Catherine Millet publie Simone Emonet aux éditions Flammarion. Un court récit qui redonne vie à une femme ordinaire et complexe.

Catherine Millet © Pascal Ito
Un appartement. Des gestes qui se répètent. Des habitudes figées par la solitude. Simone vit seule dans un quotidien rythmé par le silence. Son mari est parti, son fils est mort dans un accident, et sa fille – Catherine Millet – passe par intermittence, sans jamais occuper toute la place. La relation mère-fille est décrite avec sobriété : ni fusionnelle, ni totalement distante, elle est faite de visites courtes, de silences lourds, de regards en suspens. On devine dans ces instants une attente, une inquiétude muette, comme une tension invisible entre deux existences parallèles.
Puis vient le basculement. Un pressentiment, un doute au moment du départ. Et, brutalement, la nouvelle tombe : Simone s’est jetée de la fenêtre de son appartement. La scène est rapportée sans pathos, presque sèchement, mais elle résonne comme un séisme intime. Une histoire s’achève dans le vide, une autre commence : celle d’une fille qui, après le geste incompréhensible de sa mère, tente de comprendre.
Combler le vide
Face au choc, la narratrice entreprend de revenir sur les pas de Simone. L’appartement, d’abord, est un lieu figé, muet, qui ne livre rien. Alors il faut chercher ailleurs, dans les souvenirs, dans les traces tangibles du passé. Des cartons sont récupérés, contenant papiers, photos, fragments de vie. La première réaction est de détourner le regard, de repousser ces restes qui brûlent les mains. Mais la fuite est illusoire. Le temps, le travail, les voyages ne suffisent pas à effacer le poids de l’absence.
C’est donc à travers ces archives intimes que Catherine Millet entame un travail de recomposition. Elle fouille dans les images et les mots laissés derrière, comme on fouillerait dans les plis d’une mémoire fracturée. Peu à peu, une autre Simone apparaît : la femme derrière la mère, l’amoureuse, l’être singulier, parfois lumineux, parfois insaisissable. L’enquête devient récit, et le portrait se dessine dans l’entrelacs de souvenirs personnels.
Catherine Millet signe un récit à la fois tendre et pudique, où l’amour filial se devine davantage qu’il ne s’énonce. Entre les lignes se dessine un hommage discret, qui met à l’honneur non seulement une mère, mais aussi une femme à part entière. Simone apparaît tantôt énigmatique, tantôt familière, empreinte d’une beauté silencieuse qui fascine. Un portrait tout en justesse et en poésie.


