Du 17 septembre 2015 au 31 janvier 2016, le musée Les Abattoirs est associé au 30è anniversaire du Musée national Picasso de Paris. Il accueille une sélection de sculptures, toiles, dessins et estampes de la dation Picasso et ce, autour du rideau de scène du “14 juillet“ offert par le peintre lui-même à la Ville de Toulouse et conservé par le musée depuis son ouverture. Réalisée en collaboration avec l’équipe du Musée Picasso, cette exposition – dossier s’attachera à replacer l’œuvre dans “L’horizon mythologique “ de Picasso.
Sur un thème donné, “Picasso, horizon mythologique“ est la plus importante exposition monographique consacrée à l’artiste à Toulouse depuis l’exposition du Musée des Augustins en 1965.
Et c’est à l’occasion des 50 ans de la présence à Toulouse du rideau de scène réalisé par Picasso pour la pièce “14 juillet “de Romain Rolland, que Les Abattoirs s’associent au Musée de l’Hôtel Salé.
Nous ne sommes pas à cours d’anniversaire puisque cette exposition est donnée dans le cadre du 30è anniversaire du Musée national parisien, juste après plusieurs années de travaux. Les œuvres retenues ont été en majorité réalisées dans les années 1920 et 1930 et elles offrent un contexte d’appréhension unique et renouvelé du rideau de scène conservé à Toulouse.
La dépouille du Minotaure en costume d’Arlequin, la gouache réalisée en 1936 et qui a servi de carton pour la réalisation du rideau sera au centre de cette exposition. A la rencontre des mythologies grecques, égyptiennes, et de la commedia dell’arte, les personnages qui occupent le premier plan de cette œuvre sont souvent décrits comme des autoportraits de l’artiste : monstre comédien, dieu solaire, vieillard ou jeune homme en marinière. Cet univers, reflet des libertés et ambitions de Picasso, est au centre de l’exposition.
En juin 1936, Picasso accepte de réaliser le rideau de scène pour le “14 juillet“ de Romain Rolland, pièce créée en 1902 et montée au Théâtre du Peuple, salle de l’Alhambra rebaptisé alors ainsi, pour célébrer symboliquement le premier 14 juillet du Front populaire. Les commanditaires, si l’on peut dire, furent Jean Zay, Ministre de l’Education Nationale et Jean Cassou, futur conservateur en chef du nouveau Musée d’art moderne, qui n’hésitera pas à écrire dans L’Humanité le 16 juillet, deux jours donc après la première : « Pour le rideau, nous n’avons pas hésité à le demander au peintre le plus audacieux de ce temps et l’un des plus grands de tous les temps : Pablo Picasso. Ce que l’académisme officiel se refuse à admettre et à reconnaître, c’est-à-dire l’art vivant et les hardiesses et les inquiétudes du génie, tout cela peut désormais trouver asile dans une fête populaire. » Cela faisait depuis 1924 que Picasso n’avait plus travaillé pour la scène, mais on se souvient qu’il avait beaucoup peint pour la danse, notamment pour les Ballets russes de Diaghilev.
Les délais très brefs de la commande ne lui permettent pas d’exécuter une œuvre originale et il décide alors d’agrandir une petite gouache rehaussée d’encre de chine, peinte le 28 mai 1936. C’est la fameuse gouache présente ici.
Le rideau fut rapidement brossé dans la semaine précédant la première représentation, le 14 juillet 1936, grâce au talent de Luis Fernandez, peintre et ami de Picasso. C’est cet artiste là qui aura la charge de passer des dimensions de presqu’un carré (44,5 x 54,5 cm) de la gouache aux dimensions du rideau définitif ( 8,30 x 13,25 m ) soit un quart de mètre carré à 109 m2: une vraie prouesse. Satisfait du travail de son ami, le peintre renommé va apposer sa touche en guise de signature : il accentue la fermeté du trait par quelques éclats de peinture noire et donne vie aux personnages par l’adjonction de rehauts blancs dans la couronne de fleurs du jeune homme et dans l’habit d’Arlequin.
C’est en 1965 que l’œuvre est présentée pour la première fois à Toulouse, à l’occasion d’une exposition consacrée aux rapports entre Picasso et le théâtre, organisée par Denis Milhau, alors conservateur du Musée des Augustins.
Entretien avec Denis Milhau
Au souhait formulé par ce dernier de conserver quelques temps de plus le fameux rideau, Picasso l’espiègle répondra tout d’abord par un “non“, mais c’était “non“ en réponse pour le “quelque temps“ puisqu’il décidait de faire don de l’œuvre et c’était donc pour toujours. C’est à partir de ce don, que naîtra l’idée, non pas de construire un nouveau musée d’art moderne, projet déjà acté, mais c’est la pièce maîtresse qui va influencer complètement la rénovation du bâtiment constituant l’élément principal du futur musée d’art moderne de la ville de Toulouse.
Au sujet des bronzes exposés, c’est la série « Les baigneurs » dont les originaux sont en bois. Elle correspond à la cinquième période pour le sculpteur. Chaque sculpture est un assemblage fait de planches qui fonctionnent comme un groupe. Le catalogue raisonné des œuvres réalisées ne compte pas moins de sept cent numéros. On connaît mal, pourtant, la sculpture de Picasso. Elle n’a vraiment été révélée que lors de sa rétrospective de 1966, organisée par…lui-même !
Présent même si une partie de l’année il ne peut être admiré pour des raisons de fragilité et donc de conservation délicate, le rideau a bien orienté l’ensemble du chantier et du programme des Abattoirs. Il en a défini les espaces, « mais également en creux son inconscient, celui d’un musée comme un théâtre sans scène. » Absent depuis presque trois ans, il fait son grand retour à l’occasion de cet événement. Sachez qu’il ne peut être roulé et doit donc “disparaître“ tel que vous pouvez l’admirer !!
Michel Grialou
PICASSO
Horizon Mythologique
du 18 septembre 2015 au 31 janvier 2016
Les Abattoirs
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