Voici la rencontre avec Albert Dupontel lors de l’avant-première de 9 mois ferme, à l’hôtel Crowne Plaza, avant qu’il soit rebaptisé Crowne-enbourg Plaza pour le FIFIGROT (le Festival du film international Grolandais)
Y a-t-il eu des scènes faciles à écrire mais difficiles à réaliser, ou à l’inverse vous est-il plus facile de vous exprimer avec une caméra ?
L’écriture est laborieuse parce qu’on manie de l’abstraction, des concepts. Mon prochain film parle de la peur de vivre. C’est bien gentil de dire « la peur de vivre », mais il y a 100 000 façons de l’aborder. Après des mois de réflexion, j’ai réussi à cerner ce dont je voulais vraiment parler. Sur 9 mois ferme, je voulais raconter le déni dans lequel vous et moi sommes tous. On se raconte des histoires, sinon on ne pourrait pas vivre. Chez la femme, il y a en a un particulier : le déni de grossesse. Je me suis accroché à cette idée. Après, le documentaire de Raymond Depardon, 10e chambre, Instants d’audience, qui m’a beaucoup choqué et beaucoup ému, est venu se greffer là-dessus. C’est ainsi que le film s’est bâti. Ce moment-là où on est dans le brouillard complet est assez pénible. Je n’écris pas dans la joie, dans la bonne humeur, au contraire c’est un summum de la crise, du désespoir.
Après, toutes les étapes du film me plaisent beaucoup, que ce soit le découpage, le travail avec les acteurs, les répétitions. Nicolas Marié, maître Trolos, est très à l’aise dans le film, mais ne l’était pas du tout au cours des répétitions. Un vrai piège de filer un rôle de bègue à un acteur, il n’y a pas mieux pour se planter. Et puis il y a eu des précédents comme Michael Palin dans Un Poisson nommé Wanda qui est parfait. Il y a donc eu des petits moments de doute au moment des répétitions. Il disait qu’il n’y arrivait pas, qu’il voulait arrêter. On a même pensé à échanger les rôles avec Philippe Uchan qui joue le rôle du juge de Bernard. Et le jour où Nicolas a mis sa robe d’avocat, allez savoir pourquoi, l’emphase, les gestes, tout est venu d’un coup, et les répétitions sont devenues un régal.
La seule difficulté que j’ai eue, puisque vous parliez de difficultés, c’est le tournage de la plaidoirie parce que les figurants rigolaient. On avait beau la faire et la refaire, ils riaient toujours. A la 3e fois j’ai dit « c’est bon, vous avez compris, c’est toujours pareil, ce n’est pas super drôle » mais tous les mecs pouffaient dans le coin. On a donc dû changer toute la lumière et les axes. J’ai perdu un peu de temps là-dessus. 9 mois ferme est pour moi un film simple, je n’ai pas eu de complications, ni pour le financer, ni pour le faire. Je l’ai tourné en sept semaines.
Pour le montage, j’ai pris mon temps, c’est peut-être ce que vous évoquiez justement, à propos du mélange des notions. J’ai mis sept mois à le monter. Pour un petit film comme ça, c’est beaucoup, mais c’était prévu dès le départ. J’aime beaucoup le montage. Des fois, c’est désespérant. J’ai tenu une sorte de petit diary sur la réalisation du film. Je me souviens de commentaires fin janvier quand j’ai fait une première présentation du film, dans une salle de montage, sur un écran plat. Ce n’était vraiment pas dans des conditions idéales, et la productrice m’a dit « je ne sais pas quoi te dire », sans rien ajouter de plus. J’ai passé un week-end à penser que ce n’était pas possible, qu’il y avait quand même des trucs. Après, on a montré ça à d’autres personnes, qui étaient intéressées par l’histoire mais ils ne rigolaient pas beaucoup non plus.
