J’ai déjà écrit, quand c’est beau, c’est beau. Et parler d’un spectacle dans lequel tout paraît couler de source après sûrement un travail considérable, avec un tel résultat, est un exercice très intimidant. Un spectacle de ballet ? Non, plus que cela. Comme une leçon de vie… et d’après, une vision panthéiste du monde et de la mort. Il faut voir et écouter cet adieu passionné à la vie et aux joies de la terre, cette plainte douce-amère comme un désir de l’au-delà qui frémit dans Le Chant de la terre. C’est signé, John Neumeier.
Le dernier tableau, d’une profonde émotion est sur des vers conclusifs personnels, bouleversants de Mahler : « Mon cœur est paisible et attend son heure. Partout la terre bien-aimée refleurit au printemps et reverdoie. Partout, et éternellement, éternellement des lueurs bleuâtres scintillent à l’horizon. Éternellement…
Que dire, ou écrire en effet après un tel spectacle ? Balanchine disait : « Danser, c’est donner à voir la musique. » Tout subjugue dans cette pièce maîtresse du chorégraphe américano-allemand John Neumeier. On n’oublie pas qu’il est immergé dans l’univers mahlérien depuis plus de soixante ans. Et la musique de Gustav Mahler, sans parler de l’homme en lui-même, n’est pas parmi le plus, disons, facile. Du compositeur autrichien, Le Chant de la terre n’est pas la plus aisée à interpréter, non plus.
Ce qui peut être évoqué en premier, me semble-t-il, c’est bien, sûrement, la fascination exercée par le danseur-chorégraphe sur tous les intervenants. Les ondes positives semblent zébrer le plafond du Théâtre. Le résultat ? Nos sens et nos émotions en tant que spectateur sont tenus en éveil, capturés à chaque instant. Nicolas André a la tâche très difficile et doit régler le ballet, les musiciens et l’intervention des deux chanteurs, Airam Hernandez et Anaïk Morel. Mission accomplie. Accord parfait entre les treize musiciens, les deux solistes et danseuses et danseurs. La succession des différents tableaux est un enchantement. Une fluidité confondante, une gestuelle de chacun suscitant l’admiration. Tout comme l’expressivité de chacun des visages. Aucune violence de nulle part. Rien de brusque et pourtant, les soubresauts des temps présents semblent bien convoqués, prenant la place de ceux de 1908.
On se dit que, côté décors, il ne pouvait en être autrement. Pareil pour les différents costumes et les couleurs choisies au fil des tableaux. (On n’oublie pas que les poèmes sont chinois.) Sans parler du travail côté lumières. John Neumeier s’occupe de tout et nous impressionne, vraiment. Et dans la foulée, le Corps de ballet. Il pourrait même nous sembler que, gracieuses jeunes filles et fiers et beaux cavaliers découvrent n’avoir jamais dansé de la sorte ! (4 : Von der Schönheit : De la beauté), Je rajouterais, avis personnel que, de par sa performance, une étoile de plus semble avoir gravi la dernière marche pour rejoindre le ciel “capitolin“. C’est une devinette…… Regard, gestuelle, musicalité, le danseur éclabousse. « Mon cœur se tait, il attend son heure ! » entend-on dans l’Adieu : prémonitoire ? »
Article d’annonce : Événement au Capitole, le Ballet danse sur du Mahler dans une chorégraphie de l’immense John Neumeier. Cliquez ici