Des sentiers de la Liberté pyrénéens aux 111 des Arts en passant par Richard Conte et Bruno Ruiz
Philippe GLOAGUEN, cofondateur du Guide du Routard, est venu présenter à Toulouse la dernière édition de celui-ci: douze itinéraires de randonnée, certifiés « Itinéraires culturels du Conseil de l’Europe », dénommés « Les sentiers de la liberté des Pyrénées »: ils reprennent les sentiers qu’empruntaient, durant la Seconde Guerre mondiale, ceux qui fuyaient le régime nazi.
Pyrénées Les sentiers de la Liberté, le nouvel opus du Routard (1)
« Il rend hommage à ceux que l’Histoire a oubliés », a assuré dans son allocution la Sénatrice honoraire, Membre honoraire du Conseil de l’Europe, Présidente de la Maison de l’Europe des Pyrénées, Mme Josette DURRIEU DUFAZA, qui connaît intimement le sujet puisque tout juste âgée de 7 ans, elle a vu ses parents, Paul et Marie, arrêtés en mai 1944, à la suite d’une dénonciation (2). A l’origine de ce projet, dont elle a été l’étincelle, avec sa grande alacrité intellectuelle, elle nous a gratifié d’une belle introduction à la fois éclairée et émouvante.

Il pleuvait « comme vache qui pisse » comme disait ma grand-mère Eugénie, dans la Cour des fusillés du Castelet (3) de la prison Saint-Michel, sous les auspices de Madame Marie DELANOE, directrice des Monuments de la Ville de Toulouse (de l’Ensemble conventuel des Jacobins au Castelet), pour la présentation de cet ouvrage à la fois touristique et historique.
Mais comme disait aussi ma chère Mamie, « après la pluie, le beau temps et non le contraire »: peut-être était-ce les conditions idéales pour évoquer les odyssées douloureuses des marcheurs de la Liberté entre France et Espagne (et vice-versa); si beaucoup ont échoués, nombreux sont ceux qui ont réussi et leur espoir chevillé au cœur a contribué à faire lever « l’aube ensoleillée qui a dissous les monstres » comme l’écrivait Paul ELUARD.
Cette dernière décennie on a beaucoup évoqué (à juste titre et on ne le fera jamais assez) la Retirada des Républicains espagnols dont plus de 500 000 ont franchi les Pyrénées pour fuir la furie sanguinaire de leurs adversaires; et cela par tous les moyens, en particulier à pied.
Seuls les historiens et ceux qui les lisent ou les familles qui se les transmettaient de bouche à oreille connaissaient les périples dans l’autre sens, de la France vers l’Espagne, pour échapper à la furie tout autant sanguinaire des Nazis. J’ai envie d’écrire: « et pourtant ils ont marché »…
C’est donc une lacune criante que vient combler ce Guide du Routard, tout en dédramatisant cette part de notre histoire récente par ce qui fait la spécificité de cette collection française de guides touristiques fondée en avril 1973 par Michel Duval, dans la tradition des « Back Packers » américains, ces circuits de randonnée guidée qui emmènent au cœur des plus beaux espaces sauvages d’Amérique comme le Grand Canyon, Yellowstone et Yosemite.

Fidèle à son optique, cette publication au long cours bien sympathique comme son logo, nous incite à découvrir une région, un pays, sous un angle touristique bien sûr, avec ses coups de cœur pour des lieux où dormir et manger, mais aussi une ouverture historique et culturelle.
Il offre à son habitude un viatique pour tout comprendre du contexte historique et du rôle des Pyrénées pendant la guerre, les coups de cœur illustrés des rédacteurs, leurs conseils pour partir en randonnée mémorielle dans environnement naturel préservé, des adresses de bonnes tables et d’hébergements dans les lieux de départ et d’arrivée.
Il faut signaler que cet ouvrage est le fruit d’une coopération inédite entre Le Routard et les Itinéraires Liberté Pyrénées Europe: celui-ci est le 49e itinéraire culturel reconnu par le Conseil de l’Europe dont nous célébrons le 75éme anniversaire à travers lui la protection des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit, si importante dans la vie quotidienne des Européennes et Européens.
On découvrira en lisant ce bel ouvrage que nos chères Pyrénées, si elles n’ont jamais été une frontière, ont été aussi un pont humain qui a sauvé de nombreuses vies dans une période tragique de notre Histoire.
Je suis profondément touché par la partie consacrée au Femmes Résistantes.
Femmes Résistantes trop longtemps invisibilisées et occultées, en particulier celles des Pyrénées, auquel le guide rend un hommage mérité, sous la plume encore de Mme Josette DURRIEUX DUFAZA
Femmes Résistantes telle ma chère Angela BETTINI-Del RIO, une des premières Résistantes toulousaines, emprisonnée au Camp de Gurs de triste mémoire, dont l’esplanade devant le Castelet porte le nom (et celui de son époux Yves).
Femmes Résistantes que j’aime à qui nous avions rendu hommage dans cette même Cour du Castelet avec mes amies musiciennes Muriel ERDODY, Servane SOLANA et Bernadette MOUILLERAC.

