concert du 1er Avril 2011
La fin du voyage
Une émotion extrême étreint musiciens et public à l’issue du concert du 1er avril consacré par l’Orchestre national du Capitole à la 9ème symphonie de Gustav Mahler. Le lourd silence qui prolonge les derniers échos de l’Adagiofinal en dit long sur l’impact d’une telle œuvre. Le chef américain Joseph Swensen conclut ainsi l’essentiel du cycle qu’il a consacré au grand compositeur bohémien à la tête de la phalange toulousaine.
Pour marquer le centenaire de la disparition prématurée du compositeur du« Chant de la Terre », ce musicien atypique et attachant avait en effet choisi de diriger à Toulouse l’ultime symphonie achevée par Mahler. Toulouse où des liens particuliers avec les musiciens de l’orchestre se sont tissés au fil des ans. Et comment ne pas constater que ce soir-là une atmosphère particulière plane sur le déroulement de la soirée ?
Joseph Swensen aborde cet autre « Abschied » (l’Adieu qui conclut « Le Chant de la Terre ») avec une solennité émue. Il ose une lenteur extrême. L’Andante commodo qui ouvre ce voyage vers l’inconnu est pris dans un tempo glaçant. Les notes de la harpe s’échappent comme un lourd panache funèbre. Néanmoins, les violents sursauts, les convulsions dramatiques qui affectent toute cette première partie, écartelée entre résignation et révolte, explosent avec une vigueur désespérée. Les doutes qui s’insinuent dans la moindre brèche trouvent d’étonnantes traductions instrumentales. Ainsi en est-il de cet incroyable duo entre le cor solo et la flûte solo que Jacques Deleplancque et François Laurent dominent de leur perfection instrumentale.
Le Scherzo, tout imprégné de cette atmosphère de Ländler paysan, reste volontairement à ras de terre. Pris dans un tempo d’une extrême lenteur il en devient presque cruel. Le contraste qu’apporte la vivacité ironique duRondo-Burleske donne le ton de la parodie macabre. L’agitation fébrile ne se calme qu’à l’apparition sublime du thème qui irriguera tout le mouvement final. Un grand bravo à Hugo Blacher, trompette solo, qui illumine cette intervention stratégique, si délicate d’exécution.
Et c’est enfin la lente marche vers le néant qui ouvre ce poignant Adagio. La mélodie infinie, qui émerge du silence pour finalement s’y dissoudre, évolue lentement de la douleur profonde vers l’apaisement ultime. La matière sonore semble se diluer peu à peu dans une éternité qui abolit le temps lui-même. Tous les pupitres de cordes se surpassent dans ce mouvement qu’ils dominent de leur intense lumière. Une fois encore le solo de cor, comme un message d’humanité, bouleverse les cœurs et les esprits. Jusqu’aux dernières notes qui plongent dans une sorte de vide et de silence. Une expérience à vivre grâce à Joseph Swensen, le maître d’œuvre de cette soirée mémorable, longuement acclamé par le public mais aussi par tous les musiciens de l’orchestre.
Serge Chauzy
Une chronique de Classic Toulouse