Le programme «Paradis perdus» regroupe à l’auditorium Saint-Pierre-des-Cuisines trois pièces contemporaines, dont deux créations toulousaines de Kader Belarbi et Angel Rodriguez pour le Ballet du Capitole.
Trois œuvres de deux chorégraphes constituent le programme «Paradis perdus» conçu pour le Ballet du Capitole à l’auditorium Saint-Pierre-des-Cuisines. Directeur de la compagnie toulousaine, Kader Belarbi yprésentera deux chorégraphies. Créée en 1997 par les danseurs du Ballet de l’Opéra de Paris, « Salle des pas perdus » (photo) fait son entrée au répertoire du Ballet du Capitole. Aujourd’hui directeur de la Danse au Théâtre du Capitole, Kader Belarbi entend porter un regard nouveau sur cette œuvre inspirée d’un extrait d’un poème de Louis Aragon, où quatre personnages traînent leurs valises et leurs souvenirs sur des pièces pour piano de Serge Prokofiev. Le chorégraphe précise : «Le ballet raconte l’histoire de quatre personnages qui traversent un espace clos comme une salle des pas perdus. Chacun évoque un bout de lui-même et le partage parfois avec les autres. Des ampoules sont fixées au sol pour mieux cerner et éclairer des intensités de vies. Les pièces pour piano de Serge Prokofiev sont autant de “visions fugitives” qui s’accordent à des bribes de vies. De la première ampoule qui s’allume jusqu’à la dernière qui s’éteint, les quatre personnages ne sont que de passage.»
Lors de ce programme, le chorégraphe créera « Mur-Mur » (photo), imaginée sur les « Canti di prigionia » (Chants de prison) de Luigi Dallapiccola. «Les « Chants de prison » sont d’une forte expressivité et d’un grand lyrisme. Ils me sont apparus comme un paysage sonore d’où émergent une plainte et une méditation sur la condition humaine. Le mouvement et le chant intérieur seront révélés par un ensemble uniquement masculin car il existe peu de pièces chorégraphiques avec seulement des garçons. L’espace m’intéresse dans une scénographie de confinement et constitue le lieu de déploiement de corps dociles ou réfractaires. Des parois, qui imposent des manœuvres d’espaces, dictent leurs commandements aux danseurs, comme une opération mécanique, et témoignent des aptitudes de chacun et du groupe à réagir. Une histoire d’espaces et une histoire de pouvoir. Je m’empare du paysage sonore pour faire résonner des récits de corps d’hommes “détenus”», assure Kader Belarbi.
Pour sa première invitation à Toulouse, Angel Rodriguez a imaginé « Thousand of Thoughts » pour le Ballet du Capitole. «Son travail m’a séduit et quand je lui ai évoqué un projet de création uniquement pour les filles de ma compagnie, il m’a proposé le sujet des Treize Roses : treize jeunes filles qui, en 1939, à Madrid, ont été fusillées par le régime franquiste», relate Kader Belarbi. Angel Rodriguez souhaite «souligner la force de ces femmes et les représenter comme des êtres humains pleins de contrastes et dotés de ressources incroyables. L’histoire des Treize Roses est un énième terrible épisode parmi toutes les horreurs qui ont eu lieu pendant la guerre civile espagnole. Dans ce contexte précis, les femmes ont été obligées de faire des choses auxquelles, à cette époque en tout cas, elles n’étaient pas destinées. Il leur a fallu être fortes, disposées à donner le meilleur d’elles-mêmes, courageuses, patriotes, intelligentes, avec des caractères bien trempés… des qualités que je recherche pour construire « Thousand of Thoughts »», souligne le chorégraphe espagnol.
Angel Rodriguez poursuit : «Après avoir écouté beaucoup de musique, ce sont « les Fiançailles » de Gavin Bryars qui m’ont transmis tout ce que je voulais trouver dans les femmes de « Thousand of Thoughts ». C’est une œuvre qui a du poids. Elle est calme, sereine mais avec intensité, intime et directe à la fois. L’œuvre est répétée, reprise, comme si elle était jouée deux fois. Elle est composée ainsi. Cette pièce de Gavin Bryars m’a conduit à la situation de dureté et de force que je voulais donner à voir chez mes interprètes, en insistant sur les émotions comme réaffirmation de l’œuvre. En général, mon travail est assez descriptif. Dans ce cas précis, je voudrais qu’il soit plus dans l’abstraction. Un ensemble de sentiments, de sensations à travers la passion féminine.
J’aimerais parvenir à souligner la féminité de ces femmes et à faire que les personnalités de chacune placent le spectateur en réception et établissent une relation extrême entre eux deux, danseuses et public. D’où le nom de la pièce : « Thousand of Thoughts » (Des Milliers de pensées), parce que c’est ce que j’aimerais que le spectateur reçoive (des milliers de pensées) et parce que je suis persuadé que c’est ce que les femmes de ce ballet peuvent offrir. Je qualifierais mon style de poétique, sensitif, émouvant, viscéral… conté du dedans vers le dehors», termine le chorégraphe.
Jérôme Gac
Du 13 au 17 avril, à l’auditorium Saint-Pierre-des-Cuisines,
12, place Saint-Pierre, Toulouse. Tél. : 05 61 63 13 13.
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photos :
« Salle des pas perdus » © Didier Tarbelet
« Mur-Mur » © David Herrero
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