Ce médecin généraliste a tôt fait de se spécialiser dans la médecine sportive. Luc Dayan quitte la pratique médicale et devient rapidement un incontournable dans le domaine du football. Il y a vingt ans aujourd’hui, il produit un court métrage en hommage, déjà, à Jesse Owens et Carl Lewis. Réalisé par Pitof, ce film sera primé comme meilleur programme court mondial. En produisant un film aussi ambitieux que La couleur de la victoire, Luc Dayan se lance un nouveau défi. Cet homme d’action n’en est pas à son premier…ni à son dernier !
Ce film n’est pas un biopic de Jesse Owens.
Effectivement, le film ne retrace pas la vie de Jesse Owens. Il démarre quand Owens rentre à l’Université d’Ohio et rencontre le coach, Larry Snyder, qui va le préparer pour participer aux JO de Berlin, et se termine peu de temps après cet événement exceptionnel. Les faits qui y sont décrits, qui servent de trame au scénario du film, sont tous conformes à la vérité historique. C’est un film sur le sport, dont Owens est le héros certes, mais qui parle d’efforts, d’amitié, de chance, de compromissions, de manipulations…
Comment s’opère le rapprochement d’un producteur français avec une super production américaine ?
Je m’étais promis de tenter de faire ce long métrage il y a 25 ans, lorsque, filmant Carl Lewis pour Canal+ lors d’un meeting d’athlétisme, le parallèle a été fait avec Jesse Owens et ses 4 médailles d’or obtenues à Berlin. Une seule question m’a traversé l’esprit : quel « bug » avait pu permettre cette anomalie historique ? Comment un Noir avait-il pu se retrouver là-bas, à ce moment-là ?
J’ai surtout rencontré un producteur français, Jean Charles Lévy, qui a su trouver les solutions juridiques, financières, commerciales et créatives pour faire que ce long métrage existe. Le côté « production américaine » est dû au budget et à la qualité des professionnels qui ont œuvré, scénariste, réalisateur, photographes, acteurs, etc…On ne pouvait pas traiter un tel sujet autrement selon moi.
Pourquoi avez-vous décidé de participer spécifiquement à la production de ce film ?
Mon parcours professionnel assez atypique m’a permis de vérifier dans le sport et les médias ce que la médecine enseigne très tôt : L’humain est au centre de tout et doit le rester, malgré les systèmes qui veulent l’exploiter à des fins de propagande commerciale ou politique. Cette histoire en est l’illustration absolue.
Avez-vous été amené à contribuer, sur tel ou tel point, à la construction de ce film ?
J’ai été consulté à chaque étape, mais j’ai vraiment laissé les professionnels travailler. C’est un vrai métier que de fabriquer un long métrage.
Pour en venir au film, une chose est troublante. Alors qu’Hitler est omniprésent dans les faits et les pensées, il ne figure ici que sous la forme d’une silhouette fugace et muette. Pourquoi ?
Parce que Goebbels était le vrai maître d’œuvre de ces JO. Comme j’ai pu le constater dans d’autres événements de ce type, ceux qui « font » ne sont pas ceux qui sont sur la photo.
Le scénario conjugue avec une virtuosité magistrale événements sportifs et politiques. Quelle était l’ambition première du réalisateur ?
Faire un film de cinéma distrayant tout en étant fidèle à la réalité historique et en aidant le spectateur à replacer le film dans son contexte historique et en lui faisant sentir et comprendre que le film traite de sujets d’une grande actualité.
Quelle est la part du numérique dans ce film ?
850 plans sont truqués et le film est une prouesse en effets spéciaux pour recréer les 5 stades dans leurs détails historiques.
Sur quels critères avez-vous sélectionné l’interprète de Jesse Owens ?
Nous avons voulu rester fidèles à la réalité en termes d’âge car nous pensions que d’avoir un acteur âgé de 22 ans était la meilleure manière de préserver son authenticité en termes d’interprétation. Jesse Owens avait le même âge que Stephan James…
Ce film semble tenter une réhabilitation de Leni Riefenstahl…
Pas du tout. Simplement et comme beaucoup d’éléments dans ce film, il faut comprendre que nous ne sommes qu’en 1936…et que les personnages n’en sont qu’à leurs (tristes) débuts…
Pourquoi le Gouvernement américain a-t-il mis autant de temps à reconnaître Jesse Owens comme l’un des plus grands sportifs de l’histoire des Etats Unis ?
Parce que les ETATS UNIS, et l’actualité nous le montre tous les jours, est un pays encore très marqué par le racisme anti-noir.
A présent, quel est votre regard sur ce film ?
Je suis heureux et fier de l’avoir imaginé et de l’avoir porté, avec l’aide de tous ceux qui y ont cru, investissant temps et argent sans se préoccuper d’un éventuel « retour sur investissement ».
Propos recueillis par Robert Pénavayre
Dans la coulisse des JO nazis de 1936