Il a fallu une projection le 23 avril dans un petit club privé, le Club 13, où on a fait venir des gens par les réseaux sociaux. Ils ne savaient pas du tout ce qu’ils allaient voir, la moitié ignorait qui j’étais, c’était des gamins de Sciences Po. On leur a dit « on va vous présenter un film, c’est une copie de travail, et vous nous direz ce que vous en pensez ». Il y avait 100 personnes dans une salle de 80 places, ils étaient assis les uns sur les autres, c’était assez comique, et pour la première fois, le film a commencé à vivre. Je ne dis pas seulement qu’ils étaient en train de se taper sur les cuisses, ce n’est pas ça, mais il y avait une écoute du film, un intérêt pour lui, et des réactions drolatiques. Je vous assure qu’il a fallu arriver à ce stade ultime de désespoir pour comprendre ce qu’était vraiment le film.
Quand je me remémore les étapes, c’est quand même une sorte de grande errance de montage et de film pour arriver à cette version définitive. C’est assez curieux. Encore une fois, si je maîtrisais la situation, je serais beaucoup plus détendu. Quand j’attaque un nouveau film, je vois très bien ce que je veux raconter, mais je ne sais pas encore comment et j’espère qu’à l’arrivée, il sera distrayant.
Sous couvert d’une master class, j’ai vu une copie de travail en juin et, ce matin, j’ai vu votre film. J’ai remarqué des différences de montage, et d’image comme ces postillons lors de la plaidoirie qui n’y sont plus. Vous avez changé beaucoup de choses à partir de ces projections de copies de travail ?
C’était vraiment très intéressant. On était au montage, et à peu près fin avril début mai, l’affichiste m’a dit « la meilleure façon avec un budget moyen – pour ne pas dire petit – de faire parler de ton film, c’est de le montrer ». Aussitôt dit, aussitôt fait. Par facebook, on a communiqué avec les exploitants que ça intéressait, via le distributeur, en leur disant qu’on allait prétexter une master class, mais qu’en fait, je viendrais avec une copie Blu-ray du montage du jour. Il y avait carrément la date du jour dessus, si vous vous en rappelez, pour savoir si la projection avait été piratée.
Chacune de ces fausses master class a amené des remarques que je notais dans un calepin : les postillons, les gens rigolent dessus / ce silence-là est trop long / c’est trop bruyant / là je n’ai pas l’impression qu’ils comprennent. Ou la seule scène d’improvisation du film, sur les prénoms du bébé, j’ai tenté 3 ou 4 prénoms, et les gens n’allaient que jusqu’à 2. Ce n’est pas à cause des commentaires qu’ils faisaient, mais des réactions dans la salle. On devient une sorte de grosse oreille et on redécouvre le film, vraiment, avec les gens qui le découvrent. Entre la toute première projection et la dernière, fin juillet, on a coupé 2 minutes 30.
Pour les postillons, les gens riaient, et ça ne m’amusait pas. Je ne voulais pas que les gens rigolent sur Nicolas parce qu’il postillonnait. C’est comme les gens qui rigolent parce que Chaplin se gratte les fesses avec sa canne et qu’il marche en canard. A mon avis, ils passent un peu à côté de ce que fait Chaplin. On a donc effacé les postillons.
Au bout de combien de master class avez-vous décidé de les arrêter ?
A la fin, cela se savait, les master class étaient étrangement remplies. On a arrêté aussi car j’arrivais en fin de fabrication. Il y a eu 6 ou 7 master class qui étaient vraiment sincères, et à la 8e, les gens étaient au courant, donc ils ne venaient plus pour me poser des questions mais pour voir le film. Je poussais le vice, vous vous en souvenez peut-être, jusqu’à dire que j’allais arriver en retard, pour que les gens aient une contradiction positive. Je ne veux pas que les gens se sentent obligés de quoi que ce soit parce que je suis dans la salle. L’exploitant venait lire un SMS soigneusement préparé [NDLR : voici comment il commençait « Chers spectateurs, désolé de ce retard mais j’ai fait une erreur, je suis venu en train. Par contre, le véritable objet de ma visite est quant à lui arrivé. En effet, je n’avais pas l’intention de faire une master class mais de vous montrer une copie de travail de mon nouveau film 9 mois ferme. J’espère que ce changement de programme ne vous décevra pas.(…) »].
