Chaque mercredi, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir un film américain passé inaperçu lors de sa sortie.
Scott McGehee et David Siegel, issus du cinéma indépendant, forment un tandem de metteurs en scène dont la filmographie parcimonieuse (cinq films depuis 1993) recouvre des œuvres très singulières à l’instar de leur premier opus, Suture, très étrange film noir, ou de Bleu profond (2001), excellent thriller où Tilda Swinton fait face à Goran Višnjić. Suivirent Les Mots retrouvés (2005), Uncertainty (2008) et What Maisie Knew (2012) d’après le roman d’Henry James.
Dans The Way(s), titre « français » d’Uncertainty, sorti chez nous directement en DVD, on découvre un jeune couple – Kate et Bobby – sur le pont de Brooklyn un 4 juillet. Ils doivent prendre une décision, lancent une pièce en l’air et courent chacun de leur côté quand celle-ci retombe. L’un prend la direction de Manhattan, l’autre de Brooklyn. Se dérouleront dès lors deux histoires parallèles mettant en scène le couple : une comédie intimiste du côté de Brooklyn où les héros, sont invités à déjeuner dans la famille de la jeune femme ; un thriller du côté de Manhattan où un téléphone retrouvé dans un taxi va les entraîner dans de périlleuses négociations avec son propriétaire… Par ses motifs, The Way(s) n’est pas sans évoquer Pile ou face de Peter Howitt et Le Hasard de Krysztof Kieslowski.
Grâce à un jeu sur les couleurs (le jaune domine dans une histoire, le vert dans l’autre), qui peut apparaître comme un autre clin d’œil à Kieslowski et à sa trilogie Trois couleurs, Scott McGehee et David Siegel peuvent se permettre de passer d’un récit à l’autre sans perdre le spectateur ni lui imposer des scènes explicatives. Les changements de rythme – course-poursuite trépidante d’une part, scènes de la vie quotidienne baignant dans une douce langueur d’autre part – contribuent également à l’efficacité du film. Il y a un chien perdu que l’on adopte, un vieil oncle qui perd la tête, une jeune sœur qui rêve de devenir artiste, un déjeuner auréolé de soleil, mais aussi des balles qui fusent, un tueur asiatique, un chantage qui tourne mal… Bon, pour ne rien gâcher, nous ne disons pas le plus important.
The Way(s) n’est pas le film du siècle, ni même de l’année (2008), mais un très agréable divertissement, à la fois ludique et sensible. Le charme des comédiens (Joseph Gordon-Levitt et Lynn Collins) n’est pas pour rien dans le plaisir que l’on prend à suivre les aventures de Kate et Bobby face au champ du possible.