Le mercredi 2 novembre à 20h, en DIRECT depuis la fameuse salle de la Scala de Milan, la saison commence fort avec un des chefs-d’œuvre de l’opéra mozartien, Les Noces de Figaro, sur lequel vous aurez quelques “info“ un peu plus loin. La représentation est rediffusée le 21 novembre à 14h.
NOCES DU FIGARO
La distribution laisse rêveur tout amateur d’opéra puisqu’on retrouve dans le rôle du Comte, Carlos Alvarez, dans celui de son épouse, Diane Damrau, que pour les serviteurs, nous aurons Golda Schultz dans Suzanne la soubrette et dans Figaro, le dénommé Markus Werba qui fut à Toulouse un extraordinaire Papageno dans une très belle Flûte enchantée. Citons encore Marianne Crebassa, mezzo-soprano française à la carrière supersonique dans le rôle très délicat de Cherubino dans lequel il faut de la voix c’est sûr mais aussi savoir jouer. Dirigeant le tout, c’est le chef Franz Welser-Möst et la mise en scène a été confiée à Frederic Wake-Walker. Une affiche bien sûr, digne d’une des plus grandes scènes lyriques du monde. Et c’est une nouvelle production.
Sachez que dans la saison, la plupart des dates se situent à la Scala de Milan comme La Gazza ladra, l’Enlèvement au sérail, mais aussi un ballet avec Coppelia et deux stars de la danse classique, Roberto Bolle et Polina Semionova. Rome accueille un Tristan & Isolde pendant que la scène de Turin s’ouvre à Manon Lescaut, avec une mise en scène de Jean Reno, mais oui, vous avez bien lu, et celle de Florence à un Don Carlo. Nous restons dans les théâtres italiens.
Quelques mots sur ce monumental chef-d’œuvre de l’art lyrique, d’un classicisme achevé. Vent de jeunesse sur le vieil ordre social à bout de souffle dans Les Noces de Figaro, ce chef-d’œuvre de pure tendresse, d’esprit et de mélancolie, absolument exempt de tout mélange importun de majesté et de tragique, Les Noces du divin Mozart, cet « incomparable génie » dixit Lorenzo Da Ponte, le librettiste, Les Noces de Figaro, résolument incomparable aussi, avec sa trilogie indispensable, musique, théâtre et chant, parfaitement au rendez-vous.
Petit retour en arrière : même pour le public gâté du Burgtheater de Vienne, le 1er mai 1786, la première de cet opera buffa, Les Noces de Figaro, fit véritablement sensation.
Créée par Pierre Augustin Caron de Beaumarchais entre 1776 et 1784, La folle journée ou Le mariage de Figaro ne fut jouée à Paris, à la Comédie Française, que le 27 avril 1784, et ce, après des années de polémique et de lutte avec la censure. C’est une sorte de suite à la pièce Le Barbier de Séville ou la Précaution inutile, faisant partie de la trilogie consacrée à la famille Almaviva. Attention !! si dans Le Barbier de Rossini, le Comte et Rosine se rencontrent, ici, ils sont mariés et vivent dans leur château. Pour des raisons politiques, l’empereur Joseph II va interdire la représentation prévue à Vienne le 3 février 1785. Celui qui se considérait comme un despote “éclairé“ refusait toute atteinte à la morale établie ou toute critique à l’encontre d’un souverain ami – ici, un certain Louis XVI. Non seulement il annula le spectacle de la troupe d’Emmanuel Schikaneder mais il prohiba même toute traduction allemande de la pièce ! Mozart réussit pourtant à s’en procurer une, peut-être par Schikaneder, ou par l’un de ses collègues de la Loge. Et c’est Lorenzo da Ponte – 1748-1838 – abbé italien, poète officiel du Théâtre de la Cour qui va lui écrire en italien le libretto tiré de l’œuvre de Beaumarchais. L’écriture de la partition concomitante à celle du livret prit six semaines.
