Brique d’or
Avant d’aborder le sujet proprement dit, sachez qu’à Toulouse nous avons la brique, rose dit-on. Eh bien, nous aurons dorénavant la Brique d’or, ou d’argent, ou de bronze, ou…d’argile, et pourquoi pas de sable. D’autres ont bien les Diapasons, ou les étoiles, ou les clés.
Donc, voici notre première Brique d’or pour tous les amateurs de musique baroque ou pour ceux qui veulent la découvrir. C’est un achat sans modération.
Il est grand, Max-Emmanuel Cencic dans Haendel. Il est dans la musique du « Saxon » comme un poisson dans l’eau se jouant des difficultés avec une aisance confondante.
Mais , commençons par le chef des troupes : George Petrou et son Armonia Atenea et The City of Athens Choir. Retenez bien ce nom ! Le chef grec est on ne peut plus présent. Le manque d’exubérance qui pouvait lui être reproché alors n’est plus d’actualité. C’est efficace, cela avance, cela ne bouscule pas pour se transformer en précipitation, cela respire, vitalité, passion, sens aigu des contrastes, en un mot, c’est mené de main de maestro. Le résultat est du point de vue du style juste et surtout, très convaincant. On ne s’ennuie pas un seul instant dans ce dramma per musica en trois actes, le premier opéra du compositeur écrit en 1726 pour le trio vedette en son temps, et infernal, le castrat Senesino et les deux divas Francesca Cuzzoni et Faustina Bordoni.
Côté distribution, il vous suffirait d’écouter le CD3 pour rendre les armes. Le contre-ténor croate dans son registre d’alto est stupéfiant d’aisance avec une technique remarquable acquise depuis l’enfance, mais oui. Sachez pour l’anecdote qu’il se produisait alors dans les arias de la Reine de la nuit de La Flûte enchantée ! Avec des graves bien consistants et des aigus faciles, il a de plus une projection puissante qui rend l’écoute réjouissante. Les airs de bravoure à tendance pyrotechnique sont « avalés » tout cru. Tout cela est fort beau et sensible.
L’aria, Prove sono di grandezza en est une formidable illustration.
Mais ça n’est pas tout. Il y a ces deux princesses qui se disputent le bel Alexandre, Rossana et Lisaura. La première, c’est la soprano Julia Lezhneva dont le timbre est une pure merveille, une voix d’ange, une technique sans faille et tout ça, à 21 ans à peine au moment de l’enregistrement. Ecoutez l’aria Brilla nell’alma. La deuxième, c’est la soprano Karina Gauvin au timbre beaucoup plus profond et charnu qui se joue de toutes les difficultés, sûrement clin d’œil à l’appui. Ecoutez L’amor, che per te sento.
Que faut-il d’autre pour vous convaincre s’il en était besoin ? Que vous aurez à cœur de bien écouter un emploi dit secondaire, Cleone et son aria Saro qual vento che nell’incendio spira. Il est chanté par un contre-ténor russe Vasily Khoroshev qu’il va falloir sérieusement…surveiller ! Il n’y a pas une seule défaillance dans les autres éléments de la distribution. Le meilleur moyen de se rendre compte ainsi qu’Alessandro méritait toute notre attention autant qu’un Tamerlano ou Rodelinda ou Giulio Cesare.
Michel Grialou