L’Enfant rêvé, un film de Raphaël Jacoulot
Sur le thème poignant d’un désir exacerbé de paternité, le réalisateur installe son drame au cœur de la forêt jurassienne, personnage quasi central de son histoire.
François est le directeur d’une immense scierie familiale en plein cœur du Jura. Il la dirige en compagnie de son épouse Noémie, sous le regard critique de son père. Les affaires ne vont pas fort et le surendettement guette… Cela crée de la tension dans le couple. Noémie décide de renflouer personnellement l’entreprise en montant dans le capital, devenant de fait la propriétaire de la société. Mais tout cela n’est rien. Le vrai problème pour ce couple est l’absence d’enfant. Noémie procède à FIV sur FIV sans résultat. Elle convainc, non sans mal, François d’entamer une procédure d’adoption. Le moment devient critique pour la stabilité de ce foyer. D’autant que vient de s’installer dans le village un autre couple avec deux enfants… Cette petite communauté perdue au cœur de la forêt a tôt fait de se retrouver en toutes circonstances. Le coup de foudre entre François et Patricia, la nouvelle venue, est, comme son nom l’indique, foudroyant. De ballades en forêt en rendez-vous clandestins dans un refuge de contrebandiers, Patricia se retrouve enceinte des œuvres de François. L’heure du choix est venue pour ce dernier. Va-t-il franchir le pas qui lui permettrait enfin d’accéder à ce statut de père qui le hante depuis toujours ?
Le thème du film, on le voit, est plus que sensible et relativement original car il scanne littéralement la schizophrénie qui s’est emparée d’un homme sur ce sujet. Raphaël Jacoulot installe une atmosphère angoissante entre les plans dans une scierie peuplée de machines dangereuses, coupantes, bruyantes, des camions tractant en permanence des grumes gigantesques en provenance de la forêt voisine. Cette forêt, justement, est un personnage central de ce film, tant par sa couleur, sa puissance, sa vibration, le danger en même temps que le refuge qu’elle représente. La distribution est dominée par le François de Jalil Lespert. Homme des bois au visage buriné, coupé à la hache, dont les bras puissants tremblent d’émotion devant un berceau. Nous connaissons le talent de cet acteur et l’avons salué maintes fois dans ces colonnes. Il est ici simplement stupéfiant d’introversion, laissant subtilement affleurer dans ses regards la folie qui le poursuit, des regards à la fois ardents et perdus. Aux côtés de Louise Bourgoin (Patricia) et Mélanie Doutey (Noémie), il porte le film sur ses épaules, aussi larges que meurtries.
Un drame conjuguant avec virtuosité l’intime à la nature.
Où déjeuner / dîner avant ou après votre séance de cinéma ?
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Jalil Lespert – L’un de nos plus sûrs talents
Jalil abandonne la fac de droit pour se lancer dans le cinéma. Dès 1999, il a 23 ans, Jalil décroche son premier rôle dans un long métrage (Nos Vies Heureuses de Jacques Maillot). L’an 2000 sera celui de la reconnaissance pour ce jeune comédien à qui Laurent Cantet offre un rôle en or dans Ressources Humaines, un rôle qui lui vaut le César du Meilleur Espoir masculin. La suite confirme le talent de ce franco-algérien qui s’aventure plus tard dans la réalisation, signant, en 2014 notamment, le meilleur biopic à ce jour sur Yves Saint-Laurent avec Pierre Niney dans le rôle du célèbre couturier.