Barbaque, le nouveau film réalisé par Fabrice Éboué est actuellement en salles. De passage au dernier Fifigrot, j’ai pu parler avec lui de sa cinéphilie. Voici « Les films que j’aime » de Fabrice Éboué.
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Le film qui vous a causé votre premier choc cinématographique.
Je pense que c’est Le Bon, la Brute et le Truand, j’étais très jeune. Mon père est un immigré d’Afrique, où les personnes sont souvent très pudiques. S’il y avait le moindre bisou dans un film, on éteignait la télévision, ou on changeait de chaîne. Mais paradoxalement, mon père était un fan absolu de Sergio Leone, où il y a des scènes d’une violence inouïe, comme dans Le Bon, la Brute et le Truand, mais là, c’était très bien, car il n’y avait rien de sexuel : on pouvait voir quelqu’un se faire défoncer la gueule, mais surtout pas un bisou à l’écran. J’ai grandi avec l’émission La Dernière Séance, tous les westerns, surtout ceux qui sont dépourvus de toute scène de sexe : les westerns spaghettis avec Sergio Leone en tête de file, que ce soit Le Bon, la Brute et le Truand, ou Il était une fois dans l’Ouest, avec beaucoup de violence et de cruauté.
Le film qui vous a fait dire « je veux être réalisateur ».
C’est très amusant, mais je suis devenu réalisateur par accident. J’ai toujours un peu honte de le dire, par rapport à des gens dont c’est le rêve depuis tout petit, qui ont fait des écoles de cinéma. Je fais Inside Jamel Comedy Club, cette série avec Blanche Gardin, qui plaît beaucoup, et derrière, on me demande si je veux faire un film, si j’ai un pitch. Je dis oui. Je ne savais même pas ce qu’etait une équipe de cinéma, ni un chef-op. Donc je prends quelqu’un qui le fait avec moi à l’époque, Lionel Steketee, et j’avance comme ça. Petit à petit, j’apprends, parce que je suis un passionné, mais pas une seconde dans ma vie, j’ai pu avoir un film qui me donne l’envie d’être réalisateur. Même comique, je le suis devenu par accident.
Le film que vous offrez le plus.
À l’ère du numérique, on n’en offre plus beaucoup. J’ai tendance à offrir plus des classiques du cinéma français, pour les redécouvrir. Je trouve qu’il y a plein de petits films de cette époque un peu anar. Je parlais de Joël Séria : j’ai offert récemment le coffret de ses films, avec Les Galettes de Pont-Aven, Comme la lune, Ne nous délivrez pas du mal, Charlie et ses deux nénettes.
Le film que vous ne vous lassez pas de revoir.
Il y en a plusieurs, mais quand j’ai besoin d’un petit coup de rire, un petit coup de mieux, je regarde C’est arrivé près de chez vous.
Le film qui vous fait dire « il devrait être obligatoire au Bac ! ».
Il y en a un, en termes d’abnégation peut-être, qui pourrait être moteur, c’est Whiplash de Damien Chazelle. D’abord parce que c’est un chef-d’œuvre au niveau de la simplicité, de l’efficacité, l’écriture est incroyable, la mise en scène aussi. On n’en a pas eus tant que ça ces dernières années.Dire à des gens « je vais vous mettre deux heures dans une salle pour parler de batterie », ça doit parler à dix personnes dans le monde, et tu sors de là, tu as pris une claque monumentale. Je l’ai vraiment conseillé à beaucoup, même à mon père, qui va au cinéma une fois tous les vingt ans, il a trouvé le film monumental.
Le film qui vous fait dire « c’est mon histoire, ça ! » (un film dont vous êtes le réalisateur serait une réponse trop facile).
Encore Whiplash, parce que j’ai tellement été élevé par mon père avec cette matrice avec le côté obsessionnel « il faut être le meilleur dans ce qu’on fait », ne pas lâcher l’affaire. C’est pour ces raisons que j’ai dit à mon père d’aller le voir.
Le film dont vous avez repoussé le visionnage à cause d’un gros préjugé et qui vous fait dire « les préjugés, c’est tout pourri ».
Le premier film réalisé par Franck Dubosc Tout le monde debout. Nous avons le même agent qui me propose d’aller voir le film en avant-première. J’aime beaucoup Franck Dubosc, mais je pensais que ce n’était pas mon style. Il m’a dit que j’allais être agréablement surpris. Et donc, sur les conseil de notre agent, j’y vais avec une amie, et j’ai trouvé le film super.
Le film que vous n’avez jamais rendu à son propriétaire… d’ailleurs, il peut toujours courir pour le récupérer.
Il me semble que j’ai volé un petit Festen.
Le film qui vous fait voyager et qui vous a décidé à aller dans les lieux décrits.
Tous les westerns dont j’ai parlés. Dès que je suis allée dans l’ouest des États-Unis, j’ai été voir les paysages de mon enfance où il y avait les cowboys et les indiens.
Le film qui vous enracine.
Je ne suis pas Antillais du tout, mais comme ce sont mes parents qui me l’ont fait voir, et que j’aime beaucoup cette réalisatrice, je dirais Rue Cases-Nègres d’Euzhan Palcy.
Le film qui devrait être remboursé par la sécurité sociale.
Outre C’est arrivé près de chez vous… Il n’a pas eu un grand succès, mais je me suis vraiment tordu de rire devant Joyeuses funérailles, une comédie britannique. Il n’a pas été vu énormément en France, il a eu une adaptation américaine. Je n’étais pas au top quand je l’ai vu, et il m’avait mis une patate d’enfer.
Le film qui ne vous quitte pas.
Il y en a un, parce que je me refais toujours la scène finale parce que je la trouve grandiose, et que c’est la grande fin des films de guerre : La Horde sauvage de Sam Peckinpah. Il y a deux moments dans ce film qui sont des chefs-d’œuvre du cinéma : quand ils quittent le village avec la haie d’honneur faite par les villageois, et la scène finale qui est une boucherie monumentale. J’aime me faire ces deux moments séparément.
Le film dont vous pouvez réciter des dialogues par cœur (non… un film dont vous êtes le réalisateur serait une réponse trop facile).
C’est arrivé près de chez vous. Je pense que je peux connaître le film par cœur.
Une preuve ?
La première chose qui te saute aux yeux ? Des briques ! C’est les briques rouges ! Et le rouge c’est la couleur de quoi ? Le rouge c’est la couleur du sang, le rouge c’est la couleur des indiens ! C’est la couleur de la violence, hein ! Alors que le fléau de notre société, et tout le monde s’accorde à le dire, est la violence, ils vont te foutre des briques rouges ! Mais le rouge c’est aussi la couleur du vin, mon vieux ! Le vin, qui dit vin dit pot-de-vin ! Parce que tout ça, c’est magouille et compagnie, c’est politico… je ne sais pas tout quoi, mais tu vois, c’est des histoires de fric ! Ça, ça me désole ! Attention tu vas n’importe où avec ta caméra.
Bien joué !
Le film qui est votre dernier coup de cœur.
Drunk de Thomas Vinterberg. C’est le dernier très bon film que j’ai vu, très réussi. C’est marrant, car ça fait longtemps que moi aussi je veux écrire sur l’alcool. Il l’a fait d’un point de vue qui est très intéressant.
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