Dans « Comme un père », son dixième roman, le Toulousain Christian Authier reste fidèle à sa ville, qui constitue un décor essentiel à l’histoire qu’il raconte, celle d’un jeune homme dont le père fait un retour remarqué vingt ans après l’avoir abandonné.

Christian Authier. Photo Editions du Rocher
Son nouveau roman, Christian Authier le dédie à son père, Jean, décédé brutalement, à 89 ans, cette année. Pour autant, il ne faut voir aucun lien entre son géniteur et le personnage qu’il a imaginé pour « Comme un père ». Patrick Berthet, son quinquagénaire de fiction (dont le nom est un hommage à l’écrivain Frédéric Berthet), n’est pas du genre recommandable. Il a abandonné femme et enfant à la fin des années 1990 pour mener une vie qu’on imagine aventureuse. Et le voilà qui fait un retour fracassant à Toulouse pour tenter de renouer avec son fils Alexandre. Il ne se montre d’abord pas sous son meilleur jour : profiteur, flambeur, hâbleur, dragueur. « Un peu con sur les bords », résume le fiston qui « aurait finalement préféré du mélodrame, des larmes, des disputes, des reproches, des révélations, des regrets ou des confessions déchirantes ». Vendons un peu la mèche, Frédéric Berthet présentera un meilleur visage au fil de cette histoire de retrouvailles chaotiques, qui doit autant à la comédie à l’italienne (mais surtout pas « La grande bellezza », tocade de l’auteur) qu’au cinéma de Claude Sautet (le « mauvais père » remplaçant « Le mauvais fils »).
Il aime Herbie Hancock, Malaparte et Vialatte
Alexandre est tout aussi étrange que son diable de paternel. Âgé de 26 ans, il officie comme pigiste sur un site Internet, L’Essentiel de la culture, qui ressemble comme deux goûtes d’eau à Culture 31, sur lequel vous lisez le présent article et auquel collabore Christian Authier, connu par ailleurs comme critique littéraire au « Figaro ». L’effet miroir est saisissant car le côté étonnant du jeune homme – on y arrive – ne vient pas de sa personnalité (il est sage comme une image) mais de ses goûts, résolument anachroniques pour quelqu’un né au tournant des années 2000. Jugeons-en : Alexandre écoute en boucle des morceaux de Herbie Hancock remontant aux années 1960 ; ne se lasse pas de Miles Davis, Joni Mitchell, Djavan ou Prefab Sprout (groupe pop anglais génial trop méconnu des années 1980) ; lit « Kaputt », de Malaparte et connaît l’œuvre d’Antoine Blondin, Alexandre Vialatte et Michel Déon sur le bout des doigts. Enfin, il photographie, le nez au vent, à la manière de Robert Doisneau, Willy Ronis ou Jean Dieuzaide et apprécie les clichés d’adolescentes « pleins de grâce et de sensualité » de Claude Nori. S’il pouvait en être ainsi de notre chère jeunesse dans la réalité…
Tourisme gourmand
Quant au milieu bourgeois, Christian Authier le décrit de manière impitoyable: « Derrière les bons sentiments, les bonnes manières, les bras grands ouverts, les mots aimables étaient apparus des angles morts, des misérables tas de petits secrets, de la bassesse, un égoïsme insubmersible ». Ses portraits sans fards nous rappellent le meilleur cinéma des années 1970, celui de Claude Chabrol et Claude Sautet. Sautet qui aurait pu filmer nombre de scènes imaginées par le romancier, tant son jeune héros, célibataire puis très amoureux, fréquente assidument les cafés et restaurants de la ville (où l’on pourrait croiser Montand, Piccoli ou la sublime Romy). C’est un des aspects amusants d’un roman à la tonalité plutôt sombre : nous proposer une sorte de carte gourmande de Toulouse, du Bibent au Tire-Bouchon, du Florida au Rocher de la Vierge, de la Pente Douce à L’Air de Famille. Et nous offrir des virées bien arrosées à Sète, sur la Costa Brava (clin d’œil à l’ami Eric Neuhoff) ou dans une ferme lotoise. Autant de pistes pour nous donner soif et nous ouvrir l’appétit…
« Comme un père » • Editions du Rocher