Chaque mercredi, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir un film américain passé inaperçu lors de sa sortie.
Acteur, scénariste et réalisateur : Mike Binder, né en 1958 à Détroit, est l’un des talents les plus injustement méconnus, du moins sous nos latitudes. On lui doit une dizaine de long-métrages et aussi une série douce-amère, The Mind of the Married Man, qu’il a créée et interprétée à partir de 2001, le temps de deux saisons, pour HBO. La plupart de ses films n’ont pas eu l’honneur d’une sortie en salles chez nous à l’instar d’À cœur ouvert, en 2007 qui, en outre, pâtissait de la présence dans le rôle principal d’Adam Sandler, acteur comique très populaire aux Etats-Unis, à peu près inconnu en France, mais qui présente la caractéristique d’être méprisé quasi unanimement par la critique des deux côtés de l’Atlantique…
Pourtant, au fil de la longue filmographie de l’acteur, révélé comme tant d’autres (John Belushi, Dan Ackroyd, Bill Murray, Eddie Murphy, Will Ferrell…) par l’émission Saturday Night Live, se trouvent de véritables pépites aussi bien dans la comédie la plus débridée (l’irrésistible Rien que pour vos cheveux, Big Daddy, Quand Chuck rencontre Larry ou Copains pour toujours réalisés par le fidèle Dennis Dugan) que dans des tons plus nuancés (Punch-Drunk Love de Paul Thomas Anderson, Spanglish de James L. Brooks, Men, Women and Children de Jason Reitman ou le génial Funny People de Judd Apatow coécrit par Sandler et aux accents autobiographiques).
C’est précisément dans ce registre de la comédie dépressive que s’inscrit À cœur ouvert qui relate les retrouvailles entre deux anciens amis de faculté. Alan Johnson (Don Cheadle), père de famille comblé et dentiste associé au sein d’un prospère cabinet, aperçoit un jour au cœur d’un embouteillage Charlie Fineman qui fut son colocataire à l’époque de leurs études de médecine.
Ce dernier, juché sur une trottinette à moteur et un casque vissé sur les oreilles, s’échappe sans le voir. Depuis qu’il a perdu sa femme et leurs trois filles lors des attentats du 11 septembre, Charlie a tourné le dos à sa vie d’avant, coupé les ponts avec famille et amis, mais Alan le retrouve quelques jours plus tard et l’invite à prendre un café…
Mike Binder, également scénariste et qui s’est octroyé un petit rôle, n’a pas choisi la facilité avec cette histoire mélodramatique pouvant virer au pathos le plus larmoyant. À cœur ouvert évite cet écueil, notamment en décrivant la vie – ou survie – quotidienne de ce personnage qui ne cesse de repeindre et de réaménager son appartement, de se lancer dans d’interminables séances de jeu vidéo sur son écran géant ou de parcourir la ville à trottinette. Au contact d’Alan qui tente de le sortir de sa névrose et de son déni, Charlie ose d’autres distractions comme revoir pour la centième fois un film de Mel Brooks ou faire une jam-session sur The River de Springsteen avec son ami retrouvé.
Comme dans Les Bienfaits de la colère réalisé en 2002, Mike Binder crée un climat unique, entre névrose et tendre loufoquerie, entre rires et larmes. Une mélancolie soyeuse mêlée d’espérance se dégage de situations qui réussissent à surprendre sans se départir d’une grande délicatesse. Face à un Don Cheadle et des seconds rôles (Liv Tyler, Jada Pinkett Smith, Saffron Burrows…) remarquables, Adam Sandler campe magnifiquement cet être qui préfère vivre au seuil de lui-même car il fait trop sombre à l’intérieur.