Mercredi 1er avril, 20h15, au cinéma CGR Blagnac et EN DIRECT du Royal Opera House de Londres aura lieu une représentation d’un des opéras les plus sulfureux du XXe siècle, Grandeur & Décadence de la ville de Mahagonny dans une nouvelle production. C’est un opéra en anglais sous-titré en français, de trois heures environ, en trois actes avec deux entractes, jalonné de nombreux passages plus ou moins subversifs. La musique est de Kurt Weill, écrite sur un livret volontiers très provocateur de Bertolt Brecht. L’ouvrage fut créé le 9 mars 1930 au Neues Theater de Leipzig, déclenchant un scandale mémorable, en raison de la vive contestation de la frange nationaliste et conservatrice du public.
De Bertolt Brecht : « L’opéra que nous avons est l’opéra culinaire. Il a été un moyen de jouissance bien avant qu’il fût une marchandise. Il sert à la jouissance, même là où il exige ou transmet de la culture, car il exige ou transmet alors précisément la culture du goût. (…) Pourquoi Mahagonny est-il un opéra ?son attitude fondamentale est celle de l’opéra, à savoir culinaire. Mahagonny approche-t-il sa matière dans une attitude de jouissance ? Il le fait. Mahagonny est-il un vécu ?il est un vécu. Car Mahagonny est un plaisir. »
Cet opéra est décrit comme une fable ironique et mordante sur la fondation en plein désert d’une ville par trois criminels en fuite poursuivis par la police. Mahagonny est un lieu de plaisirs créé de toutes pièces. « Nous allons fonder une ville, qui s’appellera Mahagonny : la ville-piège ! » déclare Léocadia Begbick à l’acte I, “mère maquerelle“ en fuite, une ville où whisky, tabac, femmes et combats de boxe seront les seules préoccupations.
La cité des plaisirs dont l’origine fait évidemment penser fortement à Sodome et Gomorrhe a pour seule destination celle de devoir servir d’appât aux chercheurs d’or de la région qui devront s’y ruiner. Un jour, l’un de ces mécontents échoués à Mahagonny a l’idée, en changeant une interdiction en slogan, de faire de la cité un endroit de débauche où toutes les licences sont permises. Alors, le déclin et la précipitation de la ville dans le chaos sont inéluctables.
La distribution est particulièrement délicate à établir car, ce chef-d’œuvre, est-il un opéra au sens classique du mot, ou bien une comédie musicale qui ressemble d’ailleurs, davantage à une tragédie qu’à une comédie, ou alors une comédie “trash“ ? Et c’est là qu’intervient le choix fait de la version donnée et de l’importance du chef d’orchestre. « C’est à lui que reviennent la couleur et le rythme, l’accentuation et la modulation de la phrase vocale et ce délicat équilibre de ton qui rend cette œuvre totalement unique et plurielle. »
On note aussi l’importance des textes parlés et leurs couleurs vocales résultant avant tout de la situation dramatique. Ce sont des “personnalités“ scéniques qui s’imposent ici. En un mot, chacun des protagonistes aura fort à faire, aussi bien dans le jeu de scène que la présence vocale, qu’elle soit chantée ou parlée.
En 1933-34, l’œuvre de Brecht et Weill est mise à l’index par le régime nazi au titre d’œuvre entrant dans le domaine de l’art dégénéré. Weill est parti sur Paris. Au lendemain de l’Anschluss, en 1938, la Gestapo saisit nombre de partitions de Kurt Weill chez son éditeur viennois, notamment la grande partition et le matériel de notre opéra. Le compositeur et son épouse Lotte Lenya se sont réfugiés à New-York.
