L’humoriste de France Inter sera sur la scène du Casino Barrière pour “Le Sens de la vie”, un spectacle humoristique à sa façon et qu’il estime loin du “TedX et de la conférence de développement personnel”, malgré ce que le titre pourrait laisser croire.
À bien y regarder, le stand-up est un art simple et codifié : un être humain seul sur scène, avec un micro dans les mains et des projecteurs dans les yeux, raconte sa vie et interagie en direct avec le public. La discipline fut un temps réservée à une poignée de blaguistes défiant les normes, avant de devenir à la mode dans les clubs des capitales du monde entier et de, finalement, finir par se démocratiser à outrance dans presque tous les comedy club.
Alors, à force, le spectateur moyen pourrait se dire qu’il a compris le principe. Qu’il a tout vu, tout entendu et que le stand-up est l’équivalent moderne du théâtre de boulevard où les thématiques éculées, mais divertissantes, se télescopent sans fond réel ni originalité flagrante. Pourtant, toujours, des comiques sortent du lot.
L’art du storytelling
C’est le cas d’Alexis Le Rossignol. Le Deux-Sévriens se démarque à sa façon dans la sphère de l’humour mainstream. À la fois très universel par le choix de ses sujets et original par la rythmique flegmatique de ses textes, Alexis se définit finalement par un univers qui rappelle ce qu’est un stand-uper à l’origine : un passeur d’histoires.
Le grand public l’a découvert sur les ondes de France Inter, où il contait chaque semaine des bouts de vie remplis de dérision et de traits d’esprit faussement naïfs. Seulement, cela fait un moment qu’il ne se contente plus des quatre minutes du format chronique. Il prend un spectacle entier pour narrer ce qu’il a sur le cœur. Dans Le Sens de la Vie, celui qui a voyagé à travers le monde mais passe aujourd’hui ses journées à lire, espère faire rire et réfléchir, d’abord l’un puis l’autre, en abordant avec nonchalance les réflexions qui pourraient entourer la crise de la quarantaine.
Entretien avec Alexis Le Rossignol
À quoi doivent s’attendre les spectateurs qui viendraient voir votre spectacle sans vous connaître ?
C’est une bonne question. Beaucoup viennent me voir parce que j’ai été offert pour Noël ! Les gens font un cadeau, mais se trouvent un accompagnant en fait. Ces personnes-là, en général, me disent avoir l’impression d’avoir passé la soirée avec un copain qui leur raconte des anecdotes, en toute détente et spontanéité. Comme si ce n’était pas écrit.
Dans la forme, on retrouve les codes du stand-up. Dans le fond, il y a beaucoup de storytelling. Je pars de moments d’existence pour évoquer des réflexions philosophiques sur le sens de la vie, le titre du spectacle. Par contre, ce n’est pas un TEDx ! C’est drôle et universel, mais j’aime bien quand on peut aller plus loin que la seule lecture premier degré du rire.
Il se dit que le spectacle a été inspiré par une leçon de vie que votre oncle, atteint d’un handicap, vous a donné sur son lit de mort. Mais vous avez retiré cette partie du spectacle…
J’ai compris une chose : c’était anxiogène d’en parler sur scène. Même pour moi ! Dorénavant, je ne l’évoque qu’avec les journalistes qui s’intéressent aux origines du titre. Ce sujet est complètement sorti du spectacle. Je ne voulais ni être moralisateur ni larmoyant. Je veux faire rire, mais qu’on se dise après coup qu’il y avait des réflexions intéressantes. Par exemple, j’invite à prendre les choses avec légèreté, même face aux aléas de la vie qu’on ne maîtrise pas… Le rire reste un outil de résilience surpuissant.
Vous versez dans le Stoïcisme ?
C’est plus proche de la vision de Camus sur l’absurdité du monde ! La révolte passe par le rire et non pas l’autoflagellation. Je pense qu’il faut accepter nos lacunes et avoir de l’autodérision. Il y a beaucoup d’injonctions dans la société : la réussite, la santé, le résultat, l’amélioration personnelle… Alors qu’on est ce qu’on est et qu’il faut faire avec. On trimballe tous notre lot de difficulté, comme un sac de pierres trop lourd. Plus on cherche une méthode pour s’en sortir, plus on tergiverse sans y parvenir. Ce sont les limites de la philo. À trop penser, on ne fait rien. Je crois que l’idiot du village a raison de l’être.