Femmes Résistantes comme cette milicienne anonyme dont la photo de Cuadermos de ROLDAN illumine la plaquette du Mémorial du Camp d’Argelès-sur-Mer (4), animé avec passion et engagement par Mme Olga ARCOS, qui comme celui de Rivesaltes et de nombreux autres, font un travail remarquable de transmission de la Mémoire historique, cette mémoire vitale, encore plus aujourd’hui que jamais.

De même, sont évoqués les Passeurs, cette armée de l’ombre, qui au péril de leurs vie guidaient les fugitifs vers les sommets des Pyrénées pour redescendre vers un espoir de survie.
Et je me souviens de mon vieux copain Freddy FAVET de Poubeau au-dessus de Bagnères-de-Luchon qui accueillait dans sa grande maison les fugitifs et avait reçu d’un milicien une rafale de mitrailleuse dans les reins en faisant passer un groupe par la montagne: il marchait depuis en crabe, ce qui ne l’empêchait pas de conduire sa voiture aménagée pour aller chercher du riz en Camargue et m’amener à mes représentations avec la Compagnie du Rêveur.
La soprano Eugénie BERROCQ de la Compagnie Notes de Partage (5) a interprété de belle manière El Paso del Ebro (dont le refrain, Rumba la rumba la rum bam bam, a été rythmé par un monstrueux coup de tonnerre) et Bella Ciao (le Chant des Mondines révolutionnaires des rizières du Pô et des Partisanes d’Italie), repris en chœur par quelques voix dans l’assistance, ainsi que le Chant des Partisans plus connu. Devant la plaque en souvenir des Patriotes exécutés ou fusillés ici: tout un symbole !
L’Hymne européen, sur l’Hymne à la Joie de Ludwig van Beethoven, a fait lever tout le public:
Que la joie qui nous appelle
Nous accueille en sa clarté !
Que s’éveille sous son aile
L’allégresse et la beauté !
Plus de haine sur la terre
Que renaisse le bonheur.
Tous les hommes sont des frères
Quand la joie unit les cœurs.
Les Bleus de ton animal de Richard CONTE et Bruno RUIZ
jusqu’au 31 janvier 2026 (7)
à la galerie 21 Place des Salins. 3 impasse de la Trésorerie, Toulouse
Quand un Plasticien rencontre un Poète (ou le contraire), ils échangent des correspondances au sens baudelairien du terme:
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Richard CONTE s’en est donné à cœur joie avec ses couleurs fluorescentes, iridescentes, pailletées, et son humour décapant, pour réaliser 130 liasses d’artiste et en retenir 10 dans un livre à tirage très limité.
Dans son catalogue raisonné, les animaux sont rois dans son imaginaire du singe et de l’ours blanc de l’affiche

à la tortue

en passant par le cygne et le taureau.
Et il a fait appel au « robinet à poèmes » (comme il dit) de son camarade Bruno RUIZ.

Bruno RUIZ, qu’on ne présent plus sur Culture 31, a écrit pour la circonstance des petits poèmes qui courent sur les cimaises de la galerie:

