Quand le western ne se prend plus au sérieux
Yeux bleus, mâchoire carrée, il roule vers le Far West, en train bien sûr. John Reid a tout du justicier sauf qu’il est avocat et qu’il se vaccine tous les matins aux droits de l’Homme. Pour lui, hors de question d’envisager une justice expéditive comme elle se pratique à longueur de journée dans ces contrées. Le destin va en décider autrement. Laissé pour mort lors d’une embuscade, il va être « ressuscité » par un indien au look bizarre. Il s’appelle Tonto. Seul depuis que sa tribu a été exterminée par les Blancs, il vit dans l’espoir de se venger. Ce duo plus qu’improbable va partir à la recherche des criminels. Le réalisateur nous met alors le pied à l’étrier pour une chevauchée de 2h30 ininterrompue dans laquelle le suspense (si l’on veut), l’action (permanente), les rebondissements (à la pelle), l’émotion (pas trop quand même), l’humour (par wagons entiers), se conjuguent à une maestria qui frise la virtuosité technique. Il aura fallu pas moins de sept mois pour tourner ce film dont plus de la moitié est en véritable décors, une rareté aujourd’hui au milieu de blockbusters entièrement numérisés. Sans parler de cascades qui nous font revivre le meilleur de John Ford et autres Sergio Leone. Résultat, le vieux charme du western opère. Et nous voilà totalement sous la magie de ces paysages qui ont fait la légende du style. Les scènes « obligées » sont bien au rendez-vous, depuis la charge des bisons jusqu’au saloon, en passant par une autre charge, celle de la cavalerie, sabre au clair, le campement indien, la danse du feu, l’attaque de la banque, l’explosion du viaduc en bois (de préférence lorsque le train à vapeur passe dessus) et la figure du vengeur masqué, hautement symbolique d’un genre. C’est déjà pas mal, mais ce n’est pas tout. Derrière cette grande machine, un scénario qui évite la naïveté s’est infiltré. Où il est question du rapport des Indiens avec la Nature, de la sagesse de ceux-ci face à la corruption qui gangrène le camp des Blancs, politiciens, hommes d’affaire, militaires, de discours lénifiants visant en contre-champ à la spoliation des richesses contenues sur les territoires indiens, etc. La liste est longue des turpitudes ayant amenées la quasi extinction de ces races auxquelles Johnny Depp appartient puisqu’il a du sang Cherokee dans les veines. C’est lui Tonto, un narrateur que l’on découvre empaillé dans un musée (belle trouvaille d’ailleurs !). En côtoyant John Reid, alias Lone Ranger, il découvre avec stupeur ce que la « civilisation » peut entraîner comme égarement dans les lois naturelles. C’est le jeune Armie Hammer qui lui donne la réplique dans son statut de justicier masqué, une réplique coulée dans le bronze des règlements administratifs à hurler de rire, d’autant que le style « keatonien » de Johnny Depp n’engendre pas forcément la mélancolie. Et lorsque l’ouverture de Guillaume tell (la chevauchée finale) s’en mêle, vous vous retrouvez debout sur votre fauteuil !
Spectaculaire, réjouissant, divertissant. Peut-être bien LE film de cet été 2013.
Robert Pénavayre
Gore Verbinski – Son prénom signifie : sanglant !
Ancien leader de groupes punk, l’Américain Gore Verbinski, le demi-siècle l’an prochain, s’est taillé un costume de star de la caméra en tournant les trois opus de Pirates des Caraïbes. Il n’a pas attendu ces longs pour être connu car il fut largement récompensé dès le début de sa carrière comme réalisateur de films publicitaires. En 2012 il tournait son seul film d’animation : Rango, un petit chef d’œuvre de parodie du western. En ressortant Lone Ranger, héros radiophonique américain des années 30, il pensait bien, avec Disney et Jerry Bruckheimer (les producteurs) mettre la main sur le filon d’une franchise. Les Studios Disney étaient réticents pour mettre les 240 millions de $ sur la table. Ils avaient raison, ce film est un flop colossal aux Etats Unis. Le n°2, prévu pourtant, a du plomb dans l’aile…
RP