L’intention originelle de Mozart était au départ de monter un nouvel opéra en langue allemande à Vienne, mais il doit se résoudre à changer de cap, et se décide pour un opera buffa en italien, que la Cour a fini par lui commander. D’autre part, ayant reconnu la nature explosive alors du thème principal de l’ouvrage de Beaumarchais, le compositeur décida de présenter à tout prix cette comédie brillante, toujours interdite mais circulant sous le manteau, et animant les conversations dans les cercles d’intellectuels viennois. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire de l’opéra, un spectacle au thème d’une actualité brûlante se trouvait adapté. C’est un point capital de la naissance de cet opéra que tout metteur en scène se doit d’avoir à l’esprit pour ne pas partir dans des délires fumeux et transpositions hasardeuses.
La censure est contournée mais l’abbé, et librettiste, a fortement “intuité“ à la Cour, promettant de supprimer tout caractère choquant et “décadent“ propre à engendrer un scandale politique. Le librettiste va métamorphoser de main de maître la satire sociale de Beaumarchais en une comédie de caractères dépourvue de tout contenu socio-politique apparent.
Le thème évident de cette « comédie musicale » est la succession de situations engendrées par de multiples relations amoureuses et par les conflits nés de la conscience ou de la différences des classes. Un deuxième thème, plus subtil, est la défaite des prétentions nobiliaires et donc celle de la classe dominante, privilégiée. Il peut être plus mis en évidence mais ne doit pas pour autant prendre le pas sur le thème principal, évidemment. Dans son libretto, Da Ponte créa une intrigue triple, aux personnages parfaitement brossés, conformes à ceux que souhaitait le compositeur pour sa « comédie musicale ».
Le travail accompli par Mozart sur le portrait musical typé de chaque protagoniste est phénoménal et n’est pas pour rien dans le succès de l’ouvrage. Portrait musical s’appuyant toujours sur les fondements de la comédie d’intrigue traditionnelle. Sans omettre la changeante diversité psychologique de chaque personnage, tour de force qu’il renouvèlera avec génie dans Don Giovanni. Et, de façon encore plus marquée dans Cosi fan tutte, ossia la scuola degli Amanti, dans lequel il pousse son art de la caractérisation et de la coexistence musicale d’un divertissement plus dense jusqu’aux frontières du supportable et du compréhensible. Nous sommes en 1790. La révolution de 1789 vient juste de commencer en France.
Un peu de synopsis. Sans être musicologue, on peut même remarquer le traitement musical en fonction du comportement de classes, et en suivant le développement des intrigues. Magie de l’écriture, ces caractères individuels, Mozart les associe en de nombreux ensembles vocaux intégrés de manière complexe à l’ensemble orchestral. Chacun des tempéraments conserve sa réaction propre et l’action poursuivie assure l’unité de l’œuvre qui, ne l’oublions pas, se déroule sur une seule « folle journée ». Marcellina est la femme de chambre de la Comtesse Almaviva, qui n’est pas insensible au charme et à la jeunesse du page Cherubino, qui volette pour sa part, beaucoup, amoureux de la comtesse, s’amusant aussi avec Babette, la fille du jardinier Antonio. Pendant que le Comte Almaviva met la pression sur Suzanne, soubrette de la comtesse, fiancée de Figaro, le barbier aux mille tours. Qu’au château, il y a aussi Don Bartholo, le tuteur de Rosine, qui n’a pas apprécié le coup monté – voir l’opéra Le Barbier – et encore le professeur de musique Don Basilio, et encore Don Curzio, le juge, chargé de débattre de la promesse de mariage faite par le jeune Figaro à la moins jeune Marcellina en échange de quelques écus.
Le public viennois ne s’y trompa point. Il fut enthousiasmé par les qualités musicales de l’opéra. La plupart des morceaux durent être bissés et la première ne dura pas moins de six heures. Après la troisième représentation, l’empereur Joseph II décida même de faire interdire la reprise des arias, à l’exception des soli. Pourtant, les Noces disparurent de l’affiche en décembre 1786, après neuf représentations seulement. Le succès sera éclatant à Prague un peu plus tard.
Michel Grialou
Les Noces de Figaro (Mozart)
mercredi 02 novembre 2016 à 20h00
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