Dès que le noir se faisait, je me glissais dans la salle, et j’entendais les réactions spontanées, parce qu’aujourd’hui, je rencontre des fans, et le fan est au cinéma ce que le militant est à la politique, ou ce que l’intégriste est à la religion. Là, j’étais entouré de gens qui pensaient assister à une master class, donc a priori intéressés, mais pas non plus très expansifs. C’était très comique de s’assoir à côté d’eux, qui ne savaient même pas que j’étais présent, puis d’écouter. Je vous assure qu’à un moment donné, on sent le rythme. On le regarde différemment, à travers les yeux des gens, c’est très instructif. Pour le prochain film, il faudra trouver une autre astuce pour le montrer sans leur dire, on fera des anniversaires, des enterrements : « personne n’est mort, mais on va vous montrer un film ». On a appris beaucoup. On peut le faire parce que le support est en numérique, on n’aurait pas pu se trimbaler avec 5 boites de pellicules.
Comment avez-vous tourné le 1er plan du film ?
C’est un travelling arrière au steadicam qui commence sur un plan serré sur une statue. Pour les non-initiés, c’est une caméra fixée sur une sorte d’armature qui permet une stabilisation du cadre parfaite. Le cadreur était sur une grue. Elle faisait un travelling arrière et ramenait le cadreur au sol, qui descendait alors de sa petite plate-forme pour suivre une action qui se passait dans la salle. Son itinéraire était soigneusement préparé, il y avait toute une machinerie. Il arrivait ainsi jusqu’à une fenêtre, et là, on coupait. Puis l’embrasure de celle-ci a été soigneusement reconstituée en numérique, par la société Mikros Image, par l’excellent Cédric Fayolle. On a ensuite mis la caméra sur un drone – une sorte de petit hélicoptère abstrait, une plate-forme avec des hélices au-dessus – qui permet de faire des plans en survol. Il est télécommandé, c’est extrêmement pratique. Sous ce même drone, il y a une petite nacelle qui permet d’accueillir une caméra, que l’on peut orienter dans tous les sens. On lui a fait faire tout le trajet de la cour du Palais de Justice, en passant tout près de la Sainte Chapelle à Paris, car c’est très joli, et on a fini sur une façade. Dans celle-ci, on a incrusté, grâce aux effets spéciaux, le décor où tournait le personnage d’Ariane Felder, l’héroïne du film. En réalité, ce plan-séquence – qui dure je crois 2 minutes 40 – a donc 2 coupes, ce n’est donc pas un vrai plan-séquence. Pour les vrais, je vous renvoie à La Soif du mal d’Orson Welles et The Player de Robert Altman. Ceux-là sont faits sans recours au numérique, avec des grosses caméras qui deviennent difficiles à manier. Ceux-là sont des vraies performances. Nous avons simplement abusé de la complicité du numérique.
Combien faudrait-il de visionnages pour voir tous les détails sur les séquences de flashs info ? J’en suis à 2 et j’ai dû en louper.
Ne vous privez pas, revenez le voir, mais payez votre place parce que là, c’est de la triche. C’est des choses qu’on a mises en se disant qu’avec Jean Dujardin à côté [NDLR : il fait l’interprète en langue des signes d’un JT], les gens ne feraient pas attention, on s’est un petit peu lâché. Il y a quelques mois sur I>Télé, et je vous assure que c’est vrai, j’ai vu un bandeau, qui passe en dessous d’un mec qui parle, alors que sur cette même image, il y a les encarts de la météo et du CAC40. C’est difficile de suivre avec une telle surcharge d’informations, dont très peu sont intéressantes. J’ai donc vu défiler « le pape François a décidé d’être plus sévère avec la pédophilie au Vatican ». Il n’a pas dit de l’interdire, mais d’être plus sévère. C’est intéressant comme nouvelle. On se sent ému de voir que ça bouge au Vatican. On a vraiment de la marge, comme avec l’avocat bègue.
C’est pour cette raison que vous avez mis en bandeau « Les prêtres ne sont pas que des pédophiles – source Vatican » ?
Oui. C’est pour vous dire l’aberration des choses qu’on peut parfois lire. C’est tellement incroyable. On a forcé le trait, c’était un peu le principe du film, de s’amuser avec tout ça. Par exemple, pour l’avocat bègue, qui est un vrai cliché, dans le documentaire de Raymond Depardon, un avocat commence sa plaidoirie en disant « madame la juge, mon client comparait devant vous aujourd’hui parce qu’il a frappé sa femme, mais on a tous frappé nos femmes ». Quand on voit la marge de manœuvre que la réalité nous offre, il y a de la place pour la comédie et pour s’amuser. Cela donne un peu de substance à l’écriture.
