Programmée de longue date au Théâtre du Capitole pour le mois de février 2014, cette Favorite ne faillit jamais voir le jour. En effet, six mois avant le début des répétitions, Sophie Koch annule. Puis, au fur et à mesure que le temps s’écoule, ce sont le chef d’orchestre, le ténor et la basse qui disparaissent de la distribution. Il a fallu toute la pugnacité de Frédéric Chambert, directeur artistique du Théâtre du Capitole, pour venir à bout de son projet et proposer au public une Favorite qui tient du miracle. Ce DVD en est une preuve indiscutable.
Capté lors des représentations des 14 et 16 février 2014, ce spectacle, somptueusement filmé, met parfaitement en évidence l’intelligence des magnifiques éclairages de Guido Levi. A vrai dire, c’est mieux qu’en direct, non pas que la mise en scène de Vincent Boussard et les costumes de Christian Lacroix manquent d’intérêt, mais il faut bien reconnaître qu’à l’écran toute cette production prend une autre dimension esthétique.
Sous la direction d’Antonello Allemandi, une distribution de haut vol affronte cet ouvrage hybride, flirtant tout à la fois avec le bel canto tardif et le grand opéra « à la française ». Un coup de poker formidable se joue sur scène. En fait, Frédéric Chambert vient de confier le rôle terrifiant de Fernand, un mois auparavant, à un jeune chinois de 32 ans, Yijie Shi, ne parlant pas un mot de français et initialement distribué dans Don Gaspar.
Le talent de cet artiste et celui des équipes musicales du Théâtre du Capitole ont relevé cet incroyable challenge. Le résultat est sidérant. Comédien passionnant à suivre, chanteur au timbre d’un beau métal lumineux, à la voix parfaitement projetée sur un ambitus généreux et homogène couronné par un somptueux registre aigu, articulant un français tout à fait intelligible, musicien et styliste accompli, ce ténor reçut de la part d’un public que l’on sait terriblement exigeant une longue ovation largement méritée. Retenez ce nom, il serait étonnant, et inconcevable, de ne pas en entendre parler à nouveau. Kate Aldrich est une Léonor flamboyante scéniquement et vocalement. D’une beauté sauvage, elle déchaîne son mezzo dans un registre supérieur superlatif. Le problème de Ludovic Tézier est toujours le même et plus encore ici dans la captation vidéo plein cadre. Son Alphonse, au demeurant magnifique de voix, est entaché par un jeu scénique d’une modestie coupable. Etre le Pavarotti des barytons est aujourd’hui un peu court pour être un véritable artiste. Et c’est vraiment dommage. Saluons le professionnalisme de Giovanni Furlanetto venu sauver in extremis le personnage de Balthazar.
Sous la direction d’Alfonso Caiani, le chœur du Théâtre du Capitole participe largement au succès d’un spectacle qui restera, entre autres bonheurs, comme celui d’une passionnante découverte.
Robert Pénavayre
une chronique de Classic Toulouse