Le Cycle grands Interprètes de Toulouse propose une soirée tout Mozart le samedi 8 novembre à 20 h à la Halle aux Grains. Julien Chauvin est au violon et à la direction de l’Ensemble La Sportelle et du Concert de la Loge. Le concert débute avec l’Ouverture de l’opéra Le Nozze di Figaro, qui sera suivie de la Symphonie n° 41 en ut majeur, “Jupiter“ pour se clore par la Grande Messe en ut mineur, K. 427. Les solistes sont : la soprano Mélissa Petit, la mezzo-soprano Eva Zaïcik, le ténor Antonin Rondepierre et la basse Nahuel di Pierro.

Julien Chauvin © Marco Borggreve
Julien Chauvin et Le Concert de la Loge :
Très tôt attiré par la révolution baroque et le renouveau de l’interprétation sur instruments anciens, Julien Chauvin part se former aux Pays-Bas, au Conservatoire royal de La Haye, avec Vera Beths, fondatrice de l’Archibudelli aux côtés du violoncelliste Anner Bylsma.
En 2003, il est lauréat du Concours international de musique ancienne de Bruges et se produit ensuite en soliste en Géorgie, en Amérique du Sud, en Afrique du Sud tout en jouant au sein des principaux ensembles baroques européens. En 2005, il forme Le Cercle de l’Harmonie, qu’il dirige avec Jérémie Rhorer pendant dix ans.
Concrétisant son souhait de redonner vie à une formation célèbre du XVIIIe siècle, Julien Chauvin fonde en 2015 un nouvel orchestre : Le Concert de la Loge. L’ambition de cette re-création s’affiche notamment dans l’exploration de pages oubliées du répertoire lyrique et instrumental français, mais également de nouvelles formes de direction – l’ensemble étant dirigé du violon –, ainsi que de formats de concerts encourageant la spontanéité et l’imagination du public.
Parallèlement à ses activités de concertiste, Julien Chauvin se consacre également à la pédagogie dans le cadre de sessions d’orchestre ou de master classes au Conservatoire national de musique et de danse de Paris ainsi qu’à celui de Lyon, à l’École normale de musique de Paris ou encore avec l’Orchestre Français des Jeunes.

La Loge © Franck Juery
Le concert nous offre en introduction la merveilleuse Ouverture de l’opéra Le Nozze di Figaro. Quelques mots sur celui-ci :
« Comme chef-d’œuvre de pure tendresse et de mélancolie, absolument exempt de tout mélange importun de majesté et de tragique, rien au monde ne peut être comparé aux Nozze di Figaro. » Ainsi s’exprimait en 1814, Stendhal, l’un des premiers français à avoir compris toute l’importance du génie du divin Wolfgang Amadeus Mozart. Plus de deux siècles plus tard, rien n’est venu lui donner tort et cet opéra Le Nozze est toujours cet incomparable miracle de tendresse et de mélancolie, l’un des opéras parmi les plus parfaitement écrits. Ce fut l’œuvre d’un compositeur de trente ans, en pleine possession de ses moyens, et à qui la fortune fit rencontrer le librettiste idéalement apparié, un certain Lorenzo da Ponte, aventurier vénitien, prêtre déchu, libertin, ami de Casanova, qui, après avoir créé la fameuse trilogie Les Nozze di Figaro (1786), Don Giovanni (1787), et Cosi fan tutte (1790), fut obligé de se faire très discret car doué pour un certain type de malversations. Le “loustic“ traversera même l’Atlantique, direction New-York et finira par donner des cours à la fameuse Colombia University de New-York, pour mourir à …89 ans ! Joli parcours.
La collaboration Mozart / da Ponte fut pratiquement unique dans l’histoire de la musique. Une trilogie avec trois réussites, les trois réinsufflant à l’opéra une humanité, une vérité des passions, une connaissance des âmes qui firent que plus aucun ouvrage ne sera comme avant. On est subjugué par la manière qu’a eu le librettiste de s’appuyer sur le texte du Le Mariage de Figaro de Beaumarchais pour en faire jaillir tout le côté le moins grivois mais bien le plus humain. Dans cet hymne à l’espièglerie et à l’intelligence, rempart à toute forme d’oppression, Les Noces de Figaro célèbrent l’amour en explorant tous ses subterfuges. On est certain que Mozart a fortement participé dans ce choix.