JENNY SMITH : Christine Rice – soprano lyrique
LEOCADJA BEGBICK : Anne Sofie von Otter – contralto ou mezzo-soprano
FATTY : Peter Hoare – ténor
TRINITY MOSES : Willard W. White – basse chantante
JIMMY MACINTYRE : Kurt Streit – ténor
BANK ACCOUNT BILLY : Darren Jeffery – baryton
CHEF D’ORCHESTRE : John Fulljames – on retrouve un orchestre principal et un orchestre de scène
Le trio qui suit a concocté un ensemble, mise en scène, décors et lumières assez décoiffant !! et le terme paraît sobre.
METTEUR EN SCÈNE : Mark Wigglesworth
DÉCOR : Es Devlin
LUMIÈRE : Bruno Poet
ACTE I. Au milieu du désert, un camion tombe en panne. Ses passagers, recherchés par la police, la veuve Leokadja Bebick, Moïse La Trinité et Fatty, décident de fonder à cet endroit la « ville piège » Mahagonny, où tous les plaisirs seront à disposition, à satiété. Un groupe de prostituées, parmi lesquelles Jenny, arrivent à la recherche de whisky et d’hommes en chantant l’Alabama
Song. Fatty et Moïse vantent les mérites de Mahagonny dans les grandes villes et les âmes perdues affluent. Un groupe de quatre bûcherons dont Jim Mahoney, débarquent en ville. La veuve Bebick leur présente ses filles, Jim est séduit par Jenny. Or, les déçus, car il y en a de plus en plus, commencent à quitter la ville. Ses trois fondateurs s’inquiétent logiquement pour leurs affaires. Jim cherche également à partir de Mahagonny où les panneaux d’interdiction se mettent à fleurir un peu partout, mais ses amis le persuadent de rester. Un cyclone se dirige vers la ville, Jim comprend alors la futilité du fait de construire quoi que ce soit, quand un ouragan peut tout détruire d’un coup et professe un nouveau credo : « Fais ce qu’il te plaît ».
ACTE II. Au dernier moment, alors que le cyclone a détruit les villes voisines, il contourne Mahagonny, comme par miracle. Les habitants adoptent désormais la devise « Tout est permis». Un an plus tard, ils chantent les quatre plaisirs de la vie : manger, faire l’amour, se battre et boire. Lors d’un combat à mort entre son ami Joe et Moïse, Jim mise tout son argent sur son ami. Quand Joe meurt, Jim est ruiné. Pour noyer son chagrin, il offre des tournées générales et se rappelle de l’Alaska où il aimerait retourner.
Au moment de payer l’addition, il se tourne, paniqué, vers Jenny qui refuse de l’aider. Il est arrêté et Moïse assure qu’il le paiera de sa vie. Plus tard dans la nuit, attaché à un lampadaire, Jim supplie le soleil de ne pas se lever sur le jour de sa condamnation.
ACTE III. Au tribunal, Begbick est juge, Fatty à la défense et Moïse joue les procureurs. Ils jugent d’abord le meurtrier Tobby Higgins, l’ennemi public n°1. En corrompant le jury, Tobby est acquitté. Jim demande à son ami Billy de lui prêter de l’argent pour qu’il puisse également être acquitté, mais celui-ci refuse.
Jim est accusé de divers crimes mineurs (ne pas avoir payé son addition, avoir payé Jenny pour qu’elle couche avec lui…) pour lesquels il reçoit de petites peines. Mais pour son crime principal – ne pas avoir d’argent – il est condamné à mort. Jim et Jenny se disent adieu. Jenny, vêtue de blanc, déclare être sa veuve.
Jim la confie à Billy. Avant d’être exécuté, il rappelle aux habitants de Mahagonny l’existence de Dieu.
Après sa mort, la ville sombre de plus en plus dans le chaos. Pendant que Mahagonny brûle, les habitants manifestent en criant que « on ne peut jamais rien pour personne » tout en portant le corps et les vêtements de Jim comme des reliques.
Michel Grialou
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Opéra en direct du Royal Opéra House de Londres
Cinéma Méga CGR de Blagnac – mercredi 1er avril 2015 à 20h15