Pour les trente ans d’Odyssud, on aura l’occasion d’applaudir, sans doute pour l’une des dernières fois, l’exceptionnel spectacle Ali Baba et les 40 batteurs, créé à Odyssud puis à la Halle aux Grains, au Stade de France, au Casino de Paris… Un pari fou pour un show festif et rythmique digne de Cecil B. DeMille (imaginez… 40 batteurs sur scène !).
Rencontre avec les deux cerveaux de ce projet pas comme les autres : Daniel Dumoulin (batteur et directeur de la célèbre école de batterie toulousaine Dante Agostini) et Philippe Couret (programmateur du réputé festival Détours de Chant).
Il y a une réelle complicité entre vous et Odyssud pour ce spectacle…
Philippe Couret : Quand je m’occupais de la salle Nougaro, on avait déjà fait des collaborations avec Odyssud. C’était il y a trente ans déjà, et le directeur de l’époque s’appelait Henri Lhong. Ça a commencé le 9 mars 1988 avec le chœur féminin des voix bulgares…
Quelle mémoire !
Philippe Couret : Je m’en souviens très bien car je n’ai pas assisté à ce concert. Ma fille venait de naître ce jour-là ! (rires) Trente ans après, nous allons rejouer justement, comme un clin d’œil, le 9 mars 2018 à Odyssud avec Ali Baba. Nous avons une grande complicité avec le directeur actuel, Emmanuel Gaillard. Il nous a fait confiance de manière assez extraordinaire compte tenu du pari risqué d’Ali Baba. Et cela fait dix ans que ça dure !
Comment l’idée de ce spectacle vous est-elle venue ?
Philippe Couret : Le 21 juin 2005, le Conseil Général avait demandé à Daniel Dumoulin de venir jouer avec une quarantaine de batteurs (et un saxophoniste) pour la soirée de présentation de Jazz sur Son 31.
Daniel Dumoulin : Ce fut un concours de circonstances en fait. Les petits détails font parfois l’histoire. On portait tous un chapeau, mais l’un de nos batteurs avait oublié le sien. Je l’ai engueulé un peu et je lui ai passé le mien. Et j’aperçus quelqu’un qui portait une chemise sur son t-shirt. Je lui ai demandé de me prêter sa chemise un quart d’heure et je me suis coiffé avec, comme avec un kheffieh. Et comme je suis très brun, un spectateur m’a vu ainsi avec les quarante batteurs, et il m’a lancé : « Tiens, Ali Baba et les quarante batteurs ! » C’est ce spectateur anonyme qui a trouvé le nom ! Pierre Izard avait aussi beaucoup aimé, je me souviens qu’il nous avait dit : « Vous nous avez foutu sur le cul ! »
Philippe Couret : Emmanuel Gaillard était présent d’ailleurs le 21 juin 2005 et il a aussi beaucoup aimé. Deux ans après, il se souvenait de cela et m’a proposé de monter ce spectacle à Odyssud. Et on a effectué la première représentation d’Ali Baba et les quarante batteurs en mai 2008.
Daniel Dumoulin : On ne s’y attendait pas du tout. Philippe m’avait appelé pour me faire part de la proposition d’Emmanuel Gaillard alors que j’étais en vacances dans mon Pays basque. C’est un projet formidable mais on ne disposait d’aucun référentiel. Ça n’avait jamais été fait nulle part de jouer avec quarante batteurs.
On connaît les écoles de samba mais c’est plus léger que des batteries complètes…
Daniel Dumoulin : Oui, ce n’est pas pareil. Il y avait eu quelques expériences plus réduites comme Francis Lassus avec Tam-Tam L’Europe, ou Vanessavane à Paris (mais ils n’étaient « que » dix).
Philippe Couret, vous n’êtes pas batteur. Qu’est-ce qui vous a plu dans ce projet ?
Philippe Couret : On avait déjà créé l’association Drums Summit, avec l’idée de créer un festival autour de la batterie. La confiance d’Emmanuel Gaillard nous a permis de créer et de développer cette formidable aventure humaine qu’est Ali Baba. En plus, en dix ans, le projet a évolué tant artistiquement qu’humainement.
Daniel Dumoulin : J’adore travailler avec Philippe. Il me proposerait un spectacle sur Mars, je dirais oui !
L’histoire est inspirée du célèbre conte des 1001 Nuits mais un peu futurisée…
Daniel Dumoulin : C’est l’histoire de l’héritier d’Ali Baba. Il est évidemment richissime. Il s’attaque à un truc trop dur pour lui car il ne peut pas l’acheter : la musique.
Il y a de sacrées pointures comme Minino Garray. Ou André Ceccarelli qui a accompagné des légendes comme Stan Getz, Chick Corea, Nougaro voire Tina Turner ou Henri Salvador…
Daniel Dumoulin : C’est le plus grand batteur français. Il est tout en haut. Il est reconnu mondialement mais sa carrière a souffert de sa phobie des avions qui lui a fait refuser d’autres collaborations prestigieuses. C’est un homme tellement attachant, un gigantesque artiste, un lion sur scène mais pas dans la vie où il est adorable.
Vous avez aussi fait appel au comédien Marc Compozieux qui est l’Ali-conteur du spectacle. On connaissait son talent dans le théâtre de boulevard. Il est aussi batteur ?
Daniel Dumoulin : Oui, c’est un de mes anciens élèves. Il est diplômé de l’école Dante-Agostini. Il a joué aussi dans l’orchestre Heptagone. Ça a beaucoup facilité notre travail car il comprenait parfaitement la teneur du spectacle. Quand j’ai écrit ce spectacle, je me suis pas mal appuyé sur mon expérience et les anecdotes que j’ai vécues et entendues pendant ces 25 années où j’ai enseigné la batterie à la Dante. J’avais un matériau d’une richesse inouïe. Marc et moi avons beaucoup travaillé sur ce texte. Mais nous avons aussi été aidés pour la mise en scène par la formidable Dominique Terramorsi – qui a été la première metteuse en scène du spectacle.
On sent beaucoup d’amitié et de bonne humeur parmi vous…
Daniel Dumoulin : Oui, c’est une aventure humaine fabuleuse, une équipe de potes. Cet orchestre est beau sur scène, mais il est beau partout, dans la rue, au bistrot, partout ! C’est une aventure de gamins finalement !
Le succès de votre école de batterie (Dante Agostini) ne se dément pas depuis 30 ans. Quelle est la motivation la plus fréquente pour débuter à la batterie ?
Daniel Dumoulin : C’est un instrument hyper abordable. Le rythme est quelque chose qui parle à tout le monde, de façon consciente ou inconsciente. C’est une des choses qui réunit les humains, c’est ce que disait Léopold Sédar Senghor.
Entretien réalisé par Bertrand Lamargelle
Ali Baba et les 40 batteurs
du 06 au 11 mars 2018
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Ali Baba et les 40 Batteurs © Claude Maurech