Statue de Mozart à Vienne © C.Stadler/Bwag
Quant à la Symphonie n° 41 en ut majeur, K. 551 “Jupiter“ pour suivre, elle est en quatre mouvements :
- Allegro vivace II. Andante cantabile III. Menuetto : Allegretto – Trio IV. Finale : Molto allegro
C’est la dernière. Elle fut écrite durant août 1788. C’est la plus grande et la plus complexe de ses symphonies, un des sommets absolus du genre. Elle fait partie des trois dernières qui resteront dans des tiroirs sans être exécutées de son vivant. Au problème posé par la « Grande Sol mineur » (n° 40) semble répondre la solution de la « Jupiter », grandiose et majestueuse comme le père des dieux. L’altière noblesse du caractère de la « Jupiter » célèbre la victoire de la lumière sur les ténèbres. Après le mi bémol de la méditation (n°39) et le sol mineur (n°40) de l’angoisse, vient l’ut contemporain majeur (n° 41) du triomphe. « Comme toutes ses images sont pures et claires ! […] On voit la façon dont le maître recueille d’abord son matériel séparément, puis examine comment en faire jaillir le tout, pour enfin construire et élaborer l’œuvre. Beethoven lui-même travaillait de cette manière, comme en attestent ses esquisses. » J. Brahms
De son vivant, Mozart n’aura jamais la joie de les diriger, ni même d’entendre comment elles sonnent. Mais, cette thèse selon laquelle elles n’auraient pas été interprétées du vivant du musicien est aujourd’hui discréditée : il est probable qu’il les ait composées en vue d’une tournée en Angleterre qui n’a pas eu lieu et qu’il les ait dirigées en Allemagne en 1790 et 1791. Sachons qu’en 1788, Mozart touche le fond, certainement au comble de la détresse. Et son père est décédé l’année passée. L’alignement favorable des planètes ne le concerne pas. En un mot, la famille de Wolfgang Mozart est dans la “dèche“, et sa popularité est depuis quelque temps battue en brèche.
En ce temps-là, c’est au compositeur d’organiser des concerts pour faire connaître ses créations, et c’est de plus en plus difficile. Et Vienne, et Salzbourg et d’autres villes ont un public de plus en plus sensible aux musiques plus faciles venues des provinces italiennes, Si les œuvres de Mozart deviennent plus denses, elles fatiguent et déroutent le public. En un mot, une désaffection du public, qui entraîne des dettes, des soucis ménagers, une forme de misère, telle est la toile de fond de ces trois dernières symphonies. Et, pourquoi “Jupiter“ ? Un tel sous-titre n’est cependant pas de Mozart mais serait apparu quarante ans plus tard. Il serait de l’organisateur de concerts et violoniste allemand Johann Peter Salomon et sort de l’ombre pour la première fois lors d’un concert en Écosse à Édimbourg en 1819 puis lors de concerts londoniens courant 1820.

Ensemble La Sportelle © François Le Guen
Ensemble la Sportelle
La Sportelle, c’est cette médaille en forme d’amande qui témoigne du séjour des pèlerins à Rocamadour. Symbole d’un voyage et trace d’une expérience, c’est aujourd’hui le nom de l’ensemble vocal attaché à Rocamadour – Musique Sacrée. La démarche qui sous-tend l’existence de l’ensemble est unique : créé en 2017, il est l’ambassadeur de cet esprit si particulier de Rocamadour, appelé à se mettre au service du répertoire sacré.
Un ensemble vocal allant de 4 à 32 chanteurs, abordant le répertoire a cappella ou d’oratorios, qui s’adaptent aux époques très variées du répertoire sacré : à la fois solistes et choristes, ils rassemblent les qualités d’écoute et d’expression de chambristes. À la recherche du sensible et de la beauté pour créer l’émotion et la rencontre avec tous les publics. Avec une expérience renouvelée des concerts : immersion sonore, spatialisation, scénographie, mise en lumière sont des composantes ancrées dans le travail de l’ensemble.
Grande Messe en ut mineur, K 427
KYRIE
- Kyrie (Chœur et soprano solo) Andante moderato
GLORIA
- Gloria in excelsis Deo Allegro vivace
- Laudamus te (Aria mezzo) Allegro aperto
- Gratias agimus tibi (Chœur) Adagio
- Domine deus (Duo soprano et mezzo) Allegro moderato
- Qui tollis (Chœur) Largo
- Quoniam to solus (Trio soprano, mezzo, ténor) Allegro
- Jesu Christe (Chœur)
- Cum Sancto Spiritu (Chœur)
CREDO
- Credo in unum Deum (Chœur) Allegro maestoso
- Et incarnatus est (Aria soprano) Andante
Sanctus
- Sanctus (Chœur) Largo
BENEDICTUS
- Benedictus (soprano, mezzo, tenor, basse) Allegro comodo
Durée : environ une heure

Cathédrale Saint-Étienne de Vienne où eut lieu le mariage de Wolfgang et de Constance le 4 août 1782 © C.Stadler/Bwag
La musique religieuse de Mozart – messes, litanies et vêpres, mais aussi offertoires, motets et sonates d’église, appartient presque tout entière à l’époque salzbourgeoise et relève des différents postes officiels que le musicien occupa à la cour du prince-archevêque Colloredo. Donc, une musique relevant d’obligations ou de commandes.
C’est l’une des pages les plus célèbres du répertoire et reste l’un de ses mystères les plus obscurs, posant un dédale de questions : cette imposante messe inachevée, écrite à Salzbourg courant 1783, est aussi le plus achevé des chefs-d’œuvre pour l’église. Telle qu’elle nous est parvenue, cette Messe comporte le KYRIE et le GLORIA complets, deux versets du CREDO ainsi qu’un Sanctus et un Benedictus dont Mozart n’a pas terminé l’orchestration. Partition monumentale, elle n’est donc pas le fruit d’une commande mais plutôt le résultat d’un vœu : il l’avait promise comme action de grâces s’il parvenait à vaincre les obstacles qui s’opposaient à son mariage avec Constance Weber (à commencer par l’autorisation paternelle).
Cette messe fut créée, inachevée, en octobre 1783 à Salzbourg, après une répétition dans la kappelhaus. Nannerl, sa sœur, relate ainsi l’événement : « Le 23, à la messe de huit heures, dans la capelleHaus, répétition de la messe de mon frère, pour laquelle ma belle-sœur (Constance) a chanté les solos…… ». Deux ans plus tard, Mozart fera quelques modifications. Elle reste une œuvre spontanée, votive s’achevant sur deux magnifiques pages chorales, de moindre développement mais d’une intensité et d’une richesse formelle et expressive faisant de cette messe l’autre chef-d’œuvre religieux du compositeur, sommet qu’elle partage avec le Requiem, lui aussi inachevé mais ici, définitivement.