C’est jusqu’au 17 décembre qu’à la Galerie l’Atelier, Rue Saint-Aubin, vous aurez tout loisir d’aller admirer les derniers travaux de Der, un des membres de la fameuse Truskool de Toulouse. Der, vous le retrouverez au fil des pages d’un bouquin indispensable que les amateurs de Street Art doivent impérativement se procurer, intitulé « Une histoire du graffiti à Toulouse » d’Olivier Gal.
Avec une foule de renseignements, et bien sûr, pour les plus…anciens, les souvenirs de tous ces grafs sur les murs et partout, wagons, bus, ponts, hangars, grafs qui faisaient hurler les uns, s’étonner les autres, s’extasier quelques-uns, un art en toute liberté au-delà des codes et en toute illégalité alors, d’où cette sorte d’excitation qui animaient les auteurs, provoquant des poussées d’adrénaline boostant sûrement la création. Der était de ceux-là.
Vous lirez avec appétit comment un jour, avec quatre énergumènes comme lui, il les persuade d’aller “graffer“ de nuit un avion repéré, mais qui n’est plus là, et comment on finit par tagger un autre avion de collection qui n’en demandait pas tant. L’histoire aura un dénouement sans encombres particulières, si ce n’est une forme de reconnaissance que les acolytes assumeront, globalement.
Quant à la médiatisation du phénomène, elle date de 1992-1993. Les graffeurs deviennent de plus en plus nombreux. Tous les murs possibles se couvrent, et même certains qui ne le devraient pas ! Les styles se diversifient et s’affirment. Des noms font surface, plus que d’autres. Des alliances et des jalousies se créent bien sûr. Der vous dirait : « C’était marrant d’aller taguer mais les bombes, on les gardait pour faire des graffs. C’est comme ça qu’un noyau s’est resserré autour de ceux qui voulait faire du pur graffiti, c’est-à-dire des fresques et des trains… » Der laissera partir seul, son ami Tilt à New-York, pour vivre l’expérience new-yorkaise. Ce dernier partira avec pour seul bagage un sac à dos, bourré de bombes !! ce serait maintenant , il n’approcherait même pas le portique !! Mais le voyage du groupe se fera, un peu plus tard. Der nous dit : « Ma première impression de New-York, c’était “Dreamland“ ! On s’est tout de suite retrouvés devant un mur du Bronx entourés de gars qu’on avait vu dans Spraycan Art ! On a rencontré dix têtes d’affiche d’un seul coup. »
Mais, si l’on veut bien remonter encore un peu en arrière, et faire le lien avec le présent, pour Der et Tilt son acolyte, le graffiti se trouve intimement lié au skate, tout ça venant non pas de très loin, mais tout simplement du fait que s’intéresser aux skateurs américains leur fait découvrir les pistes, couvertes de graffitis, et la boucle est bouclée. « Ainsi, cette approche commune suffit-elle à permettre l’union des deux mondes. Et c’est justement sur un skatepark, lors d’un séjour estival à Agde, que Der et Tilt font la connaissance de Yank, un graffeur parisien très influencé par la griffe new-yorkaise. Par l’entremise de ce dernier, ils s’essaient progressivement à des réalisations graphiques plus ambitieuses que le simple tag et imitent les gestes du parisien. A cette époque le style de New-York n’est pourtant pas au centre de leur esthétique. Tilt tire son inspiration des auteurs des bandes dessinées style Fluide Glacial, tandis que Der est influencé par les mangas japonais comme Goldorak et expérimente déjà le dessin en 3D. »
Ce qui ne peut étonner ceux qui connaissent son interprétation du tableau du Véronèse, travail exposé à l’Hôtel d’Assézat, avec sept autres artistes, dont son ami Tilt, toutes ces œuvres ayant été vendues aux enchères il y a quelques jours. Quant aux dessins en 3D, c’est l’évidence même dans les derniers tableaux exposés et qui attendent votre visite. « Nos premiers graffs sont encore visibles dans les garages de notre cité. », confie Der. Les temps changent, ils sont maintenant exposés dans les galeries. Eh oui, les années passent et il faut bien assumer le quotidien. Clandestinité et liberté et anonymat ne remplissent pas la gamelle. Jeunesse passe, et les réalités de la vie sont là. Et il faut bien trouver quelques bombes ! Finies les razzias dans les boutiques d’autrefois, entre autres ! Certains graffeurs reconvertis dans le commerce sont là… pour les vendre !!
Michel Grialou
Galerie MG L’Atelier / Facebook