Michèle Bernard-Requin, la juge de 10e chambre, Instants d’audience, joue aussi dans votre film. Vous a-t-elle donné son avis sur la crédibilité du scénario ou peu importe si la réalité divergeait ?
Elle m’a dit que tout était impossible, et j’ai tout gardé quand même. J’ai agi en connaissance de cause. Sortir un mec de prison et l’amener là, ce n’est pas possible. Rentrer ainsi dans le bureau d’une juge, ce n’est pas possible. Je lui ai alors demandé si malgré les raisons ne permettant pas de tels actes, ces situations-là avaient déjà été observées, et elle m’a dit que oui. Des avocats hystériques qui entrent dans le bureau du juge pour défendre leur client, des mecs qui sortent de prison sans que leur avocat le sache, tous ces cas-là se sont déjà produits. Alors pourquoi s’en priver ? Et je me suis rendu compte, une fois de plus, que ce n’est pas tellement la vérité que les gens veulent. Le plus délirant dans ce scénario, c’est quand mon personnage prend la robe de juge et va au Palais de Justice pour aller chercher le dossier, alors qu’il est recherché par tout le monde. J’ai passé des nuits à le faire évader, le faire arriver par tel endroit… C’était d’une complexité. Et puis j’ai dit « on s’en fout, il va au Palais de Justice, point barre » et personne ne m’a embêté là-dessus. Les gens admettent ça, non pas parce qu’ils trouvent ça crédible, mais parce qu’ils ont envie d’y croire. Ils ont envie que les personnages soient ensemble, et que l’enquête avance. Cette tolérance-là est très dure à trouver à l’écriture, on ne peut que la supposer. J’avais supposé, par exemple, que le travelling circulaire autour d’eux quand ils consultaient le dossier serait un plan qui les rapprocherait. Mais j’avais écrit tout un plan avec « je vous trouve très attirante ». Puis on s’est dit qu’on allait les mettre juste ensemble [NDLR : ce plan est sans dialogue], autour du dossier, c’était plus sobre, et l’empathie qui allait naître entre eux serait alors acceptée. Je crois que ça passe pas si mal, avec la musique de Christophe Julien, le travelling… Toutes ces choses-là sont difficiles à écrire, il faut les deviner. Parfois on devine mal, parfois on devine bien.
En parlant de musique, comment commande-t-on une chanson à Camille, qui signe la chanson originale du film ?
On ne commande pas. C’était déjà le cas pour Noir Désir dans Bernie. Je leur avais proposé de voir le film au montage. J’étais descendu à Bordeaux pour leur montrer, ils m’avaient dit en sortant « on fera un truc » mais c’était resté mystérieux. Puis, quelque temps après, ils m’ont appelé pour me dire « on a fait une chanson ». J’ai été très très touché, bien sûr, quand je l’ai entendue. Pour Camille, c’était pareil. Je lui ai dit « j’ai fait un film, est-ce que vous voulez venir le voir ? Elle a accepté. Elle était enceinte jusqu’aux yeux, et malgré ça – la grossesse dans le film peut être un peu effrayante – elle m’a dit qu’elle ferait un truc. C’est resté pareil, un peu vague, les musiciens ont souvent des tempos qui leur sont propres. Et puis un jour, j’ai reçu une maquette. J’ai trouvé cette sorte de conte enfantin avec sa voix très personnelle vraiment superbe. Je suis un grand fan de son album Le Fil, je l’écoutais en boucle, « les oiseaux eux aussi ont le vertige… ». J’adore ses chansons, et elle en a fait une super jolie qui s’appelle 9 mois ferme.
