.
LA NUIT (§ 1-3)
Je me rappelle une vieille cité, rouge de murs et de tours hérissée, brûlée sur la plaine infinie exterminée dans l’Août torride, avec la lointaine fraîcheur de collines vertes et molles sur le fond. Arches énormément vides de ponts sur le fleuve marécageux par maigres stagnations plombées : silhouettes noires de gitans mobiles et silencieuses sur la rive : à travers le scintillement lointain d’une cannaie lointaines formes nues d’adolescents et le profil et la barbe judaïque d’un vieillard : et tout à coup du milieu de l’eau morte les gitanes et un chant, du marécage aphone une nénie primordiale monotone et irritante : et du temps fut suspendu le cours.
– Drôles de Valentines (Anthologie Poèmes de St Valentin du Moyen-Age à nos jours) de Nathalie Koble (Editions Héros-Limite (Genève 20€)
– Chansons d’amour du Moyen Âge Libretti (Le Livre de Poche 2€)
– Gustave Roud Air de la solitude (Nrf Poésie / Gallimard avec une préface de Philippe Jaccottet) (5)
– Alain Mabanckou Tant que les arbres s’enracineront dans la terre (Points 7€) (6)
Mes livres de chevet :
– Stéphane Hessel Ô ma mémoire, la poésie ma nécessité (Seuil 22€)
– Le bonheur et Le bestiaire enchanté en 100 poèmes (Omnibus 24€)
– Anthologie de la Poésie française du Moyen Âge au XVIIème siècle (Pléiade)
Mais je lis aussi en ce moment :
– La vengeance des Mères de Jim Fergus (Cherche Midi), 2ème tome de Mille Femmes Blanches, remarquable récit de l’épopée de femmes blanches hors du commun adoptées par les Amérindiens Cheyennes et Sioux, -survivants d’une culture de laquelle nous avons tant à apprendre (voir le site de l’Association Oklahoma-Occitania de Montauban (7)-, à l’époque où ceux-ci ont été systématiquement exterminés par l’armée américaine pour faire place nette aux colons assoiffés de terre et d’or.
– La cache de Christophe Boltanski (Folio)
– Une fugue de Bach de Jean Salmona (Wildproject)
Mon actualité poétique :
– Le Chant des Brûlés-Lo Cant dels Cremats 1er Prix de Poésie bilingue Nal Rey
Le disque bilingue sera enregistré en octobre et disponible en novembre 2017.
En voici un extrait Chant de Corba de Pereille-extrait (Can vei la lauzeta mover de Bernart de Ventadorn circa 1130/1140-1190/1200) 3:19
https://soundcloud.com/search?q=les%20baladins%20d%27icarie
Bonne cueillette !
E.Fabre-Maigné
31-III-2017
PS1 le printemps, c’est aussi la Semaine de la Langue Française et des Langues de France, reportée cette année en juin, comme de nombreuses manifestations culturelles, au cas où cela perturberait les élections…
PS2. A ne pas rater : par les Passions, Orchestre baroque de Montauban
Vent des Royaumes (une création dans le cadre du Festival Made in Asia)
Vendredi 19h avril à 20h 30, Salle Le Métronum à Toulouse
Samedi 22 avril à 18h, Abbaye de Pelleperche, Cordes-Tolosannes (82)
En écho aux sonorités de la vièle mongole, des percussions et de la cithare chinoises, les musiciens des Passions insufflent un vent de musique baroque. Dans ce jeu de métissage, la voix surnaturelle du chanteur diphonique de Mongolie s’élève et s’entrelace aux sons d’Orient et d’Occident. Un voyage musical éclectique, hors du temps et de l’espace, où toutes les frontières s’effacent.
Yang Yi-Ping, percussions (Taiwan), Jiang Nan, guzheng (cithare chinoise sur table)
Mandaakhai, chant diphonique et Morin khuur (vièle mongole à 2 cordes)
Jean-Marc Andrieu, direction et flûte à bec. Gilone Jacques, violon
Pauline Lacambra, violoncelle. Yasuko Uyama-Bouvard, clavecin.
