Carole Fives publie Térébenthine aux éditions Gallimard. Le parcours de trois jeunes qui rêvent de devenir artiste-peintre.
Dans son dernier roman, Tenir jusqu’à l’aube, Carole Fives suivait une mère au désir brûlant d’évasion. Ce livre était tendre et bouillant à la fois. Il n’en fallait pas plus pour avoir envie de se ruer sur le dernier roman paru, Térébenthine. Le sujet est tout autre : l’art. Ou plutôt la place laissée à l’art. Ou encore plus précisément la place laissée aux femmes dans l’art. Et là, c’est tout un questionnement qui méritait un roman documenté et intelligent.
Ils sont trois jeunes, la narratrice, Lucie et Luc. Ils étudient la peinture à l’université et rêvent de devenir artistes. Mais l’époque semble définitivement bouder cette orientation qui paraît inutile ou fantasque. Bref, pas sérieux du tout. Pourtant les trois amis ne le voit pas ainsi, ils ont envie de créer, d’interpeler le monde. De montrer et agir. D’abord, ce sera en cours qu’ils élèveront leur voix. Surtout les filles qui ne comprennent pas pourquoi si peu de femmes figurent dans le programme. Et leurs travaux, leur voix, leurs révoltes, elles ne comptent pas ? Le professeur, afin de réparer cette injustice, les conviera à présenter les artistes femmes – terme tellement archaïque – qui ont leur place dans l’histoire de l’art. Mais à peine un combat est gagné qu’il faut en affronter un autre.
Et s’il n’en reste qu’un…
Le trio doit résister pour poursuivre les études. D’abord les humiliations, les moqueries – on les appelle « les térébenthines » en référence à l’odeur qui semblerait les qualifier – puis la compétition, les doutes face aux jugements de tout un chacun. Chaque jour semble un défi. Sans parler des conditions de vie, peindre dans un sous-sol, vivre chichement. Et pour finir il y a la vie, l’intime. Les liens étroits entre les trois amis, un mélange d’admiration et de peur. De confidences et de silences.
Carole Fives décrit avec justesse et précision les troubles de cet apprentissage très difficile et pourtant passionné. Car ce qui ne quitte jamais le roman c’est la passion pour l’art, la peinture, la performance. Grâce à cette histoire on découvre ou redécouvre le travail sensationnel de tant d’artistes qui ont marqué durablement une époque. Aussitôt le livre refermé, on meurt d’envie de continuer les recherches, revoir les œuvres des artistes cités dans le roman. Car sous couvert de fiction, on apprend énormément de choses et on se sent plus instruit à la fin. Un petit plus non négligeable qui s’ajoute au plaisir déjà grand de la lecture.
Carole Fives, Térébenthine, Gallimard, 176 p.
Photo : FIVES Carole © Francesca Mantovani
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