Les Aigles de la République un film de Tarik Saleh
L’immense cinéaste suédo-égyptien Tarik Saleh revient planter sa caméra dans le pays de son père pour nous offrir l’ultime volet d’une trilogie qui a trouvé dans la capitale égyptienne le biotope parfait pour évoquer l’état de délabrement de l’ex-empire des pharaons. Aujourd’hui il nous livre un thriller politique mettant au premier plan les compromissions de l’artiste face au pouvoir en place. Saisissant !

Fares Fares (George) – Crédit : Yigit Eken
George Fahmy est une star du 7e art égyptien. Marié, père d’un grand garçon, Ramy, il vit une existence sentimentale pour le moins dissolue, fréquentant ouvertement une jeune femme de l’âge de son fils. Celui à qui rien ne résiste se voit proposé de tourner dans un biopic du Président Abdel Fattah al-Sissi (élu Président le 8 juin 2014 avec un score de 96,9% !). Le tournage lui fait rencontrer toute la junte militaire au pouvoir, junte à laquelle rien ne peut être refusé. George commence à en profiter… Fréquentant dès lors les « dîners en ville », il fait la connaissance de l’épouse d’un général. Le coup de foudre est immédiat et réciproque. C’est le début d’une descente aux enfers orchestrée par l’homme de l’ombre du Président, le Dr Manssour. Une grande cérémonie militaire doit avoir lieu au cours de laquelle George lira un discours en forme de panégyrique du Président, lequel assistera à l’événement, entouré des plus haut gradés de son armée…
Film dans le film, réalité dans la fiction, tout se croise dans cet opus virtuose qui nous parle d’un pays aux mains d’un pouvoir militaire d’une violence impitoyable. Le scénario dresse également le portrait d’un artiste de cinéma qui va se vendre en une sorte de pacte faustien à la dictature en place sans sourciller, quitte à en devenir l’otage. Clairement porté par Fares Fares (George), l’acteur fétiche de Tarik Saleh, ce film vous cloue sur votre fauteuil non seulement par la subtilité de la mise en scène mais aussi et peut être surtout par l’éclairage aussi cru qu’actuel qu’il porte sur ce gigantesque pays qui fut autrefois le plus puissant de toute la Méditerranée. Il y a plusieurs millénaires de cela…