Voici le lien vers ma chronique sur Culture 31 pour la création de ce superbe (à tous points de vue) spectacle
https://blog.culture31.com/2012/02/10/mirages-des-sons-du-sud-les-passions-en-orient-extreme/
Pour en savoir plus :
2) Jacques Prévert (« Grand bal du printemps » – La Guilde du Livre, Lausanne 1951. Également publié dans les Oeuvres complètes de Jacques Prévert, tome 1 – éditions Gallimard, La Pléiade ; et disponible en édition de poche Folio/Gallimard, 1976, suivi de « Charmes de Londres ».
3) http://editionsstellamaris.blogspot.fr/2016/12/je-vous-fleure.html
http://www.pandesmuses.fr/voyage.htm
Anick Roschi, né à St-Julien-en-Genevois en Haute-Savoie, est un auteur d’origine franco-suisse. Après avoir travaillé longtemps comme animateur dans le secteur associatif, il se consacre maintenant à l’écriture. En 2007, il publie un premier recueil de poésie aux éditions Du Cygne et participe au printemps 2010, avec de nombreux auteurs des Caraïbes et du monde francophone, à l’ouvrage caritatif Pour Haïti édité par les éditions Desnel. Le Chasseur abstrait publie en 2013, son deuxième livre Nuits de cartons. Anick Roschi anick.roschi@orange.fr
4) Tout en s’inscrivant dans la grande tradition italienne, Dino Campana (1885-1932) ouvre la modernité littéraire en Italie. Son unique recueil, Canti Orfici (1914), retrace de manière fulgurante un parcours existentiel et poétique dans lequel les époques, les lieux, les perceptions sensorielles, les expériences de lecture et de vie se mêlent, s’entr’appellent et se confondent. Prose onirique, vers, carnet de voyage, fragments, lettre, Campana change de véhicule à chaque station, tout en poursuivant la même quête. Son style poétique fonctionne ceci dit sur des procédés similaires : un rythme éclaté, souvent déroutant, scandé par des répétitions mais lacéré d’ellipses. Est donné ici, pour la première fois en français, un choix supplémentaire de poèmes permettant d’apprécier la variété des thèmes, de la vision et de la langue de Campana, capable de versification classique comme des plus extrêmes distorsions.
Poèmes choisis, présentés et traduits de l’italien par Irène Gayraud et Christophe Mileschi.
5) Né en 1897 au «Châlet-de-Brie» près de Saint-Légier, au-dessus de Vevey, en Suisse, Gustave Roud se partage d’abord entre l’étude, l’écriture et les travaux des champs. Sa santé fragile le contraint à privilégier son œuvre littéraire, mais il en conçoit plus de douleur que de joie. Chez lui, l’acte de poésie s’apparente à une «longue plainte harassée et sourde» qui, néanmoins, par transmutations successives, se met en quête d’une «voix perdue» qui serait en fait la «vraie voix», celle qui donne accès à un monde infiniment plus vaste, plus mystérieux, plus solennel. Comme poète et comme homme, Gustave Roud est un être à l’écart : apparemment enraciné dans une terre et des paysages qu’il ne quitte jamais, et pourtant en état d’errance. «La route, ma seule patrie…», écrit-il, et cette route semble une suite de départs ajournés, toujours en attente d’une harmonie secrète, menacée, en partie effacée ou minée par l’oubli. Il meurt en 1976.
6) Né au Congo-Brazzaville, Alain Mabanckou est poète, essayiste et l’auteur de plusieurs romans dont Verre Cassé (Seuil, 2005), Mémoires de Porc-épic (Seuil, prix Renaudot 2006), Demain j’aurai vingt ans (Gallimard, 2010), Petit Piment (Seuil, 2015). L’ensemble de son œuvre a été couronné par l’Académie Française (Prix de Littérature Henri Gal, 2012). Il enseigne la littérature francophone à l’Université de Californie-Los Angeles (UCLA). En 2015, Alain Mabanckou est nommé Professeur au Collège de France pour la Chaire annuelle de Création artistique 2016. Il a publié chez Mémoire d’encrier deux recueils de poésie, Tant que les arbres s’enracineront dans la terre (2004) et Congo(2016).
7) www.oklahoccitania.canalblog.com/