L’Opéra de Paris présente à l’opéra Bastille une nouvelle production de « Tosca » de Puccini, dans une mise en scène de Pierre Audi, avec la soprano Martina Serafin, le ténor Marcelo Alvarez et le baryton Ludovic Tézier, sous la direction de Daniel Oren. Une représentation sera retransmise en direct dans les salles UGC, et France Musique diffusera la captation de la première représentation.
De « la Tosca » que Victorien Sardou écrivit pour Sarah Bernhardt, Giacomo Puccini tira en 1900 le drame passionnel dont il fit son chef-d’oeuvre – après avoir vu l’actrice dans le rôle à Milan. L’action est située à Rome, le 17 juin 1800. Deux ans plus tôt, l’entrée des troupes françaises en Italie avait provoqué l’exil du pape Pie VI et la proclamation d’une éphémère République romaine, de 1798 à 1799. Un instant repoussées, les troupes du premier consul Bonaparte prennent Milan le 2 juin. Le 14 juin, Bonaparte remporte la bataille de Marengo et s’apprête à envahir l’Italie entière. Le livret d’Illica et Giacosa resserre le drame, faisant passer au second plan la situation politique afin de concentrer l’action sur l’affrontement entre Scarpia, Tosca et Cavaradossi. La partition est truffée d’arias et de duos bouleversants, avec au deuxième acte le terrible noeud de l’intrigue : la confrontation entre Tosca et Scarpia. C’est que le grand génie de la musique de Puccini est justement de ne faire qu’un avec le drame.
Dirigée à l’opéra Bastille par Daniel Oren – qui vient de triompher dans la fosse du Théâtre du Capitole avec « Un bal masqué » de Verdi -, l’une des distributions d’une nouvelle production de « Tosca » réunit la soprano autrichienne Martina Serafin dans le rôle-titre, le ténor argentin Marcelo Alvarez dans le rôle de Cavaradossi, l’amant de la célèbre cantatrice Floria Tosca, et le baryton français Ludovic Tézier sous les traits du Baron Scarpia. C’est ce trio prometteur qui sera à l’affiche de la représentation retransmise en direct dans les salles UGC, et d’une captation réalisée par France Musique le soir de la première représentation et diffusée ultérieurement. Le metteur en scène Pierre Audi confesse : «Je n’avais jamais pensé faire une production de « Tosca ». L’idée est venue de Stéphane Lissner(1). J’ai alors essayé – en un temps relativement court – de faire une proposition qui ne s’attache pas trop au naturalisme de l’oeuvre. « Tosca » est bien sûr un opéra vériste, très ancré dans les lieux du récit : Rome, l’église de Sant’Andrea, le palais Farnèse, le château Saint-Ange… C’est un drame remarquablement construit, une pièce d’orfèvrerie dramatique et opératique. Ce qui était initialement une pièce de théâtre a fini par devenir le symbole même de l’art lyrique : notamment parce que l’opéra contient la pièce et la déborde. La musique permet d’exprimer d’autres aspects du drame. Elle développe par exemple d’une façon beaucoup plus poétique les différentes facettes de Floria Tosca, ce personnage si subtil, si complexe.»
Le metteur en scène poursuit : «Je me suis efforcé de porter mon regard au-delà du vérisme et de considérer « Tosca » comme une vraie tragédie, au sens grec du terme, de relier les éléments thématiques par une symbolique qui unifierait les trois actes, qui leur donnerait une force commune. Ce crucifix renvoie bien sûr à l’église et à ses différentes chapelles. Mais il symbolise également la puissance de Scarpia, qui redouble en quelque sorte le côté théâtral de l’Eglise catholique en exerçant sa propre emprise sur l’Histoire. L’église devient très dominante lorsqu’elle s’anime et pèse sur le lieu du crime, puis plane tel un aigle immense, laissant ce paysage abandonné, un peu pasolinien… J’essaie toujours de me ménager une marge entre le réalisme et le flash-back, entre l’histoire racontée et le récit tel qu’il est vécu – ou pourrait être vécu – subjectivement par les personnages. C’est le cas du portrait que peint Mario Cavaradossi au début de l’opéra, que j’imagine plutôt comme une sorte de vision qui pourrait par la suite entrer en résonance avec les fantasmes de Scarpia. C’est encore la voix du berger que l’on entend lorsque le même Cavaradossi est incarcéré : ce peut être une voix intérieure qui résonne comme une prémonition de sa mort. C’est ma façon d’essayer d’intérioriser la musique, d’aller plus loin que le vérisme, vers une émotion un peu freudienne.»
Pierre Audi assure : «En tant que metteur en scène, je me définis malgré tout comme quelqu’un qui raconte une histoire. J’ai toujours raconté des histoires. Mais ce qui m’intéresse tout particulièrement, c’est de confronter la musique à une proposition visuelle aux dimensions de cette musique. En entendant « Tosca », j’imagine que beaucoup de gens voient cette chapelle, ce palais, la plateforme de ce château… Pour ma part, je suis avant tout sensible à la modernité de Puccini. En épurant les lignes de la scénographie, la direction d’acteur et l’économie du plateau, je souhaite faire entendre la modernité de la partition d’orchestre qu’une mise en scène naturaliste enfouirait. L’espace joue un rôle primordial et je pense qu’un espace qui a une personnalité architecturale forte permet de faire l’économie d’un décor. La mise en scène consiste alors à organiser les corps et les voix dans l’espace. À l’opéra Bastille, il faut jouer avec les lignes très fortes de cette architecture verticale et puissante. Une scénographie monumentale mais qui, grâce à la lumière, n’impose pas tout, ménage un mystère. Une lumière brutale et nue…»(2)
Jérôme Gac
Jusqu’au 28 novembre, à l’Opéra Bastille, place de la Bastille, Paris.
Tél. 08 92 89 90 90 (0,34 euros la minute depuis un poste fixe en France).
Retransmission, jeudi 16 octobre, 19h15, en direct dans les salles UGC.
Enregistrement de la représentation du 10 octobre diffusée le samedi 25 octobre, 19h30, sur France Musique.
(1) Directeur de l’Opéra de Paris
(2) Entretien paru dans « En Scène ! », le Journal de l’Opéra national de Paris
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photo © Charles Duprat / Opéra national de Paris