Paris photo, qui regroupe plus de 170 galeries du monde entier et de nombreux éditeurs spécialisés, retrouve un Grand Palais joliment restauré. Une occasion en or (certains prix tutoient les sommets) pour découvrir une méga exposition, associant grands classiques et jeunes talents, époques et esthétiques diverses. Jusqu’au 16 novembre.

La foule se presse au Grand Palais, mélange assez hétéroclite de collectionneurs aux poches pleines, d’artistes à l’extravagance réfléchie et de passionnés de photographie, qui, faute d’acheter des tirages assez onéreux, se laisseront tenter par de beaux livres, signés par leurs auteurs, venus en nombre.
Il y a plusieurs manières d’arpenter Paris Photo, premier salon mondial de l’image : d’un pas rapide pour tout voir (compter minimum 4 heures), plus tranquillement en se laissant séduire par certains tirages qui capteront le regard ou de manière organisée en visant principalement une poignée de galeries, dont on suit le travail toute l’année (facile quand elles sont basées à Paris, compliqué si elles ont fait le voyage depuis Osaka, Dusseldorf ou San Francisco).
Pour commencer, chacun pourra jouer local, en se focalisant sur des artistes de sa région. Coup de cœur immédiat, chez Clémentine de la Feronnière, pour les derniers travaux de la Toulousaine Flore, 62 ans, très inspirée par les jardins de Nohant et la maison de George Sand. Ses tirages sophistiqués, reprenant des techniques anciennes, sont vendus à partir de 2000 euros. Région toujours, avec l’exposition de Raphaëlle Péria, « Traversée du chaînon manquant », retour sur ses souvenirs d’enfance sur la péniche de son père, voguant sur le canal du Midi. Grâce au mécénat de BMW Art Makers et à la complicité de la curatrice Fanny Robin, l’artiste réinvente un monde à la fois merveilleux et inquiétant dans lequel la photographie est complétée par de la peinture (les platanes malades sont rehaussés de gris). Déjà vu aux Rencontres d’Arles, ce projet sophistiqué est plus largement mis en valeur au Grand Palais.

Installation BMW – ART Makers
La galerie Anne-Laure Buffard a elle eu la bonne idée de rendre hommage à la photo reporter Marie-Laure de Decker, décédée il y a deux ans, et qui avait passé la fin de sa vie dans un village du Tarn. On y retrouve le courage bravache d’une femme se battant dans un milieu macho et sa beauté qui éclate dans de beaux autoportraits.

Une galerie rend hommage à Marie-Laure de Decker.
Paris photo permet aussi de réviser ses classiques, de remonter le temps avec des photographes qu’on a pu admirer au Château d’Eau, à Toulouse, ou lors des expositions en plein air organisées par Prune Berest dans le jardin Raymond-VI (programmation automnale qui malheureusement n’existe plus). C’est ainsi qu’on tombe en arrêt devant deux images de l’Anglais Bill Brandt : un visage féminin rêveur (34000 euros « plus taxes », précise le vendeur) et un nu iconique (90000 euros le tirage d’époque signé). Mêmes splendeurs appartenant à l’histoire de la photographie : le portrait amoureux de Leila par Édouard Boubat (14000 euros), celui d’une jeune femme à la fleur de Shoji Ueda (34000 euros « mais on peut discuter », lâche, tout sourire, la galeriste), un grand format couleur de Martin Parr (16000 euros), une photo de rue, à Los Angeles, de Raymond Depardon (4000 euros), de nombreux Cartier-Bresson (entre 8000 et 10000 euros), etc. Pas facile de trouver des tirages à moins de 1000 euros, sauf à faire confiance à de jeunes talents ou à quelques rares grandes signatures qui cultivent une certaine modestie, comme c’est le cas du Finlandais Penti Sammallahti, dont les merveilleuses miniatures, tirées par lui-même, sont exposées depuis des années par l’excellente galerie Caméra Obscura (à partir de 800 euros).

Nu Weston
Enfin, Paris photo permet de jauger ce que valent, financièrement, les expositions en cours. Une photographie très grand format de l’ex reporter de guerre Luc Delahaye, vue au Jeu de Paume, est annoncée à 48000 euros. Il n’en existe certes que trois exemplaires mais c’est cher payé pour un artiste surcôté, d’une totale prétention, dont l’accrochage crée de surcroît le malaise. Quant à l’ancêtre Edward Weston, dont une formidable rétrospective a lieu en ce moment à la MEP, à Paris, il figure parmi les recordmen de ce Paris photo. Un de ses nus les plus fameux se négocie à 90000 euros. Pour un paysage, réalisé au Mexique dans les années 1930, il faut compter 150000 euros. Le vendeur précise, sourire narquois aux lèvres : « c’est un tirage au platine réalisé par le maître. Vous pouvez l’exposer dans votre loft de Miami, en pleine lumière, durant 50 ans, et il ne bougera pas d’un iota ! »
Paris photo, jusqu’au 16 novembre au Grand Palais, Paris. Tarifs : de 26 à 40 euros.

