Un petit tour en Vénétie avec Jordi Savall à la tête de la Capella Reial de Catalunya et du Concert des Nations pour nous interpréter les Madrigali guerrieri et amorosi, Libro ottavo (1638). Ce sera le lundi 10 janvier 2022 à 20h au Théâtre du Capitole.
Jordi Savall, fut nommé en 2008, Ambassadeur de l’Union Européenne pour un dialogue interculturel et, alors aux côtés de Montserrat Figueras, « Artiste pour la Paix » dans le cadre du programme « Ambassadeurs de bonne volonté » de l’Unesco. Bientôt octogénaire, infatigable chasseur de trésors, champion des musiques rares et oubliées, le chef et violiste de gambe poursuit sa quête de beauté et de vérité, véritable messager de toutes ces musiques anciennes qu’il chérit et rend tellement plus présentes. Sa très impressionnante carrière musicale, qui ne peut se résumer en deux lignes, a été couronnée de récompenses et de distinctions tant nationales qu’internationales.
À côté des instrumentistes, nous aurons comme chanteurs, les sopranos Monica Piccinini, Maria Cristina Kiehr, le contreténor Alessandro Giangrande, les ténors Raffaele Giordani, Lluis Vilamajó, le baryton Furio Zanasi et la basse Salvo Vitale, Jordi Savall Altus, basse de viole et direction.
À l’honneur de ce concert exceptionnel, c’est une forme musicale vocale et profane qui suscita l’une des évolutions les plus frappantes de l’histoire de la musique : le passage de la polyphonie de la Renaissance à la mélodie accompagnée de l’ère baroque. C’est le madrigal. À ce genre musical, Monteverdi va y consacrer huit livres, comportant au total deux cents titres. Au fur et à mesure, on peut suivre l’évolution gigantesque de son style jusqu’au dernier, l’Ottavo, le Huitième livre dans lequel triomphe la monodie accompagnée. Le penseur musical devient de plus en plus maître de sa technique et affranchi définitivement des formes rigides où s’était enserré le madrigal. Il fut ainsi le trait d’union entre le madrigal et l’opéra et celui qui ouvrit le chemin nouveau au drame lyrique.
Le madrigal. De forme souple, parfois improvisé, comparable au début à la chanson française, avec couplets et refrain, le madrigal ne demande que peu de chanteurs et instrumentistes. La vogue s’en répand des capitales à la moindre cité. Des cercles « d’avant-garde » se forment qui se piquent de trouvailles dont ils préservent les secrets. Ils ont des noms d’équipes du Calcio : les Intrepedi de Ferrare, les Invaghitti (les Entichés, amoureux) de Mantoue, les Animosi (les Audacieux) de Crémone, les Floridi (les Florissants) de Bologne… Bientôt, ces petites pièces à voix mixtes enchantent les plus beaux poèmes de Pétrarque, Michel-Ange, ou Torquato Tasso, ou encore Le Tasse, ce dépressif, malade de la persécution qui inspirera les madrigaux les plus exaltés de Claudio.
Le jeune Monteverdi va composer et publier des Madrigaux spirituels, des Canzonette à trois voix, des Madrigaux à cinq voix…Plus tard encore des Livres de Madrigaux jusqu’au Huitième. Ses mélodies respirent, s’élancent avec des émotions de plus en plus naturelles, des dissonances de plus en plus étonnantes et fruitées… . Claudio va déchirer, détruire, brûler quantité de madrigaux, d’œuvres de circonstance, des pans entiers d’opéras, car il ne veut livrer à la pérennité que la fine fleur de sa farine. Toutefois, il faut aussi…gagner sa vie, donc il faut se soucier des parutions pour que les amateurs ne vous oublient pas.
Les Madrigaux guerriers et amoureux furent publiés à Venise en 1638, dix-huit ans après le Livre VII donc, un long intervalle durant lequel, le compositeur a dû travailler, étudier, réfléchir. Certaine pièces incluses dans ce Livre VIII existaient auparavant. Mais il s’agit sans aucun doute du recueil le plus élaboré et le plus vaste parmi ceux que Monteverdi publia dans sa vie. C’est aussi celui dans lequel se trouve réalisée l’application pratique de ses théories à travers le déploiement de forces tout à fait inhabituelles, des grands ensembles vocaux accompagnés par un nombre imposant de cordes, jusqu’aux pièces pour voix seule. Un travail de compilation que certains rapprocheront de celui fait pour les pièces de musique sacrée avec la publication de la Selva Morale.
Avec Monteverdi, on dit, adieu à une musique alors préconçue, détachée de la réalité et liée uniquement à des règles indiscutables, et vive l’art de forger la musique selon le pouvoir évocateur des mots et donc la vérité de l’âme humaine, une musique dans laquelle tout homme puisse reconnaître ses passions et ses émotions. L’individu donc, et plus la collectivité ; l’instabilité au lieu de la règle. Par exemple, dans le Livre VIII, se trouve le madrigal Ninfa che scalza il piede (à une voix avec basse continue) dans lequel Monteverdi a pris soin de prévenir l’exécutant qu’il ne faut pas battre la mesure régulièrement.
Sur l’appellation de ces madrigaux, Claudio Monteverdi en fait une très longue Préface dont on vous livre juste quelques mots : « …L’expression guerrière retrouvée par moi m’a incité à composer quelques madrigaux dans ce genre. J’ai dénommé ces madrigaux Madrigali guerrieri. Or, comme on a coutume à subdiviser la musique qu’on joue dans les cours princières en musique théâtrale, orchestrale et musique de danse, j’ai indiqué les trois genres compris dans mon recueil en les déterminant sous le titre de guerriers, amoureux et représentatifs. Sachant bien que… ». Le 1er octobre 1639, de Rome, André Maugars, musicien du cardinal de Richelieu, dans sa Réponse faite à un curieux sur le sentiment de la musique d’Italie dira, après lecture des derniers Livres et autres productions de Monteverdi, « …je m’oblige à vous le proposer comme un des premiers compositeurs du monde … »
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