« Lost River », un film de Ryan Gosling
Non mesdemoiselles, ne fantasmez pas plus longtemps, dans Lost River vous ne verrez pas votre acteur canadien préféré en tenue d’Adam ! Plus simplement et comme il est d’usage dans un premier long métrage, il n’est rien de dire qu’il dévoile totalement… sa personnalité. Une sorte de mise à nue de sa psyché. Et les premiers longs sont passionnants à cause de cela. Bien sûr, il est possible de trouver çà et là quelques imperfections, ou plutôt des facilités, voire des « références » ou des « hommages à… ». Peu importe finalement. L’essentiel réside ici dans un film passionnant que ce comédien de grand talent, découvert en 2011 dans Drive, porte en lui depuis longtemps. Detroit, une ville frappée tout à la fois par le déclin de son industrie automobile et par la crise des sub primes. Rien n’est plus vrai, tout comme les quartiers entiers de cette immense ville aujourd’hui voués à l’abandon et devenus des zones de non droit. C’est là que Billy (Christina Hendricks) tente de survivre pour élever ses deux garçons. L’aîné, Bones, ramasse de vieux métaux et les revend comme il peut. Il va devoir pour cela affronter un voyou qui veut faire main basse sur cette manne. Ryan Gosling plante sa caméra dans ce décor post apocalyptique d’une ère industrielle et financière qui explosa entre les mains de ceux qui l’avaient créée. Dans son violent réquisitoire, le réalisateur infiltre la touche d’un fantastique ancré dans son plus jeune âge, en fait l’histoire de ces villes englouties et de ces immenses routes qui finissaient…dans l’eau. Ce sont des moments oniriques et poétiques qui nous font évader d’un quotidien beaucoup plus sordide. Ce quotidien c’est celui de Billy, obligée, pour payer ses échéances, de participer à des shows d’un goût douteux dans lesquels elle simule d’atroces tortures. Pas de stars à l’écran (quel plaisir !), des couleurs, des lumières et des cadrages à couper le souffle, un remarquable sens du rythme et de l’angoisse pour cette plongée en apnée dans le cauchemar américain au fond duquel brille, malgré tout, une petite lumière…
Robert Pénavayre