Et qui va s’en plaindre, n’est-ce pas ? Ce chef et cette phalange ne soulèvent-ils pas à chacun de leur passage l’enthousiasme du public ? C’est pour le 14 décembre.
Indubitablement, le hongrois Iván Fischer reste toujours l’un des chefs parmi les plus créatifs de sa génération. Ennemi de la routine, il en profite pour fonder en 1983, déjà trente ans, son propre orchestre, le désormais fameux Budapest Festival Orchestra avec alors des musiciens « issus de la crème des jeunes artistes de Hongrie ». C’est devenu, et reste toujours, l’une des plus grandes phalanges vouée à la musique classique. C’est, bien sûr, un des acteurs incontournables de la vie musicale de Budapest, tout en étant fréquemment invité par les plus grandes salles internationales, et donc par Toulouse grâce à la structure Grands Interprètes.
On sait que le chef adore la Halle qu’il compare à la salle de l’Académie Franz-Liszt de Budapest. Toujours à la recherche du mieux encore, ou du différent, Iván Fischer a constitué au sein du BFO, un ensemble de musique baroque, et développe même un groupe de musique contemporaine. Il a pour ambition de faire de son orchestre une sorte de modèle de l’orchestre du futur, très différent des formations symphoniques actuelles, devenues bien trop conventionnelles. Et l’intérêt pour les instruments anciens, dits encore, baroques, va de pair.
Tout à fait conscient que les œuvres d’Antonín Dvořák, Béla Bartók, deux compositeurs au programme du concert, ont d’importantes origines folkloriques, Iván Fischer veut réfléchir à la façon dont il peut se laisser pénétrer par ce folklore, le traduire et le transmettre à ses musiciens, afin qu’ensemble ils puissent le faire ressentir à tous les publics devant lesquels ils jouent. « Reproduire ce folklore est l’une des clés… »
« Je suis complètement seul, et je sais déjà que cette solitude sera mon destin. » Ainsi se confiait à des amis, Béla Bartók, dès 1905. C’est aussi le lot du héros de son unique opéra, Le Château de Barbe-Bleue, composé en 1911 et créé sept ans plus tard, à la fin de la Première Guerre mondiale. En un seul acte d’une heure, cet opéra très énigmatique ne cesse de fasciner. Drame psychologique furieusement tourmenté, c’est un conflit hiératique et immémorial entre deux personnages totems, conflit idéal pour illustrer les premiers soubresauts d’une psychanalyse naissante. Sigmund Freud a cinquante ans ! Malgré l’amour de sa quatrième femme, Judith (une réincarnation de l’héroïne biblique qui trancha la tête d’Holopherne) – incarnée par la mezzo-soprano Andrea Szántó – le duc Barbe-Bleue – incarné par la basse Béla Perencz – reste prisonnier de lui-même, muré dans ses secrets comme dans sa sombre forteresse, farouchement verrouillée.
Comme pour le parcours d’Eva et Lohengrin du Lohengrin de Richard Wagner, celui de Judith, tout au long des sept portes cadenassées du château de son époux, rouvre les hostilités entre l’homme et la femme, entre les secrets jalousement gardés d’Adam et la curiosité insatiable d’Eve. ( !)
La première partie de ce concert est occupée par la Symphonie n°8 en sol majeur d’Antonín Dvořák en quatre mouvements, Allegro con brio – Adagio – Allegro grazioso-Molto vivace et Allegro ma non troppo, finale de plus de quinze minutes. Sa tonalité n’est pas sans rappeler le métier, l’humour et l’humanité discrète du seul grand symphoniste ayant écrit dans cette tonalité radieuse, Joseph Haydn. D’un abord facile, non démonstrative, on pourrait presque dire sans chichi, elle respire bonheur, plénitude, maturité de son auteur. Composée en un laps de temps relativement court, achevée le 8 novembre 1889, et créée par A. Dvořák lui-même le 2 février 1890 à Prague, « elle s’avère être un émerveillement poétique de l’homme devant la nature, une résurgence à la manière bohémienne, du sentiment pastoral beethovénien. » Humeur fondamentalement optimiste et vitalité sans faille trouvent leur confirmation finale dans le retour de la bacchanale, une des pages orchestrales les plus éblouissantes et les plus modernes de Dvořák, et qui annonce la puissance narrative des poèmes symphoniques à venir.
Michel Grialou
vendredi 14 décembre – Halle aux Grains (20h00)
Réservation
Budapest Festival Orchestra