Ce sera pour le mardi 11 octobre. Ce retour correspond, à la sortie de son nouvel album “Call it what it is“, ainsi qu’à ses retrouvailles avec son groupe fétiche d’alors, The Innocent Criminals, album dans lequel il délivre un message pacifiste et évoque Michael Brown, le jeune Noir abattu par un policier en 2014 à Ferguson, dans le Missouri. Le musicien fait d’ailleurs référence à d’autres tragédies qui ont “épouvanté“ les américains. Il y a eu Trayvon Martin, un adolescent noir abattu par un vigile de quartier en 2012 en Floride, puis Ezell Ford, tué en août 2014 par la police de Los Angeles. Mais le cas de Michael Brown, 18 ans, abattu dans le Missouri deux jours avant Ezell Ford, a été « mon point de bascule, je me suis retrouvé dos au mur » explique Benjamin Chase dit Ben. Et ce n’est donc pas pour rien si son dernier album, studio, s’intitule ainsi, “Call It What It Is“.
Petit retour en arrière : Certains connaissent par cœur le parcours du Noir californien, si torturé, lecteur de la Bible, qui a découvert le blues à 8 ans en écoutant Hendrix. 1994, l’album Welcome to the Cruel World impose une nouvelle voix dans le paysage musical “étasunien“. Très vite, le monde entier découvre ce songwriter de la côte ouest, inventeur d’un mix “soul-blues-folk-pop“ d’une radieuse insolence. La France surtout, adoptera tout de go, cet artiste solaire, au visage alors d’adolescent, au regard voilé d’une immense tristesse, comme déjà revenu de mille expériences et existences.
Le cancre bien dans sa peau ne rêvait alors sur les bancs que de musique depuis l’apparition, en chair et en os, d’un certain Bob Marley. Ben a 9 ans. Tombé dans le chaudron familial au beau milieu d’un bric-à-brac instrumental, le Folk Music Center créé en 1958 par ses grands-parents, à Claremont en Californie, ses jouets favoris seront les guitares qu’il répare avec grand soin, et sur lesquelles, il gratte petit à petit. Il devient un véritable spécialiste de la “slide guitar“ dont on joue avec un “bottleneck“ ! genre de goulot de bouteille qu’on fait glisser sur les cordes. Il va tomber amoureux d’un modèle “hawaïen“ : la Weissenborn taillée dans du bois de Koa, d’une incroyable richesse sonore. Et il subjugue un certain Taj Mahal, qu’il va accompagner en tournée, puis il signe un premier album à 23 ans, remet au goût du jour folk et blues, flirte avec le reggae, le rock dur, tâte du gospel indianisant, du rock “stonien“, le tout animé d’un supplément d’âme qui donne une dimension quasi mystique à ses chansons.
Le métis œcuménique, cocktail singulier de sang noir, cherokee et juif lituanien, croit au pouvoir d’élévation de la musique. Si ses textes sont tour à tour mystiques, pacifistes, politiques, il ne faut surtout pas le rater sur scène, toujours vibrant de ferveur musicale et divine. Ah ! ces accords de guitare, aussi bien dans les partitions acoustiques que dans les effusions électriques incandescentes…cheveux dressés à coup sûr ou larmes assurées. Jouant assis, triturant corps et cordes de son instrument, il a l’air immense, dégageant un étonnant charisme qui vous fait fondre. Des sons brûlants à la fluidité déconcertante accompagnent le chanteur auparavant si réservé qui n’hésite plus à pousser sa voix, nous gratifiant de moments “chanté-chialé“ à l’effet saisissant. Ben Harper est unique ! Please, Ben, « pleasure and pain » !
Retour au dernier album, objet de sa tournée. Le titre-phare est une chanson poignante, au texte fort, et le timbre de voix aidant, c’est un très beau morceau. « Il faut appeler ça par son nom (call it what it is) : c’est un meurtre », lance Ben Harper à son sujet, à l’intro très blues, en citant le nom de ces trois jeunes morts dans l’Amérique de Barack Obama. « On ne parle pas suffisamment régulièrement de l’aspect racial dans notre culture. Ce n’est pas parce que vous ne regardez pas un problème qu’il disparaît », souligne-t-il, de sa voix calme et posée, et dont les concerts résonnent plus souvent d’appels à la paix qu’à la révolte.
« Barack Obama est un vrai symbole dans le monde, mais peut-être que chez certains, le fait d’avoir un président noir a suscité quelques frustrations », souligne le chanteur. Ses fans connaissent sûrement un de ses premiers succès, en 1994, que fut « Like A King », dans son premier album déjà cité, chanson où il évoquait Rodney King, un Noir passé à tabac en 1991 par des policiers à Los Angeles. L’acquittement de ces policiers, un an plus tard, avait déclenché de grandes émeutes dans la ville.
Les retrouvailles avec son ancien groupe, les Innocent Criminals, c’est un retour aux sources pour le musicien, une première depuis huit ans. Finies, les expériences avec, Fistful Of Mercy et Relentless Seven, l’harmoniciste de blues Charlie Musselwhite, ainsi que sa propre mère, Ellen Harper. Le très touchant album “Childhood home“ signait alors leur complicité. « Avec ma mère, nos voix sonnaient ensemble d’une façon qui n’aurait pas été possible avec quelqu’un d’autre. C’est la même chose avec ce groupe. On se connaît tous depuis plus de 20 ans. On se manquait mutuellement, nous avions encore des choses à dire en tant que groupe », explique le chanteur.
Michel Grialou
BEN HARPER & THE INNOCENT CRIMINALS
mardi 11 octobre 2016 à 20h00
ZÉNITH DE TOULOUSE