Je suis tout à fait consciente de vous avoir dit il y a peu que j’irais moins au cinéma ces temps – ci. Vous saurez donc à l’avenir qu’il ne faut pas trop se fier à ce que je raconte (je me demande si c’est bien vendeur ce que je raconte là …).
Il faut dire qu’il est difficile de résister lorsque l’une sortie propose un documentaire (exercice ô combien passionnant) plongeant au coeur d’un média que j’affectionne particulièrement (la radio, sa sensualité, sa proximité, véritable compagne de route depuis des années du moins en ce qui concerne France Inter). Comment vouliez – vous que je résistasse, pauvrine que je suis ? Il n’en était pas possible autrement, le craquage était assuré …
Ici c’est donc Nicolas Philibert qui réalise, maniant drôlement bien l’art délicat du documentaire : subtilement trouver sa place, créer un climat de confiance, faire oublier sa présence et capter, grâce à un regard toujours un peu de côté, des situations que peu sont capables de voir. D’ailleurs ses précédents longs – métrages parlent pour lui : Nénette, Voyage au pays des sourds, Etre et avoir … Chez nous, à par Raymond Depardon et le tout jeune Sébastien Lifshitz, il n’y a en pas des brouettes comme ça.
Pour découvrir les coulisses de la Maison de la Radio, on ne pouvait rêver meilleur guide que ce réalisateur.
On l’accompagne à travers les couloirs, les bureaux, les studios d’enregistrements et de répétitions, les émissions de cette honorable institution, au coeur du quotidien de ceux et celles (et diable qu’ils sont nombreux !) qui font tourner la machine France Inter, Culture, Info et Bleu (le Mouv’ manque un peu à l’appel) et dont, pour certains, on ne soupçonnait même pas l’existence.
Je tiens tout de même à vous rassurer, pas besoin d’être un inconditionnel du service public pour que l’aventure soit passionnante et la découverte des rouages de la machine magique (bien que, pour tout vous dire, découvrir des visages dont les voix sont familières rajoute un petit plaisir supplémentaire).
Du parc automobile qu’il faut entretenir, au parcours de Jésus qui passe de bureau en bureau pour amener les cafés du matin,
on participe également à la conférence de rédaction des journaux de la journée à venir. Dans ces lieux où le son a une place primordiale, on voyage à travers les répétitions d’une chorale ou d’un quatuor classique, l’enregistrement de chroniques, les prises de son en extérieur pour capter l’ambiance d’un sous – bois (moment extatique), les émissions musicales, les enregistrements de feuilletons radiophoniques (ces ambiances que sont capables de créer des acteurs et des techniciens sonores, c’est tout simplement génial !) jusqu’aux moments d’attente lorsque des bruits de travaux viennent perturber les prises de son.
On assiste aussi à l’enregistrement d’émissions emblématiques comme le jeu des 1000 euros (crée en 1958 et qui parcourt les foyers ruraux de France pour poser des questions de culture générale à un public de papis et mamies),
et pendant lequel la fameuse vision dont je vous parlais un peu plus haut apporte un sel supplémentaire, notamment quand elle montre Yann Pailleret, responsable du métallophone (servant à rythmer l’écoulement du temps aux candidats), qui fait les gros yeux à un public cherchant à souffler les bonnes réponses,
ou qu’elle apporte un regard tout aussi bienveillant mais ludique dès il qu’il s’agit de s’entretenir avec certains poids lourds de la maison.
De cet endroit toujours en activité, grouillant comme une fourmilière, le réalisateur sait aussi illustrer les moments de calme et de travail.
Il saisit au plus juste l’ambiance d’émissions où l’on prend le temps de développer des sujets, de laisser s’exprimer des invités, où la notion d’intime est si présente (encore plus dans la grille des programmes nocturnes). Le documentaire décrit parfaitement ce média si particulier, qui vient nous susurrer à l’oreille et nous rappelle à quel point le service public radiophonique français est de qualité (arrêtez moi vite, je vais bientôt vous appeler à voter Pompidou et le retour de l’ORTF).
Aux vues du fourmillement d’intervenants présents, certains auraient mérité d’êtres légendés (histoire qu’on comprenne un peu mieux leurs rôles), je déplore également l’absence de tout programmateur musical à qui il aurait été bien intéressant de laisser la parole, tant leur rôle est primordial sur l’antenne (cela m’aurait d’ailleurs permis d’identifier Djubaka, histoire d’envoyer un tueur russe sur ses traces et me trouver du même coup un CDI).
J’ai passé un moment vraiment extraordinaire en compagnie de tous ces journalistes, animateurs et techniciens. De ce documentaire qu’on pourrait presque regarder les yeux fermés, je ne peux effectivement pas dissimuler la joie sans pareille d’avoir mis des têtes sur des voix qui me bercent depuis des années. Pour conclure (et pour le plaisir), je vais donc me la jouer façon collectif de musique urbaine et spéciale dédicace à base de pow pow pow pow : Hervé Pochon (que je n’aurais jamais imaginé si immense !), Rebecca Manzoni (qui a laissé assister à la minute de solitude de ses invités, joie !), Colin et Mauduit (un des duos d’intervieweurs les plus drôles de toute la bande fm), Pascale Clark (bien qu’une fois de plus elle ait pris soin de dissimuler son visage), François Busnel (même à la radio, il a la classe), Jean – Claude Ameisen (son studio plongé dans l’obscurité et son carnet couvert de notes) et même la dame de la météo marine (une putain d’institution là aussi !).
En vous remerciant.