Gianandrea Noseda était sur l’estrade, ce vendredi 24 avril au lendemain de la célébration de ses 50 ans ! et il tenait fort à nous faire partager toute la fougue du, maintenant, quinquagénaire. Autant dire que lui-même d’abord et tous les musiciens ensuite furent mis à contribution, surtout dans ce mets de choix que constitue la Première de Brahms.
Impressions : Goffredo Petrassi, c’était donc une mise en bouche, un amuse-gueule, un échauffement. Vingt minutes tout de même qui ne laisseront pas un souvenir impérissable mais qui sait ? avec une ré-écoute. Les choses sérieuses devaient commencer avec Chostakovitch et son Concerto pour piano n°2. Le soliste, c’est Alexander Toradze dont le programme de salle nous dit : « …universellement reconnu comme un remarquable virtuose dans la plus grande tradition romantique. Il a enrichi le grand patrimoine pianistique russe avec ses convictions peu orthodoxes de l’interprétation, son lyrisme profondément poétique et sa passion empreinte d’une intense émotion qui lui sont très personnels. » Comment ne pas adhérer ? L’Andante fut en effet l’émotion même avec un accompagnement orchestral « aux petits oignons », les passages dits virtuoses, avalés par le soliste, non sans quelques exercices de décontraction ! Et pourtant, pour lui faciliter la tâche, l’homme n’a ni les mains, ni les doigts d’un Rachmaninov. Comme quoi…Le concerto est relativement court, même pas vingt minutes mais on le soupçonne bien physique et éprouvant. En tous les cas, l’ensemble est jubilatoire. Applaudissements nourris et rappels. Mais, après une telle prouesse, un bis eut été incongru. L’artiste s’en est dispensé, il a bien fait, et le public l’a compris, et l’a laissé partir reprendre son souffle. Cependant, l’artiste était bien présent pour écouter la suite du concert, et on le comprend d’autant mieux quarante-cinq minutes plus tard.
Il fallait donc se préparer pour le choc de la Première Symphonie de Johannes Brahms. Le chef, que nous avions apprécié sans retenue quand il était plus présent pour diriger l’orchestre, n’est pas revenu à la tête de l’ONCT juste pour faire un petit coucou. Si ce n’était la baguette, présente ici, on croirait voir un Valery Gergiev, avec qui, d’ailleurs, Noseda a travaillé et les traces laissées sont nombreuses.
La Première sera grande, ou ne sera pas. L’œuvre est née après une gestation laborieuse de près de vingt ans, tant attendue d’abord par le compositeur lui-même, libératrice a fortiori. Décortiquée, mise en lambeaux, ayant fait l’objet de plus de cent soixante enregistrements recensés, tout un chacun a son avis sur les intentions de Brahms et sait donc, comment il faut la diriger bien sûr?! Mais, on ne va pas jouer les : « Celui qui sait ne parle pas, celui qui parle ne sait pas. »
Pour faire court, Gianandrea Noseda a trouvé les solutions dès le premier mouvement et n’a eu de cesse de solliciter l’orchestre dans tous ses recoins. Il faut l’avoir travaillé tout ce maillage des motifs, ces différents plans sonores, toutes les couleurs de pupitres. Le discours est serré, intraitable. C’est un Brahms rayonnant de force, et très organisé. Un orchestre secoué, un peu surpris de se lancer dans une telle course à l’abîme ! C’est intense, c’est puissant, consistant, abouti, très viscéral, c’est vrai, par moments, rageur. Manque d’élégance ? bof ! Le IV fut épique. Chaque pupitre a répondu à l’appel et les remerciements sont allés de pair. Cor solo, timbalier, flûte solo, hautbois solo, basson solo, clarinette solo, trombones et trompettes, premier violon, tous pupitres de cordes……ce ne fut pas dans le genre : « je n’oublie personne » mais plutôt : « je tiens à vous remercier ». Un chef que l’on est très content d’avoir retrouvé à la Halle. Et le niveau de l’ONCT, maintenant atteint, ne pouvant que l’interpeller aussi.
Pour ma part, modestement, un très grand concert.
Michel Grialou
Orchestre National du Capitole