Salle Nougaro – Saison 2011/2012
Certains peuvent encore se souvenir que la Salle Nougaro fut au cœur de la vie artistique toulousaine dans les années 1980 à 2000. Que ce soit en jazz, musique du monde ou chansons à texte elle fut un centre de découvertes, de confirmations, de grande exigence artistique comme son label de Scène de Musiques Actuelles le reconnaissait. Ainsi les toulousains auront pu y entendre souvent, parfois pour la première fois Cesaria Evora, Lluis Llach Richard Desjardins, Brad Mehldau, Dianne Reeves, Susana Baca, Enrique Morente, Jacques Bertin et bien d’autres.
Cet âge d’or était possible en ce temps par le paysage culturel toulousain de l’époque, par l’aide des institutions territoriales et de l’État, et surtout par la volonté d’Airbus de s’inscrire dans la géographie et l’histoire de la cité en s’ouvrant au monde extérieur.
Cette volonté se dilua et le Comité d’entreprise repris totalement le contrôle de ce lieu. Notons que le fait qu’un Comité d’entreprise possède une salle de spectacle est déjà rare en France car les intérêts et les missions de chacun finissent inéluctablement à s’opposer. Entre la nécessité d’un lieu artistique d’être ouvert au monde, et celle d’un Comité d’entreprise d’être surtout tourné vers ses électeurs, donc refermé sur l’entreprise. Le vieux conflit entre culturel et socioculturel toujours latent, ne peut que s’exacerber et donc le rayonnement vers l’extérieur se dissoudre.
Les atouts de la Salle Nougaro sont pourtant réels avec une belle salle de spectacle de près de 400 places à l’acoustique soignée, à l’équipement son et lumières en pointe, et au rapport scène-public exceptionnel, mais cette jauge et le relatif éloignement géographique la rende économiquement difficilement amortissable. Mais elle existe après avoir failli être rasée en 2001. Donc l’outil est présent.
Encore faut-il une direction artistique de professionnelle et un véritable amour du spectacle et des artistes que la nouvelle équipe mise en place, après bien des turbulences récentes, devra démontrer, car tout semble encore à faire et à apprendre. La saison 2011-2012, mise en place en urgence, tente de suivre les lignes de force depuis 35 ans, malgré un environnement culturel bien différent.
Ainsi on retrouve programmés des artistes qui jadis ont fait les beaux-jours du lieu : ainsi Carla Bley en trio (17 février 1988 et 22 février 1997) Enrico Pieranunzi (23 octobre 1997), Guillaume de Chassy et la danseuse Ani Yerno (24 novembre 1998), Cristina Branco (14 janvier 2000), Youn Sun Nah dans le cadre de Jazz sur son 31 il y a peu. On ne parlera pas d’un hommage du vice à la vertu mais d’un grand sens de la continuité sans doute.
Tous ses spectacles, éprouvés, sont bien sûr chaudement recommandés.
Parmi le reste de la programmation, moins flamboyante, on peut signaler le trio du flutiste catalan Jorge Rossy, la canadienne Terez Montcalm, le cher Didier Labbé et l’inoxydable Yvan Cujous.
Mais plus que l’examen d’une programmation c’est sur l’avenir même de cette salle qu’il faut s’interroger.
Restera-t-elle un lieu vivant pour le jazz, les musiques du monde et la nouvelle scène de chanteurs ?
Deviendra-t-elle une salle en location pour les spectacles de tourneurs ?
Sera-t-elle majoritairement une salle pour les activités socio-culturelles ?
La réponse appartient à la nouvelle équipe en place, totalement dépendante de la politique du Comité d’entreprise. En fait c’est la programmation 2011-2012 qui révèlera le cap choisi: continuité avec l’histoire de cette salle mythique ou recentrement en culture d’entreprise.
Quoiqu’il advienne l’histoire déjà écrite depuis 1976 restera comme un des grands moments de la vie culturelle à Toulouse et le pire n’est pas toujours le plus sûr.
Gil Pressnitzer