Toulouse. Halle-aux-Grains ; le 23 octobre 2015 ; Félix Mendelssohn (1809-1847) : Concerto pour violon et orchestre en mi mineur op.64 ; Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n°7 en mi mineur ; Itamar Zorman, violon ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Direction : Joseph Swensen.
Le retour de Joseph Swensen est toujours un grand moment à Toulouse. Ce chef tisse avec l’orchestre du Capitole une très belle histoire faite d‘admiration réciproque et de partage musical au sommet dans des œuvres particulièrement exigeantes. On se souvient de son extraordinaire cycle des symphonies de Mahler. Un nouveau cycle d’un magicien viennois de la symphonie se construit petit à petit. Après la huitième et la quatrième symphonie d‘Anton Bruckner, voici ce soir la monumentale septième symphonie. Le grand moment attendu a eu lieu et Joseph Swensen a su à nouveau galvaniser l’orchestre avec sa direction si particulière. Nous avons déjà écrit comment les gestes de ce chef peuvent être beaux, à la fois doux et vastes, caressants et enveloppants, autoritaires et amicaux, orants et paisibles. Il obtient de l’orchestre le maximum de la virtuosité et de la musicalité de chaque musicien. Les nuances sont magnifiquement sculptées, les silences habités, les forte maitrisés. La construction de chaque mouvement est limpide dans une admirable architecture d‘ensemble. Cette symphonie est comme un Requiem en forme d‘hommage au musicien-dieu de Bruckner : Richard Wagner. Jusque dans l‘utilisation des tubas wagnériens construits pour le ring a la demande de Wagner lui même. Leur couleur ce soir a assombri mélancoliquement chacune de leurs interventions. Un parfait dosage de toutes les familles d’instruments a été organisé par Swensen qui jamais n’a laissé une famille dominer (même les très nombreux cuivres graves). Les terribles crescendi et les forte ont gardé une admirable tenue. Cet hommage tout de mélancolie a ce soir pris un tour personnel important pour moi, en pensant à l‘ami qui m‘a permis de dépasser mon appréhension pour la grandiloquence de Bruckner et sa troublante et désarmante simplicité, ami que la maladie retient loin des concerts qu’il aime tant.
Il faut la puissance d’un chef comme Swensen, l’engagement qu’il obtient des musiciens et la perfection de ce magnifique orchestre pour que Bruckner devienne si séduisant. Le public comme sonné par cette interprétation si inspirée a certes applaudi à tout rompre mais a respecté la fatigue du chef et des musiciens, certes heureux, mais vidés d’une grande partie de leurs forces si généreusement mises dans cette interprétation inoubliable.En première partie de concert une belle est élégante interprétation du concerto de Mendelssohn n’a pas pu rivaliser en intérêt avec la symphonie gigantesque. Le violoniste américain Itamar Zorman, tout auréolé de ses succès récents aux concours internationaux, n’a su qu’utiliser un son beau et piano, un peu désincarné et planant. Les efforts de Joseph Swensen pour insuffler un peu de corps et d’âme n’ont fait que renforcer par contraste la simplicité du violoniste. Nous espérons que le temps lui donnera plus d’implication et lui permettra de développer des nuances mezzo-forte et forte. Les limites du joli son piano a été source d’un manque de tension affaiblissant l’attention de plus d‘un auditeur.
Ce concert restera celui d’un chef immense et d’un orchestre de tout premier plan au service de Bruckner comme il a rarement été entendu.
Hubert Stoecklin