À 65 ans passés, Jean-David Saban exposait 30 années de gravures à la galerie Bouquière en cette première moitié de novembre, au cœur du quartier des Carmes à Toulouse. Connu aujourd’hui pour ses peintures, l’artiste revient en ces lieux à son premier vrai amour : l’eau-forte, le cuivre, l’encre et le burin. Un passé que l’artiste aborde avec la même rigueur qu’à ses débuts.

Portrait de Jean-David Saban
Jean-David Saban, pourquoi avoir exposé des gravures, alors que le public vous connaît surtout comme peintre ?
« J’avais envie de ressortir mes vieilles gravures du placard. Après plus de 30 ans à graver, je n’avais eu que deux occasions dans ma vie de les exposer entièrement. La première fois en l’an 2000 à Villeneuve-Tolosane, puis en 2026 au musée Raimond-Lafage, à côté d’Albi. Alors ici, dans cette petite galerie, j’ai décidé de renouveler l’expérience. C’est ma façon de montrer tout ce travail, souvent méconnu. Une gravure peut demander des mois de réalisation. Ne pas les exposer serait omettre une part essentielle de ma vie. »

New-York, Toulouse ou sa chatte… Les gravures de Jean-David Saban débordent de créativités.
Plus jeune, comment la gravure vous a-t-elle conquis ?
« C’est presque un hasard. J’étais étudiant aux Beaux-Arts, mais les Beaux-Arts, à l’époque, c’était surtout un endroit où l’on apprenait à picoler. Seul l’atelier de gravure me semblait sérieux. J’ai quand même décidé de quitter l’école, et mon service militaire s’en est suivi. Ce qui ne m’a pas empêché de participer à un concours international, La Presse d’Or. Je leur ai envoyé une aquarelle alors que je ne savais ni peindre ni dessiner ! J’ai été sélectionné parmi cinq finalistes, ce qui m’a surpris autant que tout le monde, et d’autant plus lorsque j’ai gagné. Et comme je dis souvent, si l’on aime le dessin, le jour où l’on touche une plaque de cuivre avec une aiguille, on est au sommet. J’étais conquis. »
Avoir remporté La Presse d’Or vous a-t-il propulsé sur le devant de la scène ?
« Tout est allé très vite. Pendant mon service militaire à Istres, je faisais des caricatures de mes camarades et des gradés. L’un d’eux a aimé, alors que j’apprenais tout juste avoir remporté ce fameux concours de lithographie. Peu après, on m’a confié la gravure du Capitole de Nice dans le cuivre, et ainsi les hauts gradés m’ont laissé la permission de m’y rendre. Plus tard, une entreprise américaine m’a proposé un contrat de trois ans pour éditer mes travaux. Ce, alors que j’étais encore étudiant, j’avais fait mon retour aux Beaux-Arts pour l’atelier gravure ! J’ai vécu de mon art dès le début, je n’ai jamais travaillé, pas même en vendange l’été. Mais après ces années d’euphorie, j’ai dû apprendre à vivre en indépendance. »

La gravure peut se faire suivant différent métaux.
La gravure est-elle un art difficile à maîtriser ?
« Je compare souvent la gravure à la course automobile : il faut connaître son moteur, ses freins, ses virages. On ne peut pas tricher. J’ai gravé un jour les toits de Saint-Cyprien, à Toulouse, au compte-fil, soit une unité dix-sept fois plus petite qu’une loupe. À la fin de la journée, j’avais toujours les yeux écarquillés. La gravure, c’est un original multiple, pas une reproduction. C’est là tout son secret. Entre le cuivre et le papier, il se passe quelque chose qu’aucun livre d’art ne pourra jamais restituer. »
Qu’est-ce qui vous a poussé vers la peinture après trente-cinq ans de gravure ?
« C’est venu tard, presque à contrecœur. Je me disais : un chevalet, c’est pour les peintres, moi je suis graveur ! Et puis j’ai fini par m’y mettre. Il y a un moment où j’ai regardé les galeries, et j’ai trouvé certaines toiles d’une nullité affligeante. Alors je me suis dit : pourquoi pas moi ? La peinture offre une liberté, une immédiateté que la gravure n’a pas. Quand je faisais dix gravures, j’aurais pu peindre cent tableaux. Mais au fond, l’un et l’autre se rejoignent : c’est toujours une histoire de regard, de patience et de passion. »

