Cela ne pouvait attendre, celui qui fit le buzzzz au dernier Concours Tchaïkovski, le 1er juillet 2015, se devait d’être présent à l’affiche d’un des plus prestigieux festivals de piano d’Europe. Il se retrouve avec l’un de ses admirateurs et soutiens lors du concours, le russe Boris Berezovsky, un habitué du Cloître que l’on vient écouter, comme on va en pèlerinage, sans se préoccuper de son programme.
Il en est de même pour d’autres interprètes de ce festival 2016 qui nous font prendre la direction de cet endroit enchanteur sans bûcher spécialement la liste des œuvres qui nous attendent. Il en est ainsi pour l’argentin Nelson Goerner qui ne nous a jamais déçu. Qui ouvre le festival, c’est l’artiste américain Richard Goode, éminente figure du piano contemporain qui ne traverse pas assez souvent l’Océan Atlantique, au goût de ses admirateurs.
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Une autre figure mais plus présente ici et que nous retrouverons en récital le mercredi 7 au Cloître, mais aussi en concert à la Halle pour l’ouverture de saison de l’Orchestre National de Toulouse dirigé par son chef et directeur Tugan Sokhiev, c’est Christian Zacharias. Seul devant son clavier et autour, ce sera surtout Chopin, et avec les musiciens, c’est l’immersion dans le monument des concertos qu’est le Concerto n°5 L’Empereur de Beethoven. Voir mon premier article du 9 juillet pour plus d edétails. La formule « demandez le programme » ne concerne pas non plus Philippe Bianconi, même si le musicien a décidé de nous surprendre avec, mêlées avec beaucoup d’à-propos, des pièces célèbres avec des œuvres plus discrètes et certaines dites rares. Une autre figure du piano est maintenant entrée dans ce club très fermé de ceux que l’on va écouter sans se préoccuper tellement des œuvres, c’est notre ami Bertrand Chamayou. Il vient de “sortir“ un CD consacré à Maurice Ravel, et nous l’offre en live : tant mieux pour tous les présents à ce récital qui affichera complet.
Les fans de la famille Bach ne pourront rater Stepan Simonian qui nous interprètera entre autres, le Concerto italien, deux Toccatas, une Partita. Impossible de faire l’impasse pour les amateurs.
J’oublie sûrement certains des invités, ce qui va vous obliger à consulter la brochure, mais je reviens sur le cas de celui qui a subjugué un certain Valery Gergiev, ce qui n’est pas une mince performance, le jeune français de Compiègne, Lucas Debargue, quatrième Prix du fameux Concours de Moscou, mais surtout Prix de la Critique. Le grand chef russe, co-président, l’a applaudi publiquement et lui a offert, derechef un récital au Théâtre Mariinski, ce qui est extrêmement rare. Depuis, les contrats pleuvent, un premier CD chez Sony vient de sortir. Au Cloître, c’est pour le mardi 13, et il faut penser aussi au vendredi 17 février, à la Halle, où il jouera le Concerto pour piano et orchestre en sol majeur de Ravel sous la direction de Tugan Sokhiev et son orchestre. Même s’il n’aime pas le qualificatif “jeune“, comme il dit : « On est toujours le jeune de quelqu’un. », c’est bien un jeune pianiste, encore, tout en sachant que certains phénomènes du clavier sont montés au pinacle plus jeunes encore. Mais je ne sais si c’est le fait d’avoir véritablement commencé le piano qu’à l’âge de onze ans, comme lui, qu’il me fait irrémédiablement penser à …Adam Laloum. Comme ce dernier, il semble avoir une “sacrée“ personnalité, et comme lui, répète à l’envie qu’il préfère se concentrer sur sa musique. « Il y a tellement de musiques qui ne demande qu’à vivre et qui sont pleines de vie. », s’est-il confié. Mais l’artiste est ouvert au grand monde. Il joue aussi dans un groupe de jazz. Et il compose, aussi. De son interprétation, il la qualifiera d’empirique, refusant toute approche intellectuelle dans le jeu pianistique. Ce qui le fait déclarer : « L’intellec, je le garde pour les moments où je compose. Lorsque je joue, je recherche plutôt l’état de transe. »
De plus, il pense que le XXIème siècle peut amener des surprises. Là, il rejoint un certain Bertrand Chamayou qui n’est pas du tout insensible aux pages actuelles dites classiques. Sa devise, elle est toute simple : « Je suis corps et âme dans la musique, c’est tout ce que je peux dire. » Et son obsession, c’est ce que sa “prof“ bien aimée Rena, exige : « que chaque note soit signifiante ». Tout est dit.
Au fait, il n’est pas tendre, Lucas Debargue, pour les conservatoires et ceux qui sont sensés inculquer quelques connaissances, un peu comme les profs sur les courts de tennis faisant miroiter des parcours à des futurs Nadal. Là, à des futurs Richter, Gilels, Horowitz, qu’il admire tant : « les conservatoires ? des années à attendre, debout dans les couloirs, à l’entrée des studios de répétition, avec des professeurs qui n’ont d’autre motivation que de vous faire déchiffrer trois mesures d’une partition. » Qui s’y frotte si pique !!! « C’est un garçon passionné, tellement entier. » dit Rena, son professeur actuel, celle qui a su déceler le potentiel de ce “diamant brut“, l’a façonné pendant quatre ans pour le conduire, à Moscou, au firmament de la réussite.
Michel Grialou
Festival International Piano aux Jacobins
du 06 au 28 septembre 2016
Septembre sans Piano aux Jacobins ne serait plus septembre
Photos
Lucas Debargue © Felix Broede/Sony Classical
Boris Berezovsky © François Sechet
Nelson Goerner © Jean-Baptiste Millot
Richard Goode © Steve Riskind
Bertrand Chamayou © Marco Borggreve
Philippe Bianconi © Bernard Martinez / La Dolce Volta
Cloître des Jacobins © Jean-Claude Meauxsoone