Sur les plans avec Sandrine Kiberlain, elle est souvent en double : au travail avec le retour de la webcam, chez elle avec les miroirs…
J’aime bien les points de vue différents. Les webcams existent vraiment chez les juges d’instruction, c’est ce qu’on a vu aux repérages. Les miroirs, c’est un outil que j’ai souvent utilisé dans de précédents films. Si vous sous-entendez que je ne me renouvelle pas, j’assume complément. Il y a un plan qui est intéressant : d’un coup elle se voit devant ce miroir et elle se demande ce qu’elle a fait parce qu’elle réalise qu’elle est l’alibi du mec, et elle se met un coup de tête dans le miroir. Il y a beaucoup de points communs avec le film Le Créateur, comme le travelling circulaire, ce motif du miroir cassé…
Se regarder dans un miroir l’oblige à se confronter à elle-même. C’est comme la scène de l’autopsie, elle n’est pas là pour le plaisir de tourner une scène d’autopsie. Tout à coup, elle est forcée d’aller voir ce médecin, le docteur Toulate, l’excellent Philippe Duquesne, parce qu’elle le connaît, qu’elle ne veut pas que cette affaire s’ébruite, et qu’elle sait qu’elle pourra le manipuler pour faire le test de paternité. Je voulais qu’elle se confronte à une étape de son travail qu’elle a souvent prescrite mais qu’elle n’avait jamais vue. C’est la première fois de sa vie qu’elle y assiste, elle est effarée. Elle descend aux enfers et avec elle-même et avec son travail. C’est ça l’idée, que Philippe Duquesne rend comestible.
Il s’appelle Toulate, parce qu’à l’origine le film devait se faire en anglais, et ça faisait too late, donc le docteur en retard, c’était cohérant avec une autopsie. Peut-être que le mec en vrai n’est pas aussi hilare, mais grâce à Philippe Duquesne, il l’est. On a coupé une partie de cette scène, et enlevé des répliques qui nous faisaient beaucoup rire. A un moment il était un peu curieux, et il disait « vous pouvez m’en dire un peu plus ? » et Sandrine voyait les photos du Che, elle pressentait un côté militant chez lui, et elle lançait « c’est une affaire politique ». Et il se redressait « les puissants, okay okay.. » et elle répondait « voilà ». Il posait son énorme taille-haie, il prenait un café, il réfléchissait – il fallait voir Philippe Duquesne jouait ça – et lançait « la société c’est l’inverse de la montagne » sur un ton très mystérieux, et Sandrine lui demandait pourquoi. « Plus on monte, plus ça pue » répondait-il en reposant son verre. Mais pour le rythme du film, cette partie de cette scène n’a pas pu être gardée. Tout ne passe pas.
Qui a conçu l’affiche ?
Laurent Lufroy. C’est un affichiste légendaire dans le cinéma, il a conçu 700 affiches, dont The Artist, Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain… J’ai vu passer des projets absolument effroyables. Une autre affiche était prévue. Et un jour il y a eu celle-là, qui me plaisait vachement. J’ai attendu les trémolos du marketing « elle est clivante », « elle fait penser à Kirikou et la Sorcière », « on dirait du théâtre de marionnettes ». J’ai envie de dire qu’elle est surtout très belle et très originale. Aujourd’hui, quand je vois tous les frontons des cinémas, les affiches sont toutes pareilles avec la gueule des acteurs et les femmes derrière pour les films d’action. Pour les comédies, ils font des grimaces. Celle-ci est un peu mystérieuse, mais elle est classe. Je l’aime bien car elle a un côté Tati déviant. L’affiche de Mon oncle était un peu comme ça en ombres chinoises, mais qui connaît Tati maintenant ?
Si les gens ont entendu parler du film avant sa sortie, l’affiche le leur rappellera. Par contre, s’ils n’en ont jamais entendu parler, ça va être compliqué, de comprendre même que c’est un film. Cela pourrait être du théâtre d’ombres chinoises, ou alors Kiberlain et Dupontel présentant du théâtre kabuki, on ne sait pas trop. A un moment donné, on arrête avec les calculs, car dès qu’on trouve quelque chose de beau dans ce métier, c’est super dangereux. Attention : il faut convaincre la masse, et la masse est forcément vulgaire et conne. Il faut alors faire des choses moches… vous n’avez qu’à voir comment sont construites les villes. J’espère que cette affiche plaira, et si c’est raté, ce sera de ma faute. Je l’ai voulue, et le distributeur m’a laissé faire.