Le mois de février aura été particulièrement chargé pour notre orchestre du Capitole de Toulouse. Pas moins de quatre concerts à la Halle aux Grains avec chaque fois un chef différent et les Victoires de la Musique Classique sous la direction de son chef Tugan Sokhiev avec un répertoire allant de Mozart à des créations.
Une cinquième de Gustav Mahler magistrale
Le concert de ce soir avec Thomas Søndergård a été marqué par les retrouvailles de l’orchestre avec un chef charismatique très apprécié tant de l’orchestre que du public en raison d’une belle collaboration depuis des années.
Le Konzertstück op.84 de Bruch a ouvert ce riche programme. Geneviève Laurenceau a arboré une sonorité riche et des phrasés assurés et triomphants dans cette belle pièce. Avec beaucoup d‘assurance elle a su maitriser une partition intense. Le chef en a proposé une lecture plus nuancée mais l’énergie dégagée par la violoniste a emporté l’adhésion.
Sans rupture de solution de continuité la pièce du très jeune Benjamin Attahir a ensuite fait évoluer les musiciens vers une modernité très éloignée de la partition d’origine. Le voyage a eu quelque chose de somnambulique, parfois féérique mais aussi déstructuré et chaotique.
La deuxième partie du concert a été consacrée à une œuvre majeure la cinquième symphonie de Gustav Mahler. C’est à la fois la symphonie la plus célèbre en raison de l’ Adagietto et la moins connue car peut être la plus complexe. Mahler a atteint dans cet opus une maitrise de la modernité nouvelle qui a mis en pleurs son épouse lors de la première audition. Mahler en a compris quelque chose et il a réorchestré à plusieurs reprises cette symphonie. Elle est très complexe. Elle débute par une long chant funèbre, puis son scherzo est diabolique et sa mise en place est très complexe. Le final est plein de contrepoints qui s’entrechoquent. C’est probablement l’Adagietto qui est le mouvement le plus facile…
Ce soir l’orchestre a été, malgré la fatigue dont nous avons parlé, admirable de bout en bout. Concentration absolue, précision instrumentale et beauté des sonorités. Le cor solo ( Jacques Deleplanque), la trompette solo ( Hugo Blacher) ont été absolument parfaits allant de la fragilité assumée vers une force de conviction émouvante. Chaque musicien a été prodigieux.
Thomas Søndergård est un grand chef qui a posé sa direction sur une confiance absolue dans la partition. Tous les effets de modernité ont été portés à un niveau d‘incandescence. La complexité de la structure a été mise en lumière. L’enchainement des mouvements assurant une construction d‘ensemble exemplaire. La précision du geste, la générosité des sourires, l’élégance des arabesques font de cette direction comme une évidence. Alors que le travail de mise en lumière a du être intensif tout est apparu évident, simple et presque facile. L’auditeur gagné lui même par cette confiance ne pouvant qu’adhérer à cette proposition interprétative. Pourtant aucune facilité n’a été concédée ni à la complexité harmonique, rythmique, ou l’enchevêtrement des thèmes ; tout a été souligné avec pondération.
Un grand moment de l’intelligence humaine. Un compositeur exigeant qui affronte crânement la difficulté de vivre avec la conscience de la mort et un chef capable de lui faire une totale confiance à travers le temps qui obtient de son orchestre une interprétation magistrale.
Nous espérons une collaboration renouvelée avec Thomas Søndergård. Peut être dans des symphonies plus rares dans lesquelles il semble exceller comme Sibélius ou Nielsen, compositeurs bien tristement absents des programmes toulousains.
Hubert Stoecklin
Toulouse ; Halle aux grains, le 27 février 2016 ; Max Bruch (1838-1920): Konzertstück op. 84 pour violon et orchestre ; Benjamin Attahir (Né en 1989) : Final additionnel au Konzertstück op.84 de Max Bruch, création mondiale, commande de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Gustave Mahler symphonie n°5 en do dièse mineur ; Geneviève Laurenceau : violon ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Direction : Thomas Søndergård.
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