Tout d’abord, n’oublions pas que toutes les manifestations qui en font partie sont gratuites.
Cette cuvée est placée sous l’autorité mais est surtout le résultat des compétences multiples de son commissaire, Christian Bernard, un passionné passionnant, des qualités indispensables quand on veut mettre en avant, programme très ambitieux, tout ce qui peut composer ce vaste monde de l’art réuni sous le vocable de … contemporain.
Vaste monde dans lequel on peut trouver, tout, est rien. Les divers lieux réunis pour ce Printemps sont multiples et ne vous seront pas présentés tous, loin de là dans ces quelques lignes. Elles sont là tout simplement pour vous pousser à aller à la rencontre d’émotions, pas toujours évidentes, c’est sûr, mais au moins, vous pourrez dire : « j’ai vu, j’aim’ pas » ou j’ai vu, j’aim’bien » ou j’adore ou je déteste.
Par exemple, vous rendrez une visite au Musée Paul Dupuy pour découvrir le Musée égaré de Charles Esche, un projet qui fait partie de la séquence “jeux de musée“ imaginée dans le cadre du Printemps et qui explore cette année “la pluralité des mondes“ à travers le prisme de la création contemporaine. Ici, le Commissaire a décidé de plonger dans les réserves des musées régionaux « au lieu d’aller chercher ailleurs ». Le but est atteint : faire entrer en résonance ces œuvres là rarement montrées ou si peu avec des créations plus récentes et nous amener à s’interroger sur la modernité et ses ramifications. Les cartes immenses de Qiu Zhijie, les photos des Suris d’Ethiopie de Hans Silvester, la video de Bouchra Khalili, des toiles et sculptures de la donation Daniel Cordier, … tout cela vous attend Rue de la Pléau.
Plus de 130 artistes, une vingtaine de lieux, des instants, des rencontres, difficile de choisir et d’être partout à la fois. Vous ne raterez pas, dans la séquence Un opéra en archipel, au Théâtre Garonne, l’installation video et son de Stan Douglas, avec le décor de Luanda-Kinshasa reconstituant avec soin le légendaire studio de la Columbia Record à New-York, ainsi que l’autre stupéfiante installation de Ragnar Kjartansson : sur plusieurs écrans, des musiciens, chacun dans une chambre au décor improbable, répètent inlassablement une mélodie s’écoutant entre eux grâce à un casque. Résultat bluffant sur plusieurs minutes.
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Dans la séquence Le Lieu donne le la, on part du lieu qui a “suggéré“ l’artiste invité et qui lui a donné ensuite le la de la création. Par exemple au Château d’eau, il est manifeste que l’artiste Dominik Lang a créé son installation en se laissant submergé, et c’est bien le mot, par l’élément eau, rendant bien au lieu la position centrale qu’il occupait autrefois lorsqu’il servait à distribuer de l’eau dans les quartiers de Toulouse. Pour compléter, il n’en oublie pas pour autant que le lieu est reconverti en galerie d’art dédiée à la photographie. L’installation semble faire fi des contraintes du bâtiment.
Pendant ce temps, son épouse, Eva Kot’Atkova, investit de l’autre côté du Pont-Neuf, la grande salle de l’Hôtel-Dieu pour créer sa propre installation, une sorte de salle d’autopsie comme il en existait autrefois, bien sûr, sur un seul niveau, des chaises signifiant les étudiants autour d’un point central qui n’est autre qu’un dessin d’enfant retrouvé par l’artiste elle-même, représentant grossièrement l’opération en cours, ici, paraît-il, une chirurgie cardiaque réalisée à Toulouse en 1959. L’installation se complète avec la création de pièces de tissu sensées représenter tel ou tel organe, langue, poumon, appareil urinaire, cœur, etc…. Un ensemble très étonnant.
Autre choc étonnant avec ces rencontres provoquées au Musée des Augustins dans le cadre de la séquence Jeux de musée par les deux commissaires Christian Bernard et Grazia Quaroni. Pour cette exposition, ils ont puisé dans le fond exceptionnel de la collection de la Fondation Cartier pour l’art contemporain. On sait que celle-ci réunit des œuvres uniques souvent nées de commandes. Encore faut-il choisir celles qui peuvent faire sens avec le projet retenu, à savoir, susciter des interférences entre les œuvres d’aujourd’hui et celles du passé. 25 artistes affrontent ainsi ces pierres chargées d’histoire depuis des siècles, tout autant que des sculptures aussi anciennes et des peintures plus récentes. Certaines rencontres se traduisent par des effets saisissants.
Il ne faudra oublier aucun des trois salons, non plus que les céramiques dans le cloître, œuvres d’artistes venant du Paraguay, du Brésil et du Nouveau Mexique, affronter la présentation dans l’église, ainsi que les installations du côté des gisants, avec, de l’américain James Lee Byars une stupéfiante boule recouverte d’or de la taille d’un cœur, dans sa boîte, qui n’est pas une simple boîte ! de l’allemand Wolfgang Laib, un bloc de marbre aligné sur son lit de grains de riz (et de pollen ?), la Maison de riz qui vous invite à la méditation sous l’œil interrogateur de Saint-Antoine, et du français Hubert Duprat, des gisants entrelacés, simples branches d’arbres imbriquées et recouvertes d’une fine marqueterie de plaquettes d’os.
Certains chanceux auront dès le vendredi 23 septembre pu profiter de l’installation éphémère de Claudia Comte, sur la Garonne. En écho à son installation présentée à l’Espace EDF Bazacle, c’est un autre aspect du travail de sculpture de l’artiste. Sur le fleuve, tirée par des bateaux, ont glissé les mots OUI et NON dont le lettrage était rapporté à l’échelle monumentale et spectaculaire d’un alphabet de troncs d’arbres qui vont être embrasés suivant un timing défini et musique adéquate ! Trop tard, c’est passé !!
Ces derniers mots seront pour l’exposition de Rafaël Zarka et Aurélien Froment au musée Les Abattoirs dans le cadre de Jeux de musée. Elle est le résultat d’une invitation qu’ils se sont mutuellement lancés. Vaste exposition qui vous sera détaillée par ailleurs car assez monumentale et vaste puisque déployée sur 2 000 m2. Une centaine d’œuvres, dont plusieurs inédites.
Michel Grialou
Le Printemps de Septembre à Toulouse
du 23 septembre au 23 octobre
Crédits Photos
Claudia Comte / Oui non © Franck Alix
Christian Bernard © Johanna Tilche
photos : Michel Grialou