On est très loin des doctrines du développement personnel !
Je suis allé voir un spectacle de développement personnel, par curiosité. J’ai détesté l’aspect culpabilisant. Le changement n’est pas forcément en toi quand t’as trois enfants et un SMIC ! Le temps, l’argent, la force… Ce sont des choses qui peuvent manquer.
Quel est votre passage préféré de votre spectacle ?
À un moment, je raconte la réparation de ma chaudière pendant dix minutes. Un plombier rapplique chez moi et m’annonce un devis hyper élevé ! Voyant ma tête estomaquée, il me dit que je peux la réparer par mes propres moyens. Il m’envoie même des tutoriels sur Youtube ! Et je me retrouve à essayer…
Comment vous définirez votre style d’humour ?
C’est dur à dire, on ne se voit pas extérieurement… Je dirais que je suis un raconteur d’histoires. Il y a cette grande question : “peut-on rire de tout ?” qui revient souvent. Je dis que oui, on peut même rire d’un roulé au jambon, de flan, de miel, et je trouve que c’est un exercice sympa d’écrire sur des choses futiles du quotidien. J’ai un poivrier devant moi. Suis-je capable d’en faire un texte ? Ce sont des petits défis qui me viennent et que je me donne. Surtout, quand je parle de roulés aux jambons, j’évoque l’enfance, les supplices de la cantine, j’essaie de ne pas aller dans l’attendu pour que les gens ne sachent pas si je suis sérieux ou non, si c’est du lard ou du cochon !
A propos de nourritures, les gens vous apportent souvent de quoi manger à vos spectacles ! Est-ce obligatoire de venir avec une offrande ?
Ahahaha, non ! Les gens pensent que je n’ai pas les moyens de me payer à bouffer, alors ils me laissent des spécialités locales à la fin du spectacle… Plus sérieusement, j’ai un public unique. Ce rituel s’est instauré tout seul, c’est spécial, je ne crois pas que d’autres humoristes reçoivent des paniers gourmands, des fringues, des tableaux ou des livres sur scène.
Comment est-ce devenu une coutume ?
Je n’ai jamais rien demandé. Initialement, je jouais en Bretagne et les organisateurs avaient mis tout un tas de denrées locales dans ma loge. J’ai pris une photo pour Instagram en disant qu’il n’y avait pas plus généreux que les Bretons. La semaine suivante, je jouais en Normandie… Les spectateurs croyaient que leurs rivaux m’avaient donné de la nourriture sur scène, alors ils ont voulu faire pareil. Je me suis retrouvé avec plein de victuailles dans les bras. J’ai filmé et mis ça en ligne… Une tradition était née !
Vous venez de quitter le confort de France Inter…
J’ai expliqué mon départ dans ma dernière chronique. J’aurais pu profiter de l’effet Guillaume Meurice, mais cela n’aurait pas été honnête. Après, je reviens pour une chronique de temps en temps. En fait, j’avais du mal avec ce qui m’est imposé, faire rire chaque semaine, le vendredi à 11h… Il y a des fois où je n’ai rien de spécial à dire, je n’ai pas envie de parler et les spectacles me suffisent. Par contre, je remercie beaucoup France Inter pour m’avoir accueilli pendant six ans.
Quels sont les prochains projets ?
Maintenant, je suis à la cool, je bricole. Je ne suis pas dans le top des humoristes, mais je suis bien quand même. Je fais de grandes salles et cela me suffit. Je suis de nature un peu indépendante et solitaire, je ne cours pas après l’argent. On me demande si le cinéma m’intéresse. D’un côté, je veux découvrir. De l’autre, c’est beaucoup de contraintes… Je suis bien là. Il y a des journées où je ne fais rien. J’aime bien.
Nagui m’a demandé comment je me sentais. Je suis heureux, parce que j’ai du temps pour moi. Je vois bien la carrière de ceux qui sont partout, je vois leur rythme de vie, ça ne me fait pas envie. Je me contente de peu. Je n’ai pas d’aspiration ni le goût du luxe et j’ai eu ma dose de grands voyages. Avoir du temps pour bouquiner me suffit et c’est très bien !
Alexis Le Rossignol sera au Casino Barrière (Toulouse), le mercredi 12 février 2025 à 20h30.