Si elle ne fait pas le printemps, elle fera bien notre automne 2017 ! En effet, le Théâtre du Capitole reprend La Rondine, un opéra donné en mars, lors de la saison 2004-2005, coproduction avec, excusez du peu, le Royal Opera House Covent Garden de Londres en 2002. Finesse, nuances, souplesse, c’est toute l’histoire de La Rondine, l’œuvre lyrique, peut-être la plus discrète de Giacomo Puccini.
Cette coproduction avec une scène telle que le Covent Garden était une parfaite illustration de l’aura “capitoline“. Nicolas Joël s’était entouré une fois de plus de son trio préféré Frigerio / Squarciapino / Cheli, décors, costumes et lumières, pour monter somptueusement la seule comédie lyrique de son compositeur. Dernière nouvelle : l’hirondelle aura le visage d’Ekaterina Bakanova qui vient de chanter le rôle à Florence, après avoir chanté celui de Violetta, sur la scène du, excusez du peu, Covent Garden de Londres !
Giacomo Puccini, ce véritable maître-queux du drame humain dont la devise était : « Et faire pleurer, pleurer, toujours, mais avec quelque chose de merveilleux, séduisant et gracieux. » Au sujet de la Rondine, il écrit : « …je m’y suis mis de nouveau, et j’en suis satisfait. La Rondine est le titre du petit opéra, qui sera fini au printemps. C’est un opéra léger et sentimental, avec des touches de comédie – mais agréable, limpide, facile à chanter, comportant quelques valses et des airs vivants et séduisants. Nous verrons ce qu’il donnera – c’est une sorte de réaction contre la répugnante musique d’aujourd’hui – qui, comme vous le dites si bien, ressemble tant à la guerre. » Milan, le 14 septembre 1914. Mais l’Europe entre en guerre et, si le contrat originel fut signé avec des commanditaires viennois, l’ouvrage va subir quelques modifications. Il finira même son périple à l’Opéra de Monte-Carlo pour sa création le 27 mars 1917. Le ténor de réputation mondiale Tito Schippa était Ruggero.
Quelques mots sur la genèse de l’ouvrage. Après une succession d’atmosphères totalement différentes dont témoignent les chefs-d’œuvre de sa pleine maturité : de la bohème parisienne (La Bohème) à la Rome de 1800 (Tosca), du Japon contemporain alors (Madame Butterfly) à la ruée vers l’or en Californie (La Fanciulla del West), c’est l’épisode curieux du contrat qui fait suite : composer une opérette dans le style viennois ! à son idée cependant, soit : « un opéra comique à la manière du Rosenkavalier de Richard Strauss, mais en plus amusant, et plus organique » ! Ce sera La Rondine, L’Hirondelle, créé en 1917 au Théâtre de Monte-Carlo, œuvre à l’orchestration si délicate, toujours d’une constante inventivité d’écriture, sans énoncé fortissimo des grands thèmes, des conclusions en douceur, toutes les qualités, prémices des premières comédies musicales américaines, mais oui !
Le synopsis fait curieusement penser à La Traviata, les points de comparaison nombreux peuvent faire l’objet de toute votre perspicacité. Magda de Civry, maîtresse d’un riche banquier est éprise d’un jeune aristocrate, Ruggero Lastouc. Magda craint que la famille ne l’accepte jamais. Ruggero parvient à gagner l’approbation de sa mère, mais Magda, obéissant à son instinct, refuse de l’épouser…et s’en va, comme une hirondelle : une Traviata, mais qui ne meurt pas ! Pas de fin tragique ici.
Ce n’est pas un opéra dramatique d’accord, mais les véritables airs et moments de prouesses vocales au sein d’un discours continu sont là aussi. Ainsi, l’aria n’est plus une mise entre parenthèses de l’action mais partie intégrante de l’action elle-même. Il faut donc des “gosiers“ musiciens et à la hauteur de partitions voisines de Puccini. On n’est pas dans la création d’un opéra de second plan.
Le plateau vocal doit se hisser au plus haut. Il sera conduit par le chef Paolo Arrivabeni, tout comme les musiciens de l’Orchestre du Capitole, ainsi que le Chœur du Capitole placé sous la houlette toujours d’Alfonso Caiani. Keri Alkema n’est pas au rendez-vous et c’est donc Ekaterina Kabanova qui incarne Magda pendant que son amoureux Ruggero est Dmytro Popov, ténor qui nous avait impressionné favorablement dans le rôle de Riccardo d’un Bal masqué il y a trois ans. Dans le rôle du poète Prunier, on retrouve Luca Lombardo qui trouvera là un rôle moins éprouvant scéniquement c’est sûr que celui qu’il assumait, l’empereur Altoum, avec beaucoup de cran dans ce Turandot de sinistre mémoire. La charmante Lisette sera Elena Galitskaya qui, dans un récent Orphée et Eurydice fut qualifiée de si fraîche et si vive dans l’incarnation d’Eurydice. « Le rayonnement est tel, le personnage voulu est tellement présent, qu’elle emporte l’adhésion. » Des qualités que nous retrouverons sûrement dans ce rôle de soubrette. L’artiste fut même qualifiée d’éblouissante dans sa prise de rôle de Fiorilla dans Le Turc en Italie en 2016 à Dijon, une reprise de la production d’Aix.
Michel Grialou
Théâtre du Capitole
La Rondine (Giacomo Puccini)
du 17 au 26 novembre 2017
La Rondine © Patrice Nin
Ekaterina Bakanova © Georg List
Nicolas Joël © Elisa Haberer
Paolo Arrivabeni © Opéra Royal de Wallonie/Lorraine
Dmytro Popov © Anton Ovcharov