Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Moi, Daniel Blake de Ken Loach
Dans la riche filmographie de Ken Loach, qui appartient avec Mike Leigh ou Stephen Frears à cette génération de cinéastes britanniques apparaissant dans les années 1970, drames intimistes et films historiques se croisent, mais c’est son approche des réalités sociales et politiques qui constitue la signature de ce cinéaste engagé (à l’extrême gauche) lauréat de la Palme d’or en 2006 pour Le vent se lève. Dix ans plus tard, Moi, Daniel Blake décroche à son tour la récompense cannoise et fait entrer Loach dans le club des cinéastes doublement palmés en compagnie de Coppola, Kusturica ou Imamura.

Daniel Blake, veuf de cinquante-neuf vivant à Newcastle, doit abandonner son métier de menuisier après un accident cardiaque. Si les médecins le déclarent inapte au travail, en attendant une hypothétique amélioration de sa santé, la compagnie en charge de l’attribution des indemnités d’invalidité le juge inéligible à ce type d’allocution. Reste donc la possibilité de s’inscrire au chômage, sachant qu’il ne pourra accepter aucune offre d’emploi en raison de son état… Durant ses démarches, Blake rencontre Katie, une mère célibataire de deux enfants en plein désarroi, et va l’épauler.
Gens ordinaires
On retrouve dans Moi, Daniel Blake l’attention que Ken Loach porte aux gens ordinaires frappés par les lois d’airain du capitalisme dans la Grande-Bretagne contemporaine. A l’instar de Looking for Eric ou de It’s a free world !, il filme ici des êtres dans la précarité dont les seules ressources vont être la solidarité, l’entraide, l’humanité. L’intelligence et la sensibilité du cinéaste consistent à ne pas asséner des thèses, mais à montrer des situations concrètes. Ainsi, on suit les démarches du personnage principal (formidable Dave Johns) face à une administration absurde, bureaucratique, kafkaïenne, numérisée, où obtenir un interlocuteur au bout du fil, ou au bout du guichet, relève de l’exploit. Il épingle au passage le trait marquant de notre vie moderne : la déshumanisation, la disparition de l’individu au profit des machines.

Nul misérabilisme devant la caméra de Loach qui dissèque le fonctionnement d’un système exposant les plus démunis à l’humiliation et au découragement afin de les évincer des chiffres du chômage ou de l’aide sociale. Sans idéaliser les pauvres et les classes populaires, il célèbre ce qu’Orwell nommait la « common decency », ce socle de valeurs morales façonnant les gens de peu. S’il ne néglige pas à l’occasion l’humour, Moi, Daniel Blake frappe par sa noirceur. Ode à la dignité, le film semble être l’œuvre d’un Frank Capra pessimiste.
LES FILMS QU’IL FAUT AVOIR VUS










































































































































































































