Cela fait quelques décennies qu’il est à la fois comédien, chanteur-lyrique, auteur-compositeur et metteur en scène de théâtre musical : Gilles Ramade a toujours la pêche et cumule les mandats avec bonheur, en touche à tout, entre Pibrac où il est installé depuis vingt-cinq ans avec sa compagnie Figaro and Co, Paris où il joue un de ses plus grands succès Piano Furioso et Toulouse où il créera très bientôt deux opéras dans le cadre des Nouveautés lyriques. Interview « mise sur pause » au beau milieu d’un quotidien frénétique.
C’est ce qu’on appelle une actualité chargée non ?
Et encore, quand je pense à tout ce qui a failli se faire (rires). C’est vrai que c’est difficile de cumuler les fonctions mais j’aime ça. Avoir plusieurs projets en même temps, faire la route, sauter dans mon camion, installer la scène. J’ai gardé ce plaisir de continuer à faire tout moi-même. Et ce depuis ma première mise en scène en 1993 ! Aujourd’hui Piano Furioso est engagé à l’Apollo Théâtre jusqu’en avril 2019, Roméo hait Juliette tourne partout en France avec les enfants des fondateurs dans les rôles principaux, Cruci-fiction s’apprête à faire voyager Pibrac au Moyen-âge avec une équipe de jeunes artistes que j’ai formés dans nos résidences et ateliers et je reprends aussi du service pour les Nouveautés Lyriques.
Un peu « hyperactif » comme régime, non ?
Je préfère dire que je suis turbulent. Car non seulement j’ai du mal à déléguer, mais j’ai peur du vide alors je crée sans cesse des turbulences. Et le plaisir de créer est un vrai moteur. Surtout qu’aujourd’hui je le partage avec des tas de jeunes artistes enthousiastes et notamment avec mes filles, Elsa, Anna et Mathilde, qui ont repris le flambeau chacune dans son domaine. Je trouve qu’il est facile et tellement agréable de travailler avec ses enfants, on a les mêmes références, on rit des mêmes choses. Et puis c’est bien de sentir qu’on transmet des choses aussi…
Rire, c’est important dans ce que vous faites bien sûr ?
C’est une dimension essentielle de mes créations. On est dans une époque assez frileuse vis-à-vis du rire et du second degré. Une époque de likes sur facebook mais où l’autodérision se perd. J’adore rire, j’aime me moquer, attention la moquerie par affection, pas de méchanceté. Mais savoir rire, même de sujets sensibles, c’est un enjeu, une gageure. Et aujourd’hui il ne faut pas lâcher là-dessus. C’est important. Ne pas céder au politiquement correct.
Le rire c’est sérieux donc…
Tout à fait. En France on a tendance à considérer que quelqu’un qui fait rire et qui cumule les casquettes n’est pas vraiment « sérieux ». Je revendique l’inverse : j’ai une formation de pianiste classique à la base, puis une formation en jazz, à la Michel Legrand, une formation de chanteur lyrique et pour moi être un concertiste n’est pas contradictoire avec le fait de faire un one man show, de mêler le récital et le show. J’aime l’idée de toucher à tout, de jouer un personnage et de passer par le biais d’une histoire. On ne se livre jamais autant qu’à travers un personnage auquel on confie ses rêves. Et on n’est jamais autant révélé que par ce qu’on voudrait cacher.
Est-ce ce qui est à l’œuvre dans Piano Furioso-Opus 2 ?
Exactement, ce personnage a beaucoup évolué depuis qu’on tourne, le spectacle change tout le temps. C’est une matière vivante. On le modifie un peu tous les jours, je l’ajuste en permanence avec Jérémy Ferrari avec lequel je co-écris. J’ai tendance à être un éternel insatisfait, je suis toujours à la recherche du truc parfait. Mais ce qui est formidable avec ce spectacle c’est qu’il a peu à peu changé de public aussi : on touche désormais des enfants, l’image est devenue plus familiale. Et de sentir ce plaisir qui t’est renvoyé quand tu es sur scène : on ne s’en lasse pas !
Le même plaisir que de monter un opéra avec 25 personnes sur scène ?
En fait j’ai créé La Flûte ! en juin dernier au festival d’Albi des Tons voisins que dirige Denis Pascal que je connais depuis 40 ans. Nos chemins se sont suivis en parallèle puis nous nous sommes retrouvés à cette occasion. Le spectacle (qui sera repris le 29 mars au Casino-théâtre Barrière dans le cadre des Nouveautés lyriques) met en lumière la rencontre entre Mozart et le librettiste Schikaneder. J’avais envie de m’intéresser à leur amitié fraternelle et d’éclairer par leur échange les dessous de la création de la Flûte enchantée. D’en donner une autre lecture via un autre scénario. Avoir un orchestre symphonique sur scène et six acteurs lyriques, c’est rendre hommage à la musique de Mozart mais retravailler l’histoire, c’est aussi la faire entendre différemment.
Ce type de projets d’envergure est possible grâce aux Nouveautés lyriques, pouvez-vous nous en dire plus ?
C’est une association très active qui existe depuis 2002, j’en ai même été le directeur artistique pendant deux ans et je les remercie vraiment car ils permettent effectivement à des artistes de prendre un certain risque avec de gros spectacles, de conjuguer à la fois des petites formes et de grosses distributions. Car pour information, je ne suis pas du tout subventionné à part l’aide concrète que m’apporte la Mairie de Pibrac en me prêtant la salle du TMP, je ne touche pas d’aide financière pour mes créations : je suis donc obligé d’équilibrer sorties et recettes. C’est une contrainte mais c’est aussi comme ça que j’achète ma liberté.
D’autres projets sur le feu avec les Nouveautés lyriques?
On reprend en effet La Flûte ! fin mars mais je créerai également fin avril un opéra fantastique autour des Contes d’Hoffmann sur une partition d’Offenbach. C’est une création d’envergure avec 60 choristes et 110 personnes sur scène ! J’ai beaucoup soigné les auditions, ça permet vraiment de rencontrer des personnes de talent, j’aime beaucoup la découverte que les auditions offrent. Et puis on fait rentrer des gens venus d’ailleurs dans son univers, je me méfie un peu de la consanguinité artistique. J’adorerai d’ailleurs être mis en scène par d’autres metteurs en scène toulousains. Je crois qu’en restant trop metteur en scène, on perd le rythme. Il est important de se retrouver à « faire » aussi pour garder la dynamique.
Propos recueillis par Cécile BROCHARD
La Flûte
jeudi 29 mars 2018 à 20h30
Casino Théâtre Barrière
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Les Contes d’Hoffmann
samedi 28 avril 2018 à 20h30
dimanche 29 avril 2018 à 15h00
Casino Théâtre Barrière