Bruno RUIZ qui écrit encore et toujours pour celle qui l’accompagne:
« Ce matin, il y a une fenêtre.
Elle s’ouvre et se referme.
J’ai allumé le chauffage.
C’est drôle, j’allais écrire le naufrage.
Tout est affaire de gestes, de décisions à prendre, de mots un peu à côté.
Je vois les pas de ma journée.
Leurs piétinements.
Là où ils vont sans toi.
Je te déplace. Je te bois et te mange.
Je me sens sur le pont d’un bateau et je ne vois plus le port.
J’écris les yeux fermés pour éviter le temps qui passe.
À part les livres, la demeure est en ordre.
Tu demeures. Quelqu’un peut venir.
Je suis propre comme je t’aime.
Je peux revenir à mes projets pour essayer de t’éloigner.
L’automne est là. »
Les 111 des Arts
Chapelle de l’Hôtel-Dieu de Toulouse (8)
jusqu’au 16 novembre 2025
Pour marquer les 25 ans de l’association, l’exposition s’ouvre cette année à des artistes Sculpteurs, dans les salles adjacentes à la Salle des Pèlerins, dont celui de Saint Jacques de Compostelle veille toujours sur la Chapelle derrière lui où sont exposés comme de coutume les peintures.

Les visiteurs sont accueillis sur l’affiche par « Okita », une œuvre de de l’artiste Perrotte, qui a animé un atelier de peintures avec les enfants hospitalisés au Centre Hospitalier Universitaire de Toulouse: les œuvres de ceux-ci y sont désormais exposées.

Comme d’habitude, si le format et le prix sont fixés une fois pour toutes, il y en a pour tous les goûts. Les enfants sont bien sûr omniprésents, et ce n’est que justice, puisque tous ces créateurs et tous ces bénévoles sont unis par une cause commune, la défense de ceux-ci contre la maladie. On se trouve ici au carrefour entre la Santé et l’Art, grâce à la générosité publique. Pierre VALERO, le premier président de l’association, a salué à juste titre la mémoire de Mr. Paul LEVY fondateur de cette manifestation exemplaire, qui s’appelait à l’origine Vœux d’Artistes.
En effet, l’achat d’une œuvre, au-delà d’une noble cause, est aussi l’occasion de soutenir la création contemporaine, en ces temps de plus en plus égoïstes et de repli sur soi face au chaos du monde. « Créer c’est résister » écrivait Madame Lucie AUBRAC, une des grandes Dames de la Résistance.
L’onirisme de chacune et de chacun s’expose et nous est donné à voir, et il est difficile de faire son choix… d’autant qu’ils sont 111.
J’ai déambulé au milieu de la foule qui se presse comme toujours, et j’ai dialogué avec les enfants donc de LUNAT, acryliques, au pastel gras, feutres et crayons de couleurs, et collages.
Mais aussi avec les girafes tendres de Sylvie GENTY

et l’enfant fil de fer de HOM Nguyen…
Décidément, cet automne 2025 est riche en couleurs, comme les feuilles des arbres qui crient encore quand l’aspirateur les avale; mais on sait bien qu’elles reviendront au printemps.
Pour en savoir plus :
1) Pyrénées, Les sentiers de la Liberté, le Routard (Editions Hachette) 176 pages
En librairie le 05/11/2025 : 12,90€
2) Les parents de Madame Josette DURRIEUX DUFAZA, avaient en effet choisi, dès 1942, d’aider les aviateurs anglais, canadiens, américains, français… abattus ou s’évadant de camps de prisonniers à regagner le camp allié via l’Espagne. Ils avaient intégré le réseau d’évasion de l’Intelligence Service, dit « Buckmaster », du nom de son officier commandant. Paul fut déporté à Dachau, et en revint. Marie, internée à Toulouse, échappera par miracle à la déportation et rentrera à la maison…
3) Le Castelet 18 bis grande rue Saint-Michel 31400 Toulouse Tél : 06 17 97 28 86
Horaires: Du mercredi au dimanche, de 11h à 18h Fermeture les 1er janvier, 1er mai et 25 décembre Fermeture anticipée à 16h les 24 et 31 décembre Accès : Métro: Ligne B – station Saint-Michel – Marcel Langer
4) Mémorial du Camp d’Argelès-sur-Mer
26 Avenue de la Libération, 66700 Argelès-sur-Mer, France Téléphone : 04 68 95 85 03
Ouvert du mardi au samedi d’octobre à juin (de 10h à 13h et de 14h à 18h) et 7 jours sur 7 en juillet, août et septembre ainsi que pendant la semaine de Pâques (de 10h à 18h sans interruption).
7) www.galerie21.fr 06 86 12 41 83
8) 2 rue de la Viguerie 31300 Toulouse – de 12h à 20h tous les jours- Entrée gratuite
Métro ligne A-Station St Cyprien-République.
