Au Théâtre du Grand-Rond, le comédien Jean-Paul Bibé et le guitariste Jérémie Guiochet jouent « la Vie c’est ce qui vous arrive pendant que vous rêviez de faire autre chose », d’après des nouvelles de Sam Shepard.
Alors qu’il vient d’achever les représentations au Théâtre du Chien Blanc de « Juste la fin du monde », de Jean-Luc Lagarce, avec sa compagnie De 9 À 11, le comédien Jean-Paul Bibé est dirigé par Corinne Calmels dans un duo texte et musique basé sur des nouvelles de Sam Shepard. Créé en 2014, « la Vie c’est ce qui vous arrive pendant que vous rêviez de faire autre chose » est aujourd’hui à l’affiche du Théâtre du Grand-Rond.
Dans ces cinq nouvelles extraites de son recueil « A mi-chemin », l’écrivain, scénariste, dramaturge et acteur américain nous livre quelques bribes d’existence qui respirent les grands espaces sauvages du Montana de son enfance, ses amours avec le théâtre, la musique et le cinéma. Un fast-food miteux, une route sans fin traversant le désert, une gare abandonnée, un salon cosy, une garden-party : telles sont les toiles de fond de ce spectacle. Une création hybride entre théâtre, lecture, musique et vidéo à laquelle nous invitent Jean-Paul Bibé et son partenaire guitariste Jérémie Guiochet.
«Au dessus des ailes de poulet fumantes, il y a un petit carton avec une phrase écrite à la main dessus : La vie c’est ce qui vous arrive pendant que vous rêviez de faire autre chose». C’est par cette entrée en matière sensorielle et évocatrice que le spectateur est introduit sans détour dans un road movie littéraire et musical teinté de blues et d’humour du désespoir.
Soutenu par l’écriture aiguisée, pleine d’âpreté et de dérision de Shepard, le comédien toulousain a opté pour différents styles de jeu : de la lecture assise à l’interprétation théâtrale la plus burlesque, dessinant un spectacle entre rêverie poétique intérieure et images visuelles cinématographiques. Si le jeu est parfois outré, il est toutefois dosé judicieusement pour apporter ici et là une dimension comique et décalée aux situations dramatiques “shepardiennes” au bord de l’explosion.
Quant à Jérémie Guiochet, ses longs riffs lancinants de guitare électrique contribuent fortement à déployer une atmosphère prégnante. Ses accords quasiment hypnotiques s’intègrent comme une bande-son sur mesure aux vidéos de route poussiéreuse, de pluie, de désert ou d’images de films en noir et blanc. Le rêve américain, l’ouest (le vrai), les amours perdus, les anti-héros au cœur blessé et au corps fatigué : ce spectacle a des parfums nostalgiques de l’Amérique de Jack Kerouac et du cinéma qui a nourri notre imaginaire.
On suit ces personnages perdus dans leur errance, où le rêve le dispute à la réalité du quotidien, la passion à l’habitude, dans ces solitudes bercées de souvenirs et de renoncements, où la folie n’est jamais loin. Intelligent, humble et généreux, ce tissage textuel, visuel et musical a le goût de l’éternité du middle-west et de ces cow-boys un peu poètes, un peu paumés, un peu les deux.
Sarah Authesserre
une chronique de Radio Radio
« La Vie c’est ce qui vous arrive pendant que vous rêviez de faire autre chose »,
du mardi 5 au samedi 9 avril, 21h00, au Théâtre du Grand-Rond,
23, rue des Potiers, Toulouse. Tél. 05 61 62 14 85.
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Photo © Guillaume Volbrecht