Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Collatéral de Michael Mann
A Los Angeles, Max, chauffeur de taxi de nuit, prend à son bord Vincent, un homme d’affaires devant rencontrer cinq clients afin de conclure un contrat. En échange d’un très généreux pourboire, il obtient que Max l’attende au fil de ses rendez-vous, mais le passager se révèle être un tueur à gages… Neuf ans après son magistral Heat, Michael Mann signait en 2004 avec Collatéral un autre chef-d’œuvre du film noir. Le scénario (coécrit par Stuart Beattie, Frank Darabont et Mann), derrière une apparente simplicité et de grosses ficelles, déploie au fil des séquences ses richesses et ses surprises. La prise en otage du « gentil » chauffeur de taxi par le « méchant » tueur à gages ne va cesser de se renverser au gré de situations déjouant l’organisation et la rationalité de Vincent.
D’ailleurs, au-delà sa construction implacable, Collatéral tire sa beauté, son magnétisme, sa puissance hypnotique, d’une dimension onirique et poétique (à l’image du surgissement d’un loup sur une voie de Los Angeles). Manière de fable en forme de cauchemar, ce bref voyage initiatique est une réflexion sur le regard, la parole, l’action, l’adéquation entre le rêve et le réel. A ce titre, Vincent va servir de révélateur aux yeux de Max en lui montrant le monde tel qu’il est, en remettant en cause son hypocrisie, sa faiblesse, sa bonne conscience.
Ultra-moderne solitude
Sans surprise de la part du cinéaste de Sixième sens et de Hacker, Collatéral est un formidable exercice de style (tourné en caméra numérique) et une nouvelle élégie nocturne sur l’ultra-moderne solitude dans les grandes cités au sein desquelles l’individu disparaît dans la masse, l’anonymat, l’indifférence. Artiste éminemment intellectuel et métaphysique, Michael Mann ne sacrifie jamais le spectacle, l’efficacité, le plaisir du divertissement à la profondeur du propos. Ainsi, les morceaux de bravoure se succèdent à l’instar des scènes dans le club de jazz ou dans la boîte de nuit qui rappellent que Mann est l’un des plus grands cinéastes d’action.
Face à Jamie Foxx (qui tient là son meilleur rôle), Tom Cruise campe génialement un tueur qui, de prime abord, par sa froideur apparente, peut apparaître comme un cousin américain de Jef Costello dans Le Samouraï de Melville. Mais au mutisme minéral d’Alain Delon, le personnage interprété par Cruise oppose le bavardage, le goût du jeu, de la dialectique et de la théorie. Avec ses cheveux grisonnants, son empathie mêlée de cruauté, l’acteur livre une composition inoubliable dans une filmographie qui l’a vu être dirigé par Martin Scorsese, Sydney Pollack, Brian de Palma, John Woo, Stanley Kubrick, Paul Thomas Anderson, Cameron Crowe ou Steven